Lacan et l’éthique de la psychanalyse : Peter le rêve de Wendy 1

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août 30, 2020

1.     Résumé de l’histoire de Peter Pan

 


Attention, c’est une approche naïve, qui mériterait un approfondissement… c’est un texte qui propose une première vision revue de la psychanalyse des contes de fées.


 

L’histoire commence en nous présentant une famille, il y a la mère, le père, les deux petits frères et Wendy, ainsi qu’un animal : nana la gouvernante, qui est une chienne. Bien entendu il y a Peter Pan, enfant fée dans l’histoire de Disney, toujours accompagné par la fée clochette.

L’histoire nous dit que Wendy est la détentrice des histoires de Peter Pan. Histoire qu’elle raconte à ses jeunes frères.

Nous découvrons un P.P. qui est à la recherche de son ombre et qui à besoin de la rattacher. D’ailleurs Wendy lui dit bien qu’un homme sans son ombre, ne finit jamais bien. À partir de là, Peter décide d’emmener avec lui Wendy. Un autre élément décisif pour P.P. c’est quant elle lui a révélé, qu’en colère son père a décidé qu’elle devait avoir sa chambre à elle, et donc sortir de la « chambre des enfants ». Idée intolérable pour Peter, parce qu’il venait écouter les histoires de Wendy avant de dormir, qu’ensuite il raconte à son tour aux enfants perdus au/du pays imaginaire. Wendy décide d’entraîner avec elle ces frères dans ce voyage (imaginaire). Ainsi, ils arrivent tous dans ce pays, et commence par rencontrer le capitaine crochet et son navire. Le capitaine crochet s’en prend dès le commencement à Peter, ce dernier ne semble désirer qu’une chose « tuer » Peter Pan.

Il nous est raconté sur Crochet qu’il a perdu sa main lancée au crocodile qui à une horloge dans le ventre, par Peter, qui voulait juste s’amuser…

Le personnage de la fée clochette semble nourrir des sentiments agressifs envers Wendy, et nous assisterons à différentes tentatives pour la tuer, et n’en éprouvant aucun remords. Ils rencontreront les sirènes qui chercheront aussi à la noyer… Ces frères se font kidnapper par les Indiens qui pensent que Peter est responsable de la disparition de la fille du chef, alors même que c’est le capitaine crochet. De là nous retrouvons Crochet et Peter qui se livre une bataille, qui semble plus tourner au jeu (je) et ne se pose en aucune façon la question de sauver la pauvre indienne qui se noie. Ce sont les avertissements de Wendy qui rappelleront Peter Pan au bon souvenir de la future noyée.

Les mésaventures continues, Wendy ne souhaite en aucune façon passer sa vie au pays imaginaire avec Peter, et se rappelle l’existence de leurs parents, et plus exactement de ce qu’est une maman. La version de la chanson française, nous parle des mères qui apprennent à leurs enfants le besoin d’aimer. Tous (les enfants perdus) décident de partir avec Wendy retrouver leur mère. Peter boude ! Ils se font capturer par le capitaine crochet, obnubilé par son Peter Pan. Wendy se transforme en héroïne en décidant de se sacrifier et de ne pas céder face au capitaine. Elle est sauvée par Peter qui n’est effectivement pas mort dans l’explosion fomentée par le capitaine grâce à la trahison de la fée clochette, rappelons le jalouse de l’intérêt de Peter pour Wendy.

Un nouveau combat entre les deux protagonistes, terminera par le capitaine tombant dans l’eau, que le crocodile essaye de manger. Peter acceptera de mauvaise grâce de ramener tout le monde chez lui.

Les parents retrouvent Wendy devant la fenêtre, qui raconte son aventure au pays imaginaire et qui dit cette phrase intéressante, « nous sommes rentrés mais c’était trop pour les enfants perdus ».

 

 

 

 

 

2.     Introduction

 

Au commencement de la réflexion, était une consultation où un patient fait une équivoque que je relève et lui répète. Il n’entend pas et fait une remarque « c’est encore l’une de vos équivoques, un mot est un mot, je ne crois pas que ça veuille dire autre chose », je lui réponds « vrai-ment », lui « oui le vrai peut mentir, c’est vrai ça » me répond-il spontanément… Il s’arrête… Et je lui dis « celle-ci effectivement c’était mon équivoque ». Cela ne va pas sans nous faire rappel au mot de Lacan séminaire III « Le sujet entend-il avec son oreille quelque chose qui existe ou qui n’existe pas ? Il est bien évident que ça n’existe pas… » (p. 293)

Nous avons dû reprendre ensemble ce qu’est une équivoque au sein de la thérapie ? Voilà une petite énigme qu’il lui a été donné de relever. Je lui dis qu’y a-t-il derrière l’onglet information personnelle dans le menu sur un site web. Il me sourit, comme toute excité par ma question, est d’un seul coup ce met à m’expliquer la théorie lacanien. L’inconscient structuré comme un langage, et si les pages d’internet avaient un inconscient ?

L’idée est simple, me dit-il, il faut comprendre qu’internet est à la base une forme de langage (d’ailleurs une forme réductible en langage mathématique). Et derrière les mots, les images, et autre il y a un ou du code. Code qui permet une fois assemblé, de donner des mots que nous lisons. Je lui demande « mais ce code, on ne le voit jamais ». Et là il me dit « bah si, quand il y a un bug dans le système, sa ripe, et du coup ça dit quelque chose ». Le plus drôle dans tout cela c’est qu’il dit ne pas s’intéresser à la psychanalyse, et pourtant il me donne presque l’impression d’en savoir bien plus que moi sur cet inconscient structuré comme un langage.

Et la métaphore ne s’arrête pas là, il continue de raconter son histoire. Au commencement de l’internet il y a un homme, une femme… Un langage… Un codage… Une grammaire et une conjugaison… Qui peut devenir extrêmement complexe ou extrêmement simple. C’est-à-dire que vous pouvez avoir des paragraphes entiers que l’on peut finalement réduire à une seule unité de zéro et de un… Il me dit « nous faisons ce que l’Autre demande… Moi, il me dit son envie, le client… Et je suis à fond, mais parfois je suis comme triste de m’en séparer du projet, quand c’est terminé et qu’il n’a plus besoin de moi »… « Ah, le désir c’est le désir de l’autre ? »… « Pas faux » qu’il me répond, il s’arrête et me dit « j’ai loupé un truc hein… ».

Ce qui revient à l’entièreté de la théorie lacanien, dans ce que nous pouvons comprendre. Nous venons au monde dans un bain de langage, nous sommes déjà nommés avant notre naissance et parlé, et cela par la parole de l’autre ou de l’Autre. Et nous baignons dans son désir : « ma mère elle disait toujours pour ma sœur et moi, mon fils/fille sera astronaute, pour toucher les étoiles ». Il y a une indivision dans un premier temps que le mot – le signifiant – viendra diviser. Une coupure. Le signifiant peut alors encore et encore foisonner, et ne jamais s’arrêter. Pourtant Lacan nous explique qu’une « unité signifiante suppose une certaine boucle bouclée qui en situe les différents éléments » (p. 298) « Il faut vraiment que ce soit terminé pour qu’on sache de quoi il s’agit. La phrase n’existe qu’achevée, et son sens lui vient après coup. » (p. 297-98)

Il semble donc, qu’il faille, à un moment qu’il s’arrête. C’est à ce moment-là, que la position du père, sa métaphore, prend un sens, celui du point de capiton.

 

Un jour avec ironie un patient qui connaît la psychanalyse me dit « vous avez remarqué que sur le divan il n’y a pas le point de capiton alors que sur votre fauteuil oui… Comme si votre inconscient vous avez joué un tour pour vous rappeler de ponctuer ». Cela m’a fait penser à la citation de Lacan : « le point de capiton est le mot crainte, avec toutes ces connotations trans-significatives. Autour de ce signifiant, tout s’irradie et tout s’organise, à la façon de ces petites lignes de force formées à la surface d’une trame pour le point de capiton. C’est le point de convergence qui permet de situer rétroactivement et prospectivement tout ce qui se passe dans ce discours »[1] (p. 304).

Ce même patient me demande souvent à quoi ça lui sert de savoir et qu’est-ce qu’il en fait… Il répète encore et encore la même chose, mais qu’est-ce qui lui échappe. Pourquoi n’arrive-t-il pas à saisir cette jouissance malsaine, pourquoi ne peut-il pas être plus tempéré, pourquoi c’est toujours « chaud », comme il le dit ? Et pourquoi je ne lui dis pas ? Après tout d’après lui je dois savoir ! Je n’ai jamais répondu à sa question, quoique, je l’aie malgré tout invité à regarder Peter Pan. En revenant, quelque temps plus tard, il me dit « je suis comme Wendy » – « ah bon ? »

Et si l’aventure de Peter Pan n’était pas l’aventure d’un Peter Pan mais le rêve d’une Wendy, et si l’histoire qui nous était contée, n’était en réalité que celle d’un rêve ?

Pour comprendre cette idée, nous ne nous référerons pas au texte de Barry, le véritable auteur de Peter Pan, mais au dessin animé de Disney.

Selon Freud, dans malaise dans la civilisation : « l’écrit est à l’origine, le langage de l’absent, l’habitation un substitut du corps maternel, cette première demeure (deux-meure – d’eux meure – de mère) vraisemblablement encore et toujours désiré ou l’on était en sûreté et se sentait bien. Normalement on croirait entendre un conte de fées, c’est sûrement la concrétisation de tous les souhaits formulés dans les contes (non la plupart), ce que l’homme par sa science et sa technique à produit sur cette terre où chaque individu de son espèce est réduit à apparaître à son tour sous la forme d’un nourrisson démuni… »[2] Voilà bien une chose intéressante, que nous livre la réécriture du conte de Peter Pan par et pour Disney. Avec ironie pourrions nous paraphraser Clothilde Leguil sur le dire de Lacan et de la lettre volée d’Edgar A. Poe : « la valeur symbolique, de ce conte, elle attrait à la fois au statut de l’inconscient et à l’histoire psychanalytique. »

Du coup, peut-être pourrions nous commencer ce rêve par une phrase tout équivoque de M. Mouche, que ce patient cité plus haut à relever : « se cacher… Il n’y a pas de meilleur endroit que la mère imaginaire »…

[1] Séminaire VII

[2] Freud (S.) (1928), Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1992, p. 21.

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