le traumatisme quel est-il ?

A la base de mes recherches, il y a une question qu’un de mes professeurs m’avait posée au tout début de mes études de psychologie : « êtes-vous intéressé par le traumatisme ? ». Pour toute réponse, je n’avais alors pu fournir qu’un « non » solennel, étant intimement persuadé que ce n’était pas pour les questions de traumatisme que je m’étais orienté en psychologie. Mais alors pourquoi ?traumatisme-membre-fiche-18

A ce moment là, j’étais encore loin de me douter de ce qu’était le champ du traumatisme. Au départ, l’état de mes connaissances dans le domaine de la psychologie ou encore de la psychanalyse était de l’ordre du néant, s’approchant du point zéro. Et c’est en faisant des recherches pour construire un sujet de mémoire justement sur le traumatisme que j’ai découvert son si large champ. Si l’on ne s’arrête pas à son sens premier, utilisé à tort et à travers dans les médias, alors un monde aussi large qu’humain nous ouvre ses portes.
 

Nous pouvons trouver la définition par Laplanche et Pontalis (2007) comme un « évènement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans l’organisation psychique. En terme économique, le traumatisme se caractérise par un afflux d’excitation qui est excessif, relativement à la tolérance du sujet et à sa capacité de maitriser et d’élaborer psychiquement ces excitations » .
 
Pour mieux comprendre cette question du traumatisme il nous semble utile de la reprendre detraumatisme manière chronologique, en commençant par Freud. La question du traumatisme comme nous le présente dans son article Thierry Bokanowski , chez Freud, est découpée en deux périodes, l’une de 1885 à 1905 environ, où celui-ci établit le modèle « princeps de l’action du traumatisme ». Il nous dit que le traumatisme se réfère avant tout, au sexuel, et donc à sa théorie de la séduction. Mais peut-être plus exactement à l’idée « d’impressions éprouvées dans la petite enfance, puis oubliées… ». Nous sommes ici, dans une idée d’un modèle pour Freud en deux temps avec une question d’après coup . Pourtant cette période, pour Freud, n’est pas des plus simples. Il se voit obliger de remettre en question en 1887, cette modélisation et abandonne le principe de la Neurotica. Puisque la problématique paternelle, est le fait de devoir accuser dans chaque cas, le persévéré impossible. Mais c’est pourtant cette problématique qui va amener Freud à la découverte de l’importance du fantasme, puisque chez le patient il n’y avait pas de preuve tangible d’indice de réalité, ce qui faisait qu’il était impossible pour le patient de distinguer entre réalité et « fiction investie d’affect ».

 

L’autre période de Freud, se déroule de 1905 à 1920, cette période lui permet de retracer le parcours du développement sexuel chez l’enfant, mais aussi de s’appuyer et de s’ancrer dans la théorie de la libido (ancrage qui selon Paul Denis, vaut le fait pour Freud d’abandonner son questionnement sur la pulsion d’emprise, ou tout au moins de le mettre de coté, nous essaierons nous d’y revenir par la suite.). Le traumatisme serait donc en  » rapport avec la force pressante des pulsions sexuelles et la lutte que leurs livre le Moi ; tous les conflits et tous les traumatismes sont envisagés par référence aux fantasmes inconscients et à la réalité psychique interne ».

Pourtant selon le travail de Thierry Bokanowski (2002/3), où il retrace la question du traumatisme, traumail faudrait prendre en compte en réalité trois niveaux différents : le traumatisme, le traumatique mais aussi et surtout pour ce qui nous concerne peut-être le plus, le trauma. Dans la conceptualisation du traumatisme, il pose l’idée reprise de Freud qu’il faille considérer deux paramètres théoriques : Le premier où pour lui le traumatisme semble « être un agent de déliaison pulsionnelle » et, le second où les « séquelles laissées constituent et agissent comme une source pulsionnelle secondaire ».

La question du traumatisme soulève un problème, parce qu’il y a des états où il reste pourtant une partie, qui permet encore la possibilité de mentaliser, par là on entend l’éventualité de la symbolisation, et donc de pouvoir le surmonter. Alors que dans l’idée du traumatique, d’après le principe économique tel que nous l’avons présenté, ne lui permet pas une symbolisation complète.
Ce dernier reprend donc l’idée du trauma, vu comme une « atteinte précoce du Moi » sous forme de « blessure d’ordre narcissique » ; ces traumas (qui concernent les empreintes de l’objet, ou l’action de l’environnement et qui peuvent survenir avant l’établissement du langage) viennent perturber et renforcer les premiers opérateurs défensifs tels le déni, le clivage, la projection (l’identification projective), l’idéalisation, l’omnipotence, etc. Ils peuvent organiser des « zones psychiques mortes ».

 

Il faut pourtant noter, pour S. Ferenczi, tout semble en aller autrement, ou plutôt cela n’est pas complet. L’action défaillante du pare-excitant ne permettant pas à l’enfant de gérer la surexcitation, prendrait la forme « d’un viol psychique ». Le rôle de contenant n’étant pas assuré, l’enfant serait débordé. Cela aurait pour conséquence de déchirer le Moi. Pour Ferenczi « le trauma doit être considéré comme résultant d’une absence de réponse de l’objet face à une situation de détresse » . Cela aura trois conséquences majeures sur le Moi et la personnalité du sujet : sa mutilation (de l’instance), « le maintien de la souffrance en relation à l’intériorisation d’un objet primaire défaillant », mais aussi et surtout entrainera une sensation de détresse primaire qui perdurera pendant toute la vie du sujet et se réactivera à la moindre occasion.

 

Cette idée peut nous renvoyer au mécanisme de défense, de l’identification et plus exactement à la question de l’identification de l’agresseur, mécanisme présenté par Anna Freud (1936). L’identification est un principe d’assimilation inconsciente d’un aspect de l’autre, par plaisir ou angoisse. Cela a pour effet une transformation (totale ou partielle), sur le modèle de l’autre, auquel on choisit de s’identifier. Il est à noter aussi que l’identification peut être perçue comme la forme la plus primitive du lien affectif à l’objet. Dans le cas de l’identification à l’agresseur, laconfused-880735_1920 personne sujette au danger, va s’identifier à l’agresseur. Cette identification peut se faire selon trois modalités, « soit en reprenant à son compte l’agression telle quelle, soit en imitant physiquement ou moralement l’agresseur, ou bien encore en adoptant certains symboles de puissance qui le caractérisent. ». Le terme ne paraît pas dans les écrits de Freud, cependant celui-ci en a discuté et propose l’idée que cela peut devenir pathologique, s’il y a « confusion des sentiments ». Cela sous-entend qu’elle porterait non plus sur le lien ou la relation d’hostilité mais sur des relations d’amour. Selon l’explication de Laplanche et Pontalis, cela prendrait une part importante quand le concept vient « s’articuler à ce qu’il est classique de désigner comme identification au rival dans la situation œdipienne… les observations rapportées situent généralement ce mécanisme dans le cadre d’une relation non pas triangulaire mais duelle »
Voilà en quelques lignes, ce que l’on a pu découvrir sur un point essentiel de l’existence du « traumatique », et qui pourra nous aider à avancer dans la poursuite de notre propre parcours de mentalisation.

Une autre question est née du regard que l’on peut porter sur cette société : et si elle était aussi devenue traumatogène, pour nous, ses contemporains ?

 

Bibliographie
 
• Bokanowski T., « Traumatisme, traumatique, trauma », Revue française de psychanalyse, 2002/3 Vol. 66, p. 745-757.
• FERENCZI, Sándor « Réflexions sur le traumatisme » (1931-32), Op.cit.pp. 139-147.
• Freud S. (1908 c), Les théories sexuelles infantiles, La vie sexuelle, trad. fr. J.-B. Pontalis, Paris, PUF, 1969
• Freud S. (1912), Pour introduire le narcissisme, La vie sexuelle, trad. fr. J.-B. Pontalis, Paris, PUF, 1969, p. 81
• Freud S., « Au- delà du principe de plaisir » (1920g), dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1973
• Laplanche, J. & Pontalis, J.-B. (2007). Vocabulaire de psychanalyse (5th ed.). Paris : Puf

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