L’attachement, un détour historique pour envisager le couple
Pourquoi dit-on que tout vient des parents ? Que tout est de la faute des parents ? Que disent les chercheurs sur la question de l’attachement ? Puis qu’est-ce que l’attachement en psychologie de quoi parle-t-on ? Voilà pour vous une petite présentation sur la théorie de l’attachement, qui nous permettra d’avancer sur la question du couple.
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René A. SPITZ
Pour envisager la théorie de l’attachement nous devons faire un détour dans l’histoire, pour s’intéresser à quelques grands chercheurs qui ont révolutionné notre conception de cette notion. Pour commencer, Il faut faire un crochet par Spitz.
D’après ce dernier, la mère acquiert au cours de la première année de vie de l’enfant le statut particulier « d’objet« . Elle n’est pas perçu objectivement, comme une personne entière. Ce serait en venant satisfaire les besoins alimentaires du bébé, que la mère ou son représentant, prendrait cette place. L’attachement se base donc sur le comportement qui va se développer entre eux. c’est ce que l’on va appeler un « prototype des relations sociales ».
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Harry HARLOW
A la suite de Spitz, Harlow découvre que les besoins sociaux seraient primaires chez le bébé, et qu’ils se doivent d’être satisfaits de manière indépendante des autres besoins. C’est d’après ses recherches effectuées sur les animaux, comme le petit singe (ci-dessous), qu’il a pu être constaté que le besoin de nourriture est volontairement sacrifiée, au profit de celle du contact. Selon lui le comportement d’attachement, chez le bébé, aurait pour fonction première une demande de protection. le bébé pourra progressivement se décoller de la mère en peluche pour se nourrir tout en gardant un oeil sur elle. Il y aurait donc une association entre besoin de protection et sentiment de protection. Cela sera nommé le « lien d’attachement » : « l’attachement étant l’ensemble des processus sous-jacents à la recherche et au maintien de la proximité avec une personne particulière de l’entourage de l’enfant, généralement celle à qui sont dévolus les soins à prodiguer à l’enfant… ».
Attention : il est à noter que l’enfant ne construit pas seulement de « working model » de sa mère. Il le fait aussi à partir des relations avec d’autres personnes de son entourage, comme le père… Le bébé ne s’attache donc pas exclusivement à la mère, il peut se lier à plusieurs personnes de son environnement avec le temps, on parlera d’une hiérarchie des liens. Les conduites d’attachement pourraient donc être différentes selon l’interlocuteur. Tout ne repose donc pas sur les épaules de la mère. Ce qui sous-entendrait que nous n’avons pas qu’un seul « prototype des relations sociales », comme le pensait Spitz.
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Mary AINSWORTH
Pour poursuivre sur la notion d’attachement, il faut passer par les travaux réalisés par Ainsworth. Ceux-ci permettant la mise en évidence des comportements d’attachement vis à vis de la relation entre la personne qui donne les soins et le bébé. D’après cette dernière, les comportements d’attachement se mettent en place de manière différente selon chaque enfant. cependant la mise en place de ceux-ci, sont étroitement liés aux comportements de celui qui fait ou donne le soin. Il faut savoir que tout autant que nous les adultes, les bébés aussi ont leur caractère. Ce qui veut dire que chaque parents doit réussir à s’adapter à son bébé.
Pour Ainsworth, il faudrait différencier trois types de « caregiver » (soin). Le premier type de réponse sera plutôt sensible et adapté aux besoins. Un second type que l’on nommera d’aléatoire, avec des conduites dites incertaines. Et un troisième que l’on dira intervenant ou rigide. Pour déterminer les différents types de « caregiver » (soin), les recherches se sont portées sur le degré de sensibilité du rapport entre la mère et l’enfant. Cette recherche a pu mettre en évidence, l’impact que le type de relation avait sur la formation de l’attachement pour l’enfant. En 1978 Ainsworth a postulé, que la qualité du lien aurait une stabilité importante au cours du développement, et ce jusqu’à l’âge adulte.
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L’attachement dans le couple, un début d’idée de liaison vers l’âge adulte
Selon Michel Delage « l’homme comme être social est dans la nécessité biologique d’être en lien, pour réguler ses émotions, apaiser les circonstances stressantes de son existence, mieux penser et donner du sens à sa vie ». Le besoin d’attachement adulte n’est donc pas si éloigné dans sa conception de celui de l’enfant, Il semblerait cependant quelque peu différent mais en quoi ? Ainsi pour l’adulte nous ne pouvons pas parler de besoin vital de protection, celui-ci pouvant subvenir seul à ses besoins comme se nourrir s’il a faim, se coucher quand il est fatigué et ainsi de suite… Nous pourrions donc parler plus d’un besoin « vital » de contact avec l’autre. Par ailleurs, le mouvement ne serait plus unilatéral, pour l’adulte, chaque individu qui compose le couple deviendrait une figure d’attachement pour l’autre, ce qui change grandement la donne.
Conclusion
Ici ce n’est qu’une présentation rapide d’une notion bien vaste en psychologie, mais c’est un début pour comprendre pourquoi nous disons que notre manière d’aimer est la résultante de la manière dont nous avons été aimé.
Bien que l’attachement adulte soit hérité de celui de l’enfance, il n’en reste pas moins qu’il peut se transformer au contact de l’autre, au sein de la relation de couple. C’est justement l’idée de bilatéralité qui est au centre de cette nouvelle forme d’attachement. Cela serait donc un processus dynamique dans le temps et organisateur de la relation elle-même. A la différence du bébé, l’adulte est indépendant, du coup il n’est plus soumis par la force des choses à l’environnement. Il faut entendre par là, que l’attachement ne s’établit plus sur une question de protection mais sur un besoin de contact. Et c’est ce besoin qui va permettre à certaines personnes de changer leur « prototype des relations sociales« . C’est comme s’il pouvait s’opérer, au contact de l’autre, un remaniement, rien ne serait donc complètement immuable, l’Homme peut changer et apprendre.
On peut souvent entendre : « avec elle/lui, il/elle a changé… leur relation l’a transformé », comme si ce changement était une mauvaise chose. Et si c’est le cas ne vous êtes vous jamais demandé pour qui c’était une mauvaise chose ?
Bibliographie
- Ainsworth M. D. et Wittig B. A. (1969), Attachment and exploration behavior of one-year-olds in a strange situation, in B. M. Foss (ed.), Determinants of infant behavior, vol. 4, London, Methuen, 111-136.
- Ainsworth M. D., Blehar M. C., Waters E. et Wall S. (1978), Patterns of attachment : A psychological study of the Strange Situation, Hillsdale, NJ, Lawrence Erlbaum Ass.
- Harlow
- Delage M., « Comment s’attache-t-on dans un couple ?. », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 1/2009 (n° 42) , p. 87-105
URL : www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2009-1-page-87.htm.
DOI : 10.3917/ctf.042.0087.