Dossier Trouble du sommeil chez l’enfant : Article 2

Peur de dormir ?

Bedroom-Monsters-Series1-610x407Qu’est vraiment la peur du noir ou bien celle de dormir ? Mon enfant ne veut pas se coucher, il ne veut pas faire la sieste, il fait des crises pour venir dormir avec nous… Pourquoi ? comment ?

 

Les enfants sont tous différents. Certains s’endorment n’importe où, d’autres ne veulent jamais s’assoupir. Il serait facile de dire que l’on ne sait pas pourquoi, mais malheureusement c’est faux. Tout est une question de séparation. Quand je réponds cela à certains parents, quand ils viennent me voir en consultation, ils me disent ne pas comprendre parce que jusqu’ici, il n’y avait pas vraiment de problème, et même parfois, aucun problème du tout, mais cela c’était avant. Alors qu’est-ce qu’y a changé ?

 

Dans un premier temps, tout simplement, votre enfant, et, dans un second temps vous aussi, et dans un troisième temps votre relation. Alors qu’est ce que cela veut dire ?

baby-1107333_1920Jusqu’à l’arrivée de la parole, l’enfant est dans une extrême dépendance face aux parents, il hurle pour vous faire comprendre, il pleure pour vous communiquer sa souffrance. Pendant cette période il n’y a aucune véritable élaboration de sa part. Les seules préoccupations de votre enfant viennent, de ce que les psychologues appellent, son monde interne : il a faim, il a soif, il est fatigué, il est sale, il a besoin de tendresse (d’attachement). Il n’a que des besoins, la peur du monde extérieur n’existe pas véritablement. Puis au fur et à mesure, le monde change car lui aussi change. Pourquoi change-t-il ?

 

Votre enfant change, parce qu’il apprend à votre contact. Vous lui transmettez petit à petit, un peu du monde qui l’entoure. Vous verbalisez ce que lui ne peut pas verbaliser ou, ne peut pas parcebaby-200760_1920 qu’il n’a pas encore le vocabulaire. Quand il pleure vous lui dites : « c’est parce que tu as faim ce gros chagrin… » . Tout cela lui permet d’élaborer son monde interne, tout ce qui lui fait peur à l’intérieur de lui. Parce qu’effectivement ce que ressent votre bébé lui fait peur. Toutes ces sensations venant de l’intérieur, qu’il n’avait jamais ressenties dans le ventre de sa mère. Imaginez vous dans un monde où il ne fait pas froid, où vous n’avez pas faim, où il n’y a ni lumière ni obscurité, ni silence, ni bruit… ce que l’on pourrait appeler le nirvana, d’une certaine façon. Et depuis qu’il est né, il est assailli par ce genre de sensations… nous avons tous eu faim mais nous savons ce que c’est. Votre enfant lui, l’ignore et, apprend, à votre contact, à le comprendre.

 

Un des grands principes de la vie est, que l’on ne peut pas avoir peur de tout, en même temps. Essayez, si, vous avez peur des araignées et des abeilles, de vous mettre proche des deux. Inévitablement, vous vous préoccuperez plus de l’une ou de l’autre. Pour l’enfant c’est pareil, il ne peut pas avoir vraiment peur du monde extérieur tant qu’il a peur de son monde interne.

Ce qui veut dire que, progressivement, le monde à l’extérieur de lui va prendre vie. il va pouvoir, au fur et à mesure, appréhender ce qui l’entoure, comme les phases de jour et de nuit. Ce qui nous fait arriver, indubitablement, au changement de la relation parent/enfant. Qu’est ce que cela veut dire ? Le plus souvent de 0 à 1 ans, les parents accourent dès que l’enfant pleure pour quelques raisons que ce soit, et c’est bon pour lui. Et au fur et à mesure ou, parfois de manière brutale (du à votre épuisement, le plus souvent) vous y allez de moins en moins rapidement. Attention, c’est tout à fait normal. Du coup avec votre propre changement d’attitude, votre enfant fait une nouvelle expérience. Laquelle ? Celle de l’impuissance. Mettez vous à sa place, imaginez un monde sans frustration ou vous pouvez rentrer dans n’importe quelle boutique, prendre ce que vous voulez, que tout le monde vous adore. Puis d’un seul coup plus rien, que ressentiriez vous ? De la peur, de la frustration, de la colère, finalement de l’impuissance. Ces cris ne fonctionnent plus, ils ont perdu leurs pouvoirs magiques. Cette impuissance ne peut pas être reconnue, comme telle, tout simplement parce qu’elle n’est jamais désignée le plus souvent. Comme je vous l’ai dit, c’est vous, parents, qui nommiez chaque émotion pour lui. Cette angoisse que l’enfant ressent est réelle et doit, aussi, être expliquée.

 

baby-1270030_1920L’impuissance c’est dans un premier temps à la fois interne et externe, parce l’enfant est puissant à faire bouger le monde à l’extérieur mais aussi de maintenir celui de l’intérieur. Du coup c’est ce qui le faisait crier, pleurer ou hurler. Puis au fur et à mesure, il a appris, grâce à vous, ce que l’on expliquait, à appréhender ce qui venait de lui. Et à partir de là, il peut commencer à regarder ce qui ne vient pas de lui : Le monde extérieur. A ce moment-là il peut donc commencer à être séparé de vous la nuit. Il peut donc commencer à avoir peur de dormir.

Certains parents me disent qu’ils avaient déjà compris et expliqué cela, mais est-ce que votre enfant a vraiment compris ? Et, la vraie question qu’il faut vous poser : peut-il comprendre cela à son âge ? Vous êtes vous déjà demandé s’il avait les mots nécessaires pour comprendre, non plus les sensations mais les émotions. Pour expliquer ça, en cabinet, je prends souvent l’exemple de l’apprentissage d’une langue étrangère. Tout le monde le sait, c’est facile pour certains et, compliqué pour d’autres. Il faut du temps et de la patience ainsi que de la persévérance. Il faut apprendre le vocabulaire, la grammaire, la conjugaison, puis les expressions… Pour l’enfant, la vie, c’est un peu pareil, il lui faut apprendre beaucoup de choses en même temps, et, ce n’est pas facile, voire possible.


Nb : il ne faut donc jamais prendre à la légère les peurs de votre enfant. Les peurs sont toujours irrationnelles pour l’entourage, mais jamais pour la personne qui les subit. Celui qui n’a peur de rien a donc de la chance, n’oubliez pas vous êtes chanceux, cela ne vous permet pas d’être dédaigneux avec les autres.


Bibliographie

  • Parot, F. (1995). L’homme qui rêve. Paris : PUF.
  • Luis Alvarez, Bernard Golse,  La psychiatrie du bébé, 2e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages. ISBN : 9782130621508
    Lien : <http://www.cairn.info/la-psychiatrie-du-bebe–9782130621508.htm>
  • A. Bridoux, C. Monaca. Sommeil normal et neurobiologie. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 – n° 1 – janvier-février-mars 2010

Lien pour aller plus loin sur le sommeil :

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