Un grand philosophe a dit : « j’existe donc je suis »… Mais comment sait-on que l’on existe ? On peut trouver une réponse tout simple : la peur. La peur est l’un des éléments naturels de l’existence, mais pourquoi ? la peur c’est de l’angoisse, l’angoisse c’est la perception d’un danger, d’une menace, mais n’est-ce que cela ? A partir de là nous pourrions dire à la suite de Pierre DACO : « j’existe donc je suis agressif« .
Tous les biens pensants vont dire « mais vous dites n’importe quoi, il y a des gens qui sont vraiment agressifs…puis moi, monsieur, moi, je ne suis pas agressif. D’ailleurs je suis toujours poli, bien comme il faut… »
Cela voudrait dire qu’il existe plusieurs formes d’agressivité, l’une que l’on pourrait dire normale et une autre qui serait pathologique ou anormale. Pour expliquer cela, reprenons l’exemple de Pierre DACO « j’existe donc je suis agressif ». Selon le Larousse être agressif c’est : « Qui est naturellement porté à attaquer « . Vous êtes-vous déjà demandés si le pot de confiture voulait être ouvert ? Non bien sur, vous êtes naturellement porté à attaquer le pot pour l’ouvrir. Vous imposez à l’objet votre volonté.
Il nous faut donc ici expliquer les comportements agressifs, nous remontrons, alors, à leurs sources, on parlera de prédisposition.
Les différentes sources qui prédisposent aux comportements agressifs
Il faut comprendre que la « violence » est une disposition, interne, naturelle, inhérente à chaque espèce animale dans le monde, l’Homme ne fait donc pas exception. Ce qui veut dire que l’on peut
retrouver des comportements agressifs dès la plus tendre enfance. Chez le nourrisson, par exemple, on peut retrouver des comportements considérés comme une forme d’agressivité et cela avant l’âge de 2 mois. Tous les parents ont pu remarquer que le bébé pouvait adopter un certain comportement face à la frustration, comme les cris, ou, certaines expressions faciales. Les manifestations physiques de l’agressivité n’apparaitront que vers 6 ou 12 mois le temps que le tonus musculaire puisse se développer.
A cet âge ce n’est pas de la méchanceté (avant 2 ans/3ans), c’est le moyen du nourrisson pour exprimer son mécontentement. C’est une stratégie, dite naturelle, pour obtenir ce qu’il veut. D’ailleurs le bébé continuera d’employer celle-ci tant qu’elle marchera et qu’elle ne sera pas associée à des conséquences néfastes pour lui (réprobation du porteur de soin).
L’héritage de l’espèce
Certains comportements sont donc préformés en nous, tout autant que le chat a un instinct pour la chasse, l’homme en a un pour s’exprimer, ces comportements ne nécessitent aucun apprentissage :
- pleurer pour exprimer la faim
- demander un câlin quand on a mal
- s’emparer d’un objet convoité.
Il faut savoir que, face à la vie, nous ne sommes pas tous égaux. Le ressenti de la douleur est un bon exemple pour comprendre cela. Ce qui va être douloureux pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre. Pour ce qui est du caractère agressif de chacun, il en va de même. Il y aura aussi une variation entre les individus face aux méthodes de réponses.
4 facteurs qui différencient les individus :
- le sexe: Il faut savoir que les garçons sont, de base, plus agressifs que les filles, bien qu’avant 3 ans il n’y ait pas de différence majeure. C’est après 3/4 ans que les filles utiliseront des formes indirectes de violence pour s’exprimer.
- l’environnement : Malheureusement, qu’on le veuille ou pas, le milieu socio-économique joue un grand rôle dans l’évolution des enfants. Leur permettre de baigner dans un monde de mots, plutôt que d’images, favorisera leurs capacités pro-sociales. Par ailleurs les familles dites « violentes » peuvent laisser croire aux enfants que c’est un moyen efficace pour obtenir ce qu’ils veulent, ou, pour gérer les émotions et sensations. Le comportement agressif d’un parent renforce donc celui de l’enfant.
- l’environnement intra-utérin : on ne le dit peut être pas suffisamment, mais, c’est pendant la gestation que le cerveau se construit. Une altération de la chimie de la mère aura des conséquences sur celle de l’enfant et sur la formation de son cerveau. Un lien a été mis à jour ces dernières années entre tabac, alcool et drogue, et, le comportement agressif des enfants.
- le tempérament : Comme nous l’avons déjà dit chacun d’entre nous possède un tempérament ou une personnalité, qui s’exprimera très tôt. Certains enfants crient très rapidement quand ils sont face à quelque chose d’angoissant, de frustrant… un rapport a été élaboré entre le comportement du nourrisson et celui de l’adulte. Un nourrisson avec un fort tempérament a plus de risques d’avoir un comportement agressif plus tard.
NB : Il est très important de comprendre que la relation parent/enfant est réciproque. Le parent a un impact sur l’enfant, mais, l’enfant a, indubitablement, un impact sur le parent. Ce qui annule l’idée que l’on est pareil face à chacun de nos enfants, ou qu’on leur donne exactement la même chose.
L’évolution des comportements agressifs
Nous venons d’établir que l’agressivité, jusqu’à 3 ans était normale, ce qui veut dire que les jeux de bagarre sont normaux aussi. Il faut donc que les parents et les éducateurs, apprennent à comprendre l’importance de l’expression de l’agressivité chez les bébés.
L’agressivité augmentera avec l’âge, graduellement jusqu’à l’âge de 2 ans. Un nourrisson criera alors qu’un bébé de 6 à 12 mois peut commencer à prendre des objets, les jeter, les taper par terre ou contre d’autres éléments. Il fait l’expérience de sa force, mais aussi de la résistance du monde à son agressivité. C’est pendant la période entre 3 et 4 ans que beaucoup de choses vont se jouer. Notamment l’apprentissage d’une expression anormale de l’agressivité ou, à l’inverse des comportements pro-sociaux qui lui permettront de se soustraire à la violence.
De 3 à 12 ans
Il faut environ 4 à 5 ans pour que le cerveau termine de se construire. Si les enfants se dominent mieux après cette période, c’est parce que les zones, nécessaires à la maitrise, ont terminé de se développer. Le cortex frontal, est la zone qui s’occupe des émotions, comme les réactions agressives, par exemple.
Pendant cette période l’enfant va développer de nouvelles aptitudes comme :
- le langage qui repose sur les capacités à déchiffrer ce que dit l’autre, ensuite à s’exprimer et, réussir à se faire comprendre. Il faut donc reprendre l’enfant sur sa manière de parler, quand il se trompe, pour ne pas le laisser baigner dans une erreur qui aura des répercussions hors du milieu familial. Il faut savoir que plus l’enfant pourra s’exprimer, moins il utilisera la violence. Le mot met de la distance entre soi et, ce qui nous angoisse, nous frustre, nous met en colère.Une notion ésotérique, qui est très juste, c’est l’idée que l’on possède un pouvoir sur une chose que l’on peut nommer.
- Jouer à se battre, comme nous l’avons déjà dit permet beaucoup de choses à l’enfant. Comme comprendre qu’il n’est pas tout-puissant et que s’il fait mal à quelqu’un, l’autre pourra lui faire mal en retour. Le monde ne va pas que dans un sens. A ce moment-là il devra apprendre à se contenir, et le parent devra l’y aider. L’enfant apprendra du même coup à faire semblant ou à encore à faire la distinction entre ce qu’il accepte ou non.
- De tout cela découlent l’apprentissage du « compromis » et le « respect des règles«
NB : Les enfants de 4 à 5 ans qui persistent dans les réponses agressives, verbales et physiques, de manière systématique pour gérer tous conflits ou situations complexes, peuvent avoir besoin d’un professionnel. Avant l’entrée à l’école primaire chaque enfant devrait gérer sa colère.
Le développement des habiletés sociales chez l’enfant ou comment sortir des comportements agressifs
C’est la période où l’enfant apprend à communiquer et à jouer. C’est une période charnière, comme beaucoup d’autres, où l’enfant avec le soutien (verbal et par le regard) du parent, va pouvoir appréhender le monde. Un monde, il faut le comprendre ici, qui est aussi bien interne qu’externe. Parce que nous avons une part d’agressivité, qui est tapie en chacun de nous. Et une part qui est une réponse vis-à-vis de ce que l’on interprète comme une agression de l’extérieur.
Bibliographie :
- Belsky J, Jaffee SR. The multiple determinants of parenting. In: Cicchetti D, Cohen DJ, eds. Developmental Psychopathology, Vol 3: Risk, Disorder, and Adaptation (2nd Ed.). Hoboken, NJ: John Wiley & Sons, Inc; 2006:38-85.
- Deco P. Les triomphes de la psychanalyse. Belgique : Éditions Marabout service; 1977.
- Gervais J, Tremblay RE. L’agressivité des jeunes enfants: Guide interactif pour observer, comprendre et intervenir. Réalisé par : Jean-Pierre Maher. Bientôt disponible, ONF-2008: www.onf.ca.
- Kagan J, Fox N. Biology, culture, and temperamental biases. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons Inc.; 2006.
- Tremblay RE. Prévenir la violence dès la petite enfance. Paris: Éditions Odile Jacob; 2008.
- Tremblay RE, Nagin DS. The developmental origins of physical aggression in humans. In: Tremblay RE, Hartup WH, Archer J, eds. Developmental origins of aggression. New York: Guilford Press; 2005.
- Tremblay RE, Japel C, Pérusse D, et al. The search for the age of “onset” of physical aggression: Rousseau and Bandura revisited. Criminal Behavior and Mental Health. 1999;9(1):8-23.