De la passion à l’amour ?
Après mes différents articles sur le couple, qui ont déjà été mis en ligne, plusieurs personnes m’ont demandé d’éclaircir les choses : la passion n’est ce pas de l’amour ? Et si ce n’est pas de l’amour qu’est-ce que la passion ?
La réponse que je peux donner à cela est : « non la passion n’est pas vraiment de l’amour », mais expliquons-nous… Prenons l’image d’une basket pour comprendre chaque maillon d’une relation entre deux êtres. Pour l’attacher à votre pied il vous faut un lacet, que vous allez passer entre chaque boucle et les croiser jusqu’en haut. Puis par la force des choses vous allez faire un nœud et terminer votre lacet.
La passion, c’est le lacet que vous installez sur la basket et que vous séparez pour les faire passer de chaque côté, par les différents trous. Les trous représentent chaque étape de la construction du couple. Et enfin le nœud en haut, celui qui renoue le lacet c’est l’amour, « le vrai ».
Pourquoi ? Parce que pour atteindre le véritable amour, il faut être capable de passer par les embuches de la vie, être capable de se séparer et de se retrouver, encore et encore. Pour qu’après le passage de la passion qui a aboli une part de notre personnalité, nous soyons capable de nous « reconstruire » en acceptant l’autre. Cette dernière phrase est un peu compliquée et nous l’expliquerons un peu plus loin (sinon retrouvez les autres articles)
Etape 1 : Vous rencontrez quelqu’un = sentiment de bonheur
Vous rencontrez quelqu’un et c’est un peu comme une révélation, le temps vous échappe, vous oubliez le lieu où vous êtes, le reste du monde qui vous entoure. Ce sentiment, cet état dans lequel cette rencontre vous plonge peut durer plusieurs jours, voir plusieurs années, d’ailleurs dans son livre « l’amour dure 3 ans », Frédéric BEIGBEDER ne fait que parler de passion.
Chacun d’entre nous à pu vivre ce genre d’instant que l’on décrira, ici, comme le bonheur.
« Eh oui ! ce moment que vous êtes en train de vivre n’est autre qu’un moment de bonheur… vous ne vous vous étiez jamais demandé ce qu’était véritablement le bonheur ? »
Le bonheur, c’est donc tout simplement l’abolition des normes spatio-temporelles (Dr Mihaly CSIKSZENTMIHALYI). Petit rappel, les normes spatio-temporelles sont encrées en nous, et cela depuis notre enfance. Nous apprenons à nous repérer dans le temps et dans l’espace pour ne plus nous perdre. Alors que le bonheur, distillé par la passion distord notre boussole interne.
C’est un peu comme quand vous lisez ou vous écoutez de la musique dans le métro, on a un peu près tous vécus cet étrange moment, qui ressemble à une absence. On est absorbé par notre livre ou notre musique, puis on se rend compte que nous avons loupé notre arrêt de cinq stations.
L’état dans lequel plonge la passion, est un état affectif, nous pourrions même jouer sur les mots et dire « qui nous affect », mais contrairement à bon nombre de ces états, ce n’est plus nous qui sommes aux commandes. Il nous domine et nous submerge. Reprenons l’exemple du livre dans le métro pour éclairer notre propos, vous pourrez faire tout ce que vous voudrez il est presque impossible de reproduire un tel instant.
Etape 2 : le désir de retrouver le bonheur
On a tous prononcé cette phrase : « on la/le voit plus depuis qu’elle/il est avec sa/son nouvelle/eau copain/e ». Oui, l’être humain dans la plupart des cas est un être égoïste, qu’est-ce que vous voulez y faire ? La passion nous échappe quand ce n’est pas nous qui en sommes la victime et l’on oublie facilement ce que cela fait, ces premiers instants avec l’autre. Ces moments du début où l’on veut être tout le temps avec lui/elle. Et depuis l’avènement du téléphone portable et des textos, c’est encore pire, parce qu’il n’y a plus de limite. L’espace et le temps, sont vraiment rompus. Nous entrons ici dans une aire d’illimité et sans frustration…
Ces deux êtres qui se sont rencontrés, ont dû se séparer, première étape de la douche froide, la rupture du lien. Lien que l’on voudra quoi qu’il arrive renouer, retrouver, pour se replonger dans ce bain de bonheur sans espace ni temps.
Vous me direz peut-être : mais alors ce n’est pas l’autre que nous cherchons à retrouver ?
« Non, en réalité comme tous les drogués ce n’est pas le produit que vous voulez mais bel et bien l’état dans lequel il vous plonge ».
Chacun d’entre nous ne désire donc qu’une chose retrouver ce moment, que les fumeurs connaissent bien, de la première bouffée du matin. Je me souviens, l’un de mes profs de neurosciences, nous a expliqué qu’au final les fumeurs n’ont besoin que de cette première bouffée qui réveille le cerveau et qu’après les autres cigarettes sont inutiles, le cerveau est saturé.
Ce qui voudrait donc dire que dans la passion l’autre n’existe pas… beaucoup de mes patients me disent : « au début, je faisais tout pour qu’il/elle m’aime ». Je me souviens d’une patiente qui se levait le matin pour se remaquiller avant que l’homme qu’elle avait rencontré ne se réveille. Quand on dit que la passion est un état irraisonné, ce n’est pas pour rien. Qu’est-ce qui pousse une femme à faire une telle chose ? Et ne vous êtes vous jamais demandé, si la personne que vous présentez à l’autre, n’est pas un personnage ? Souvent on me demande comment les drogués en arrivent là où ils en sont… je réponds de manière invariable : de la même façon que vous l’avez fait pour garder l’homme/ou la femme que vous avez… on fait des concessions avec soi-même.
La raison c’est ce qui nous permet de faire la distinction entre le bien et le mal dirons-nous. Donc quand l’on se trouve plongé dans un état suffisamment puissant pour que cela devienne flou que se passe-t-il ? Et quel prix sommes-nous prêts à payer ?
Etape 3 : le retour à soi-même
Concession, voilà un bien vilain mot pour notre 21eme siècle. Dans un monde où l’on vous dit que vous pouvez tout avoir, maintenant et tout de suite pourquoi ferions-nous des concessions ?
La passion nous embrume l’esprit, et abolit notre capacité de jugement, on fait cela pour être avec l’autre, cet autre qui nous permet d’être heureux, mais jusqu’à un certain point. Plus le temps passe et moins nous arrivons à retrouver cet état de bonheur. C’est alors que notre conscience se « réveille/révèle » à nous-même, que l’on se souvient : de nos amis, de nos collègues, de notre famille, du temps qui passe, de notre travail, de nos activités que l’on avait abandonnés… Oui, l’esprit cherche ce qui nous rendait heureux avant lui/elle. L’esprit est une balance, quoi qu’il arrive il recherchera ce que l’on appelle l’homéostasie. C’est l’état de balance entre le bon et le mauvais. Si l’autre ne nous rend plus heureux alors quelqu’un ou quelque chose d’autre le fera. Et ce retour à la réalité est difficile, comme les lendemains de cuite. On se rend compte qu’en chemin l’on s’est perdu, certains ne savent même plus qui ils sont, tellement le temps et l’espace se sont distordus. D’autres moins enclin à se sacrifier sur l’autel du bonheur, ont réussi à garder une distance. Mais quoiqu’il arrive après le passage de la passion, il y a toujours comme après une tempête, des choses à reconstruire.
Etape 4 : l’amour
Reconstruire quoi et comment ? Il y a plusieurs solutions qui n’aboutissent pas toutes à la même chose.
- Pendant la passion, au fur et à mesure, la rencontre avec l’autre a permis la connaissance de cet autre. Une identité réelle dirons-nous s’est construite et vous avez appris à partager votre vie avec lui/elle. A partir de là, une relation peut perdurée de manière sereine.
- Pendant la passion, il y a eu fusion, c’était violent et fort. Il ne reste rien, tout s’est consumé. Vous vous êtes perdus, et comme un noyé qui respire à nouveau, vous avez besoin de vous retrouver en lieu sûr, sur la plage là où vous avez pied, parfois pire vous ne voulez que le sol ferme sous vos pieds et nous voulez plus jamais retourner dans l’eau. Vous pensez que l’autre est cette tempête qui vous a submergé et ne voulait ou ne pouvait plus le/la voir/e.
De la passion à l’amour, il n’y a qu’un pas…mais c’est un pas compliqué. Souvent en thérapie on se rend compte que certains ne comprennent pas, ce que celui-ci représente. Dans la passion l’autre n’existe pas, parce que notre désir impérieux de bonheur remonte à l’enfance, c’est le désir de faire un… (Prochaine article)