Comment l’amour ? Un point de vue psychologique des bienfaits de la frustration et de la mise en place de l’amour

Qu’est-ce que l’amour ? Existe-t-il plusieurs formes de ce que l’on peut appeler Amour ?

ShameDans une société autant sexualisée que la nôtre, ou des films comme Shame (2011) nous montrent tout, et mettent à nu la réalité dans toute sa splendeur, où des applications nous permettent de géolocaliser l’autre pour un « plan cul », choisi sur les critères d’une simple photo, où nous n’avons plus de place ou encore le temps d’apprécier ses imperfections, comment faisons-nous pour surmonter nos simples besoins ? et alors que nous avons tant de média pour communiquer pourquoi nous sentons nous si seul ?
Nous pouvons nous interroger sur l’idée de comment se construit véritablement l’amour. La question serait de savoir, s’il n’est pas le résultat de l’attente frustrante face au besoin sexuel que l’on a envers une autre personne ? Il faut entendre par là, l’idée que pour créer les fondations véritables d’un couple, il y aurait un besoin d’une « dose » de frustration.

D’après C. David (1996) ce qui rassemble les différentes formes d’amour dont tout le monde parle, Ce serait ce que l’on appelle la libido. L’amour, n’aurait pas de carburant pour avancer, ni la propulsion nécessaire et suffisante pour être créatrice de quelque chose, sans cette étincelle qui serait le besoin sexuel. L’amour s’étayerait donc en premier sur notre corps et en second lieu dans notre esprit, en sommes nous certains ?

En premier sur notre corps et En second dans notre esprit

Dans un texte de V. Jadoulle (2004) nous pouvons lire une explication de l’état amoureux comme ceci «  une impression de changement du sentiment de soi, de son corps et du monde perçu, le surinvestissement de l’imaginaire et la négligence des données et des exigences du réel, une surestimation de l’objet aimé, une dépendance étroite à celui-ci avec un rétrécissement du champ relationnel et perceptif, ainsi que l’envahissement de la pensée par la représentation de l’être aimé ». Quand on parle d’amour la plupart du temps, on parle en réalité des débuts de la passion. Nous nous retrouvons d’ailleurs tous, plus ou moins bien dans cette description. Ce sentiment grisant de se perdre en l’autre. Cette sensation de ne plus vouloir se séparer de lui. Nous oublions nos réalités personnelles, nos contraintes de tous les jours et nos emplois du temps si chargés deviennent d’un seul coup plastiques, jusqu’à un point de jonction ou de rupture (nous aborderons ce sujet dans un prochain article).

L’état amoureux passerait donc d’abord par « la file_main_image_11777_1_lettre_bebe_maman_11777_01_1500X1000_cache_640x360recherche du paradis perdu », de la petite enfance. Nous savons que l’amour s’étayerait dans un tout premier temps sur une fusion entre le bébé et son monde. Ce serait la rupture de cette fusion qui serait à l’origine de la perte du paradis (voir article sur l’attachement).

La relation entre la mère et son bébé évoluant, il doit normalement arriver un temps entre la demande impérieuse du corps de l’enfant (faim, sommeil, …) et la réponse. Nous parlerons ici d’une mère dite « suffisamment bonne et frustrante ». Ces qualités mises en action, doivent permettre à l’enfant de se dissocier d’elle. C’est la possibilité de frustration de la mère envers son enfant, qui permet de ce fait la formation de « l’imaginaire originaire », donnant la possibilité à l’enfant, mais aussi à l’adulte, d’appréhender et de survivre à l’état de manque dû à ses besoins (en premier lieu).

Qu’est-ce que la frustration aujourd’hui dans notre société?tinder

Rappelons-le aujourd’hui les applications, que l’on retrouve sur nos portables, nous permettent de choisir l’autre comme on choisit son jambon, et dans la foulée d’être dans son lit, en un click. Nous pourrions donc envisager ici, que la société ne laisse plus le temps aux gens de développer cette zone si fragile entre le corps et l’esprit. Cette zone qui selon nous, serait l’épicentre du sentiment d’amour naissant entre deux êtres. Ce temps qui disparaît aujourd’hui s’appuyait, selon nous, sur la frustration elle-même, entre le besoin et le désir. Il n’y aurait donc plus de place pour ce temps créateur, cela empêchant le rêve et le fantasme de se développer, au profit de l’idée actuelle de l’avoir et le posséder.
L’idée même de l’amour telle que nos ancêtres la voyaient, serait-elle vouée à disparaître au profit de la passion ?

Comment ptraffic-lights-514932_1920ouvons-nous encore l’appliquer pour la création d’un couple ? Est-ce que ce serait ce que dans les magazines, certains journalistes appellent la règle des trois ? En 1. vous rencontrez quelqu’un et vous allez prendre un café, puis en 2.  vous allez au ciné pour un second rendez-vous, et enfin en 3. le fameux resto, est-ce cela la frustration aujourd’hui ? Cette attente, même minime, pourrait-elle donc faire naitre un désir plus solide envers l’autre, nous permettant de lui donner une identité désirable, mais aussi à la fois désirée ?

Conclusion

Notre société perdue dans les méandres de la consommation, nous laisse à entendre qu’il ne faut plus attendre. Posséder devient une nécessité de notre siècle, et cela semble avoir des répercussions sur notre mode, même, d’être au monde.
L’amour serait en deux temps, ou à deux vitesses. Un premier temps de fusion, que nous appelons finalement la passion. Ce premier moment où comme dans l’enfance il n’y a plus d’espace ni de temps entre l’autre et nous. Puis un second temps où viendrait inexorablement l’instant ou nous reprenons conscience de nous même. Et ce serait à partir de là que le couple pourrait se construire et le véritable amour apparaitre.

Étape qui est compliquée pour chacun des couples qui se sont créés sur la passion, sans attendre, imposant sur ce qu’ils vivent le mot d’amour. Sur cette dernière, la passion, il n’y a aucune base, aucun manque, aucune frustration.
Nous l’avons montré, la frustration finalement permettrait d’envisager l’autre non plus comme le sujet de notre passion mais comme l’objet de notre amour. La frustration nous permet d’appréhender l’autre, comme une personne à part entière. Ce temps nous donne la possibilité de nous soustraire de nos besoins, de nos fantasmes, de nos désirs passionnels, et d’apprendre à connaître tout simplement la personne assise en face.
Pourquoi dans les relations passionnelles cela ne se passerait pas pareil me direz-vous ? Tout simplement parce que dans la consommation de la chaire l’autre n’existe que dans la satisfaction. Et à ce moment-là pouvez vous honnêtement dire que vous connaissez l’autre, ou n’est-il que le reflet de votre imaginaire ?

Bibliographie

  • Athanassiou, C. (1986). Déni et connaissance. Revue Française de Psychanalyse, a soi même étranger (Déni, désaveu), 4, 1125-1144.
  • David C. (1996). Post-scriptum à l’état amoureux. Revue française de psychanalyse n°60/1996, p. 633-642
  • Jadoulle V. (2004). Quelques enjeux inconscients de l’état amoureux, Cliniques méditerranéennes, 2004/1 no 69, p. 127-138.
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