Dossier L’agressivité Article 1 : « J’existe donc je suis agressif »

man-921004_1920Un grand philosophe a dit : « j’existe donc je suis »… Mais comment sait-on que l’on existe ? On peut trouver une réponse tout simple : la peur. La peur est l’un des éléments naturels de l’existence, mais pourquoi ? la peur c’est  de l’angoisse, l’angoisse c’est la perception d’un danger, d’une menace, mais n’est-ce que cela ? A partir de là nous pourrions dire à la suite de Pierre DACO : « j’existe donc je suis agressif« .

 

Tous les biens pensants vont dire « mais vous dites n’importe quoi, il y a des gens qui sont vraiment agressifs…puis moi, monsieur, moi, je ne suis pas agressif. D’ailleurs je suis toujours poli, bien comme il faut… »

 

Cela voudrait dire qu’il existe plusieurs formes d’agressivité, l’une que l’on pourrait dire normale et chat-agressif-main-12477267une autre qui serait pathologique ou anormale. Pour expliquer cela, reprenons l’exemple de Pierre DACO « j’existe donc je suis agressif ». Selon le Larousse être agressif c’est : « Qui est naturellement porté à attaquer « . Vous êtes-vous déjà demandés si le pot de confiture voulait être ouvert ? Non bien sur, vous êtes naturellement porté à attaquer le pot pour l’ouvrir. Vous imposez à l’objet votre volonté.

 

Il nous faut donc ici expliquer les comportements agressifs, nous remontrons, alors, à leurs sources, on parlera de prédisposition.

 

Les différentes sources qui prédisposent aux comportements agressifs

 

Il faut comprendre que la « violence » est une disposition, interne, naturelle, inhérente à chaque espèce animale dans le monde, l’Homme ne fait donc pas exception. Ce qui veut dire que l’on peut
retrouver des comportements agressifs dès la plus tendre enfance. Chez le nourrisson, par exemple, on peut retrouver des comportements considérés comme une forme d’agressivité et cela avant l’âge de 2 mois. Tous les parents ont pu remarquer que le bébé pouvait adopter un certain comportement face à la frustration, comme les cris, ou, certaines expressions faciales. Les manifestations physiques de l’agressivité n’apparaitront que vers 6 ou 12 mois le temps que le tonus musculaire puisse se développer.pourquoi-bébé-pleure

 

A cet âge ce n’est pas de la méchanceté (avant 2 ans/3ans), c’est le moyen du nourrisson pour exprimer son mécontentement. C’est une stratégie, dite naturelle, pour obtenir ce qu’il veut. D’ailleurs le bébé continuera d’employer celle-ci tant qu’elle marchera et qu’elle ne sera pas associée à des conséquences néfastes pour lui (réprobation du porteur de soin).

 

L’héritage de l’espèce

 

Certains comportements sont donc préformés en nous, tout autant que le chat a un instinct pour la chasse, l’homme en a un pour s’exprimer, ces comportements ne nécessitent aucun apprentissage :

  • pleurer pour exprimer la faim
  • demander un câlin quand on a mal
  • s’emparer d’un objet convoité.

Il faut savoir que, face à la vie, nous ne sommes pas tous égaux. Le ressenti de la douleur est un bon exemple pour comprendre cela. Ce qui va être douloureux pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre. Pour ce qui est du caractère agressif de chacun, il en va de même.  Il y aura aussi une variation entre les individus face aux méthodes de réponses.

 

4 facteurs qui différencient les individus :

  1. le sexe: Il faut savoir que les garçons sont, de base, plus agressifs que les filles, bien qu’avant 3 ans il n’y ait pas de différence majeure. C’est après 3/4 ans que les filles utiliseront des formes indirectes de violence pour s’exprimer.
  2. l’environnement : Malheureusement, qu’on le veuille ou pas, le milieu socio-économique joue un grand rôle dans l’évolution des enfants. Leur permettre de baigner dans un monde de mots, plutôt que d’images, favorisera leurs capacités pro-sociales. Par ailleurs les familles dites « violentes » peuvent laisser croire aux enfants que c’est un moyen efficace pour obtenir ce qu’ils veulent, ou, pour gérer les émotions et sensations. Le comportement agressif d’un parent renforce donc celui de l’enfant.
  3. l’environnement intra-utérin : on ne le dit peut être pas suffisamment, mais, c’est pendant la gestation que le cerveau se construit. Une altération de la chimie de la mère aura des conséquences sur celle de l’enfant et sur la formation de son cerveau. Un lien a été mis à jour ces dernières années entre tabac, alcool et drogue,  et, le comportement agressif des enfants.
  4. le tempérament : Comme nous l’avons déjà dit chacun d’entre nous possède un tempérament ou une personnalité, qui s’exprimera très tôt. Certains enfants crient très rapidement quand ils sont face à quelque chose d’angoissant, de frustrant… un rapport a été élaboré entre le comportement du nourrisson et celui de l’adulte. Un nourrisson avec un fort tempérament a plus de risques d’avoir un comportement agressif plus tard.

 


NB : Il est très important de comprendre que la relation parent/enfant est réciproque. Le parent a un impact sur l’enfant, mais, l’enfant a, indubitablement, un impact sur le parent. Ce qui annule l’idée que l’on est pareil face à chacun de nos enfants, ou qu’on leur donne exactement la même chose.


 

L’évolution des comportements agressifs

 

Nous venons d’établir que l’agressivité, jusqu’à 3 ans était normale, ce qui veut dire que les jeux de bagarre sont normaux aussi. Il faut donc que les parents et les éducateurs, apprennent à comprendre l’importance de l’expression de l’agressivité chez les bébés.

 

L’agressivité augmentera avec l’âge, graduellement jusqu’à l’âge de 2 ans. Un nourrisson criera alors qu’un bébé de 6 à 12 mois peut commencer à prendre des objets, les jeter, les taper par terre ou contre d’autres éléments. Il fait l’expérience de sa force, mais aussi de la résistance du monde à son agressivité. C’est pendant la période entre 3 et 4 ans que beaucoup de choses vont se jouer. Notamment l’apprentissage d’une expression anormale de l’agressivité ou, à l’inverse des comportements pro-sociaux qui lui permettront de se soustraire à la violence.

 

De 3 à 12 ans

 

colereIl faut environ 4 à 5 ans pour que le cerveau termine de se construire. Si les enfants se dominent mieux après cette période, c’est parce que les zones, nécessaires à la maitrise, ont terminé de se développer. Le cortex frontal, est la zone qui s’occupe des émotions, comme les réactions agressives, par exemple.

Pendant cette période l’enfant va développer de nouvelles aptitudes comme :

  1. le langage qui repose sur les capacités à déchiffrer ce que dit l’autre, ensuite à s’exprimer et, réussir à se faire comprendre. Il faut donc reprendre l’enfant sur sa manière de parler, quand il se trompe, pour ne pas le laisser baigner dans une erreur qui aura des répercussions hors du milieu familial. Il faut savoir que plus l’enfant pourra s’exprimer, moins il utilisera la violence. Le mot met de la distance entre soi et, ce qui nous angoisse, nous frustre, nous met en colère.Une notion ésotérique, qui est très juste, c’est l’idée que l’on possède un pouvoir sur une chose que l’on peut nommer.
  2. Jouer à se battre, comme nous l’avons déjà dit permet beaucoup de choses à l’enfant. Comme comprendre qu’il n’est pas tout-puissant et que s’il fait mal à quelqu’un, l’autre pourra lui faire mal en retour. Le monde ne va pas que dans un sens. A ce moment-là il devra apprendre à se contenir, et le parent devra l’y aider. L’enfant apprendra du même coup à faire semblant ou à encore à faire la distinction entre ce qu’il accepte ou non.
  3. De tout cela découlent l’apprentissage du « compromis » et le « respect des règles« 

 


NB : Les enfants de 4 à 5 ans qui persistent dans les réponses agressives, verbales et physiques, de manière systématique pour gérer tous conflits ou situations complexes, peuvent avoir besoin d’un professionnel. Avant l’entrée à l’école primaire chaque enfant devrait gérer sa colère.


 

Le développement des habiletés sociales chez l’enfant ou comment sortir des comportements agressifs

 

C’est la période où l’enfant apprend à communiquer et à jouer. C’est une période charnière, comme beaucoup d’autres, où l’enfant avec le soutien (verbal et par le regard) du parent, va pouvoir appréhender le monde. Un monde, il faut le comprendre ici, qui est aussi bien interne qu’externe. Parce que nous avons une part d’agressivité, qui est tapie en chacun de nous. Et une part qui est une réponse vis-à-vis de ce que l’on interprète comme une agression de l’extérieur.

 

Bibliographie :

  • Belsky J, Jaffee SR. The multiple determinants of parenting. In: Cicchetti D, Cohen DJ, eds. Developmental Psychopathology, Vol 3: Risk, Disorder, and Adaptation (2nd Ed.). Hoboken, NJ: John Wiley & Sons, Inc; 2006:38-85.
  • Deco P. Les triomphes de la psychanalyse. Belgique : Éditions Marabout service; 1977.
  • Gervais J, Tremblay RE. L’agressivité des jeunes enfants: Guide interactif pour observer, comprendre et intervenir. Réalisé par : Jean-Pierre Maher. Bientôt disponible, ONF-2008: www.onf.ca.
  • Kagan J, Fox N. Biology, culture, and temperamental biases. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons Inc.; 2006.
  • Tremblay RE. Prévenir la violence dès la petite enfance. Paris: Éditions Odile Jacob; 2008.
  • Tremblay RE, Nagin DS. The developmental origins of physical aggression in humans. In: Tremblay RE, Hartup WH, Archer J, eds. Developmental origins of aggression. New York: Guilford Press; 2005.
  • Tremblay RE, Japel C, Pérusse D, et al. The search for the age of “onset” of physical aggression: Rousseau and Bandura revisited. Criminal Behavior and Mental Health. 1999;9(1):8-23.

Développement de la pensée chez l’enfant

Devinette :

  • Jean est plus grand que Philippe, Philippe est plus grand que Thibaud
  • question : est-ce que Jean est plus grand que Thibaud ?
  • question 2 : est-ce que Jean, qui est plus grand que Philippe, est plus vieux que lui ? (posez la question à un enfant de 3, 6 et 9 ans)

Comment se construit la réflexion ou plus simplement notre manière de penser ?

origami-214885_1920La pensée est une construction entre ce que l’on est et, ce avec quoi l’on va être en interaction. D’une certaine manière, la différence entre l’enfant et l’adulte proviendrait simplement de  l’expérience que l’on acquière jour après jour. Tout serait donc une question de développement dans le temps.

« la connaissance est une action sur les objets, c’est une interaction avec l’objet. La connaissance est une affaire de continuelles constructions nouvelles par interaction avec le réel, il y a créativité. La connaissance n’est ni dans le sujet ni dans l’objet, la connaissance n’est donc pas une copie, mais une assimilation, une interprétation par intégration de l’objet dans des structures antérieures des objets. L’étude du dessin de l’enfant, copie d’un modèle, il ne dessine pas ce qu’il voit mais son interprétation, il dessine l’idée qu’il s’en fait » (Piaget).

Il faut à l’enfant tout construire, même les choses les plus évidentes pour vous. Ce qui veut dire que rien n’est naturel. Par exemple avant un certain âge, l’enfant nie ce que l’on appelle la permanence de l’objet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Un changement même minime changera l’objet lui même, ce n’est plus le même objet mais un autre. rappelez vous la devinette du début, un enfant de 3 ans, ne pourra pas garder en lui l’idée que Jean est plus grand que Philippe et que Philippe est plus grand que Thibaud, du coup que Jean est plus grand que Thibaud. Plus encore, la pensée d’un enfant de cet âge est intuitive. Cela veut dire qu’il n’établira pas de lien logique entre les choses. Par exemple il fera un raccourci étrange entre l’idée de grand et de vieux : « Si le monsieur est plus grand, il est plus vieux ». Vous êtes vous déjà demandé pourquoi il a cette logique ? Combien de fois lui avez vous dit :  » C’est normal il est plus grand (et plus vieux) que toi donc il a le droit ?« . Traduction je suis petit, donc plus jeune, quand je serai plus grand donc plus vieux je pourrai faire cela, et souvent ce « cela » c’est l’idée d’être libre.

 

 

Seule l’expérience répétée en interaction avec le monde va lui permettre d’assimiler ce monde. Les objets resteront solides, et même, s’il ne les voit plus, ils peuvent continuer d’exister. Pourquoi dit-portrait-317041_1920on cela ? Je préconise souvent aux parents de jouer à « coucou le voilà » ou à « cache-cache ». Avant 4 ou 6 ans, les enfants se cachent de manière très simple, souvent derrière leurs mains. L’enfant pense à ce moment, de manière égocentrique, que comme il ne vous voit plus, vous, non plus, ne le voyez plus. Nous en arrivons donc, ici, à ce que l’on appelle, en psychologie du développement l’égocentrisme intellectuel. Cet égocentrisme est un stade naturel du développement chez l’enfant. L’enfant, pendant cette période, va penser que tout ce qu’il sait, les autres le savent aussi. Cela n’a donc rien à voir avec de l’égoïsme. Et c’est, au fur et à mesure, qu’il jouera avec vous, l’enfant comprendra en partant de lui, qu’il ne disparait pas et, du coup, que vous, non plus, ne disparaissez pas. C’est le premier pas vers la permanence de l’objet. Vous, comme lui, devenez des entités solides, dans le temps et l’espace.

papa-bebe-miroir2L’enfant n’est donc pas une éponge qui asborbe tout, sans réflexion. Il lui faut être en interaction avec le monde. C’est dans cette interaction, dans ce que l’on nomme l’expérience, que l’enfant intériorise le monde. Et avec le temps, l’enfant va pouvoir faire évoluer sa compréhension du monde qui l’entoure. Cette évolution est le résultat de l’équilibre de ces différentes manières de penser et d’agir. C’est ce qu’en psychologie on appelle un : « schème ». Celui-ci se confronte à l’expérience quotidienne de l’enfant.  Il y a d’abord un déséquilibre entre ce que l’enfant pense et ce qu’il découvre. L’enfant a deux choix pour rééquilibrer sa manière de penser  :

  1. l’assimilation qui est une intégration et, qui lui permet donc de changer cette manière de penser.
  2. l’accommodation, le schème va devoir changer, il se transforme avec le temps et l’expérience.

L’enfant va donc devoir résoudre la contradiction entre ce qu’il pense et, ce qu’il apprend. Beaucoup de mécanismes entrent en jeu, ici, par exemple il faut que l’enfant soit suffisamment plastique (accommodant) pour accepter que sa réalité ne soit pas le réel. Cette plasticité provient du rapport que l’enfant  entretient  avec ses parents, et avant tout, de leurs plasticités à eux. Plus baby-623417_1920le rapport, entre vous, est dans une adaptation commune, plus l’enfant sera malléable au changement. Les enfants étant dans l’imitation, si vous êtes malléables, ils le seront aussi. Le changement ne sera pas une crainte ou synonyme de danger pour eux. Plus tard et pour d’autres raisons, ce sera aussi un mouvement ou il devra accepter de ne pas être tout-puissant, et donc, de ne pas tout savoir. Pour ce faire, il faut que l’enfant puisse avoir assimilé et s’être accommodé de beaucoup d’informations au fil du temps. Souvent des parents viennent me voir, et me disent :  » il croit tout savoir »… Pourquoi ces enfants ne sont pas capables d’altérer leur réalité ? Tout revient, le plus souvent, à une question de repères et de limites dans le temps et l’espace, et, de la manière dont celles-ci ont été posées, mais cela c’est pour un autre article.

bibliographie

  • Astington J.W., Comment les enfants découvrent la pensée. La théorie de l’esprit chez l’enfant, Retz, 1999.
  • Astington JW, Dack LA. Theory of mind. In: Haith MM, Benson JB, eds. Encyclopedia of infant and early childhood development. Vol 3. San Diego, CA: Academic Press; 2008: 343-356.
  • Milligan KV, Astington JW, Dack LA. Language and theory of mind: Meta-analysis of the relation between language and false-belief understanding. Child Development 2007;78(2):622-646.
  • Nader-Grosbois Nathalie, « Glossaire »,  La théorie de l’esprit, Bruxelles, De Boeck Supérieur, «Questions de personne», 2011, 484 pages , URL : www.cairn.info/la-theorie-de-l-esprit–9782804163235-page-397.htm. DOI : 10.3917/dbu.nader.2011.01.0397.
  • O. Houdé, La Psychologie de l’enfant, 2e éd., Puf, « Que sais-je ? », 2005.

 

 

Je les aime pareil… Vraiment ?

une-maman-qui-pose-avec-ses-enfants_158624_w620

Souvent j’entends les parents dire :  » mais je les aime pareil, je ne comprends pas pourquoi ? » Peut-on vraiment aimer ces enfants de la même manière ? Et que veut dire cette phrase qui semble si anodine ?

Que dit un parent à l’enfant quand il lui dit qu’il est aimé comme son frère ou sa soeur ?

Nb : Pour expliquer l’idée, ici, nous prendrons un exemple inventé certes mais tiré de l’expérience que j’ai pu avoir en consultation parent/enfant. Attention c’est un exemple parmi tant d’autres, c’est une approche, et ce n’est pas la seule possible.

 

Vision du parent

 

Pour un parent, il est important de dire à ses enfants qu’il ne fait pas de distinction. Il n’en aime pas un plus que l’autre. Il ne fait pas de différence ni de préférence. Pour certains adultes, l’amour se sépare, il se divise ou encore, se rajoute. Mais c’est souvent à part égale. Tout le monde recevra à juste titre ce qui lui est dû.

Est-ce vraiment possible d’aimer plusieurs personnes de la même manière ? Et si l’éventualité existe, comment faire ? Prenons un exemple un peu extrapolé, si oui, la polygamie ne devrait pas tant poser de problèmes, et pourtant ce n’est pas le cas, dans le monde occidental, c’est moralement répréhensible et juridiquement interdit. Alors comment peut-on aimer également plusieurs personnes ?  Puis ces personnes sont-elles identiques ?

maman-enfantsEt si cette idée était un biais moral, dont l’on ne peut pas vraiment prendre conscience sous peine de se culpabiliser. Découvrir que l’on ne peut aimer nos enfants de la même manière, serait pour les parents, un crime moral dont l’esprit ne peut s’accommoder. Il y a bien évidemment des réponses à comment l’esprit s’arrange de ce biais, l’individualité est niée, les enfants sont pareils. les parents les réduisent à l’état de « même ». Jacques devient pareil qu’Henri, ce sont « mes enfants ». Ils deviennent pareils pour le bien de l’esprit. Puis quand on questionne les parents :

 

  • vous leurs faites autant de câlins à l’un comme à l’autre ?
  • Oui, oui…
  • vous êtes sûr ?
  • non pas vraiment, Jacques me demande plus qu’Henri, mais Henri n’en a pas besoin…
  • Vraiment ? comment pouvez-vous le savoir…

 

Comment un parent peut vraiment savoir quelle dose de câlins un enfant a besoin ? Certains répondent bien vite, « parce que je le sais, je le connais ». C’est évidemment pour un parent. Mais une fois en consultation les enfants s’ouvrent, parlent, et font montre de leurs différences. A ce moment là, les choses ne sont plus aussi évidentes, parce qu’à la base, déjà pas elles ne l’étaient pas. Ils ne veulent pas forcément le demander, et effectivement ils n’en veulent pas forcément. Par exemple la demande d’attention pour Henri est différente, moins fusionnelle ou tout simplement différente. Les parents, par souci d’égalité, ont eux même réduit les enfants à des égaux, à des semblables.


Nb: souvent en consultation, avec l’apparition d’un tiers, des questions qui semblent évidentes sont posées. Et des deux cotés, parents comme enfants, se rendent compte que rien n’est évident. Ou ce qu’il l’est l’un ne l’est pas pour l’autre… (l’autre ici c’est l’enfant)


En rendant les enfant égaux, les parents en oublient une règle simple, chaque enfant est différent. A partir de là, il est plus logique de comprendre que son mode de communication ou simplement d’interaction sera lui aussi distinct. Jacques demande beaucoup de proximité, de câlins. Henri, lui préfère les moments d’échange dans des activités ou il est avec un parent à la fois. Le contact physique ne lui est pas automatiquement nécessaire. Et ces parents se sont rendu compte qu’il n’en demande plus, et par conséquence, ils ne lui en donnent plus. Ils ont construit leur propre hypothèse sur la construction et la personnalité de leur enfant, sans vraiment lui demander ou réussir à le comprendre.

C’est l’un des messages que Dolto a essayé de transmettre : le parent agit sur l’enfant mais, l’enfant agit aussi sur le parent. La communication n’est pas unilatérale mais bilatérale, chacun impacte l’autre.

 

Vision de l’enfant

 

unknownReprenons l’exemple de Jacques et de Henri qui sont deux petits garçons que l’on peut dire imaginaires.

Jacques demande beaucoup de câlins et d’attention, il est demandeur. Alors qu’Henri lui est plus calme, plus silencieux. D’ailleurs ils ont, tout de suite, eu un caractère bien différent, et cela des les premiers mois. Jacques pleurait beaucoup alors qu’Henri non. Henri n’aimait pas le bruit alors que Jacques en avait besoin pour dormir… En somme des enfants différents.

Comment comprennent-ils cette phrase : « on vous aime pareil » ? L’un comme l’autre comprennent qu’ils sont semblables, qu’ils n’ont donc rien de spécial, d’après les mots des parents.

 

Le premier enfant

 

Pour Jacques, qui est le premier, cela peut être très mal vécu. Souvent quand un deuxième bébé arrive l’enfant se demande ce qu’il a fait, et plus encore ce qu’il a fait de mal pour que les parents en fassent un second ? Plus l’enfant est jeune plus le raisonnement va être archaïque : en bon comme en mauvais, assez comme pas assez. Ex : Si les parents font un nouvel enfant c’est qu’il n’a pas été suffisamment… quoi ?

L’enfant trouvera quelque chose à mettre à la fin de cette phrase. Combien d’enfant nous demande en consultation de psychologie, pourquoi les parents ont « besoin » de faire un deuxième enfant. Cela vient souvent inscrire une faille dans l’image que l’enfant se fait de lui même. L’imperfection se tatoue dans leurs esprits, malgré toutes les explications bienveillantes que leurs apporteront les boy-830706_1920parents. Le premier perd donc ce qui le rendait spécial, et en plus, les parents eux même lui disent :  « nous vous aimerons pareil ». Comment est-ce possible, puisqu’ils ne peuvent pas concevoir cela ?   Expliquons nous : un enfant n’aime pas pareil ses parents. Dans un premier temps, il aimera toujours plus celui qui est le donneur d’affection, celui qu’il voit plus, celui qui est le plus présent. Donc, si lui ne peut aimer deux personnes de façon identique,  il ne peut pas concevoir que vous vous puissiez d’une certaine manière le faire.

Question : si votre femme ou votre mari vous dit cela comment réagissez vous ? « chéri(e) je vous aimerais pareil… avec mon amant ou ma maitresse…

Réponse : mal ,très mal, je suppose… alors pourquoi espérez vous qu’un enfant fasse autrement ? il ne peut pas… Et on le voit avec Jacques, il demande beaucoup d’affection, pour se rassurer, pour être rassurer. La peur peut s’apaiser, mais la marque elle restera. Pourquoi seriez vous différents de votre enfant ou vous de lui ?

 

Le second enfant

 

Pour Henri c’est différent, il a toujours connu Jacques son frère. Du coup il a toujours connu le partage des parents. Il a, d’ailleurs, intégré différemment le partage de l’attention. Puis il a compris que son frère avait besoin beaucoup de câlins. Mais contrairement à lui, il n’en demande pas. Il observe que l’autre en a, et pas lui. Pourquoi, ne le comprend-t-il pas ?

jalousie-familleUn observateur neutre pourra voir qu’il est difficile pour lui de s’exprimer, puisqu’à chaque fois qu’il le fait, Jacques vient et prend toute la place. Alors Henri a finalement arrêté rapidement de demander. Il a appris à jouer seul dans sa chambre, sans faire de bruit. Ces parent le félicitent de son comportement, Henri est content que ses parents le remarquent, mais il a un manque. Ce manque qu’on le veuille ou non, l’enfant y trouvera une ou des réponse(s) pour le combler parce que la nature n’aime pas le vide. Ex : Ce frère qui prend plus de place, le rend jaloux, ces parents ne l’aiment pas suffisamment, alors il fait encore plus d’efforts pour être calme, pour être encore plus félicité… Les choses empirent, les parents expliquent qu’ils aiment leurs enfants pareil. Mais rien n’est pareil, Jacques lui se conduit comme un bébé, Henri ne comprend pas, il grandit dans un biais de perception.
 

Discusion

 

the-mother-1505055_1920Cet exemple peut être inversé, et il n’est pas catégorique, il y a bien d’autres scénarios possibles. Mais présenté comme cela, il est plus facile de comprendre, que nos enfants ne sont pas pareils. Tout simplement parce qu’ils ne sont pas arrivés au même moment, et parce qu’ils ont des caractéristiques spécifiques.  Nous ne pouvons pas leur donner exactement la même chose, l’expérience étant déjà là, nous ne pouvons l’oublier. Cela veut dire que nos réactions avec le second seront forcément différentes d’avec le premier. L’éducation et l’amour ne seront pas exactement les mêmes, simplement parce que les enfants sont des êtres distincts. Alors que vous avez répété mille fois quelque chose à l’un il faudra qu’une fois à l’autre. Cela marque la différence, pour l’un, l’importance de cette chose sera flagrante, pour l’autre, non…

 

Proposition pour dire les choses autrement

 

Une fois un parent m’a dit :  » j’ai rajouté un nouvel amour pour aimer le second. Je ne pouvais pas partager « . C’est une jolie idée que celle-ci. Rajouter un nouvel amour, créer quelque chose à partir de rien, pour donner une nouvelle place à un nouvel être. Cette idée peut, peut-être permettre à l’enfant de se construire ses représentations différemment. Il pourra comparer comme il le veut, mais ça restera deux amours différents parce que deux personnes différentes. L’amour, lui, ne peut plus être comparé. Du coup, l’enfant reste à une place individuelle, à la sienne. Il n’a plus à s’inquiéter de l’amour qu’on lui porte. Et les parents eux mêmes, pourront percevoir leurs enfants comme différents… et de l’impact qu’ils ont sur eux…

Tout simplement, parce que nous avons tous tendance à oublier que, l’interaction est dualité…

 

Dossier trouble du sommeil chez l’enfant : article 1

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La peur du noir qu’est-ce c’est ? Vous êtes vous déjà demandé ce qu’était vraiment la peur tout simplement avant celle du noir ? Et ensuite ce qu’était cette peur pour l’enfant ?

 

 

Selon le Larousse, la peur c’est :

  • Sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace (souvent dans avoir, faire peur) ; cette émotion éprouvée dans certaines situations : Trembler de peur.
  • Appréhension, crainte devant un danger, qui pousse à fuir ou à éviter cette situation : La peur du ridicule.
  • Crainte que quelque chose, considéré comme dangereux, pénible ou regrettable, se produise (surtout dans avoir peur) : Les médecins ont peur qu’il s’agisse d’une pneumonie.
  • Crainte du jugement, des réactions de quelqu’un, qui fait qu’on adapte son comportement, qu’on obéit à certaines consignes : Elle a plus peur de son grand frère que de son père.

La peur est un mécanisme de défense instinctif, c’est phénoménologique. Cela veut dire que c’est un mécanisme ancré dans nos gènes. Pour certains scientifiques, cela remonterait à l’origine de nos  ancêtres les plus lointains, où l’homme n’était pas le maitre du monde. La peur est donc un3075388569_1_5_BCil2xnA mécanisme de défense qui se met en place quand on pense avoir identifié un danger. Lorsque que la peur nous envahit, nous avons des automatismes physiques qui se mettent en place. Par exemple : accélération de la respiration et du coeur, tremblements, les muscles se tendent parce qu’ils se préparent à l’action, et l’attention s’aiguise. Tout cela se passe donc en premier lieu dans le cerveau  qui a 2 objectifs : mobiliser les ressources et évaluer la situation, deux objectifs pour deux zones différentes de notre cerveau :

  1. La première c’est celle que l’on appelle « thalamus » : est chargé de dispatcher les informations sensorielles.
  2.  Puis quand un danger est détecté par nos sens, un message est adressé par le thalamus à « l’agmidale ». C’est une réponse en oui /non. Si la réponse est oui, alors le corps se met en alerte. Cela se traduit par un mécanisme de défense appelé : combat/fuite. Différentes hormones du stress vont être produites pour faciliter nos réactions.

En même temps la nature du danger va être analysée, tout simplement parce qu’il faut savoir s’il faut maintenir l’état de vigilance ou revenir à un état dit normal ou calme.  Ce sont  2 autres parties du cerveau qui s’occupent de ce travail :

  1. « le cortex sensoriel » qui va attribuer un sens à ce que l’on a pu percevoir comme menace et
  2. « l’hippocampe » qui lui, va venir replacer cette menace dans un contexte. Pour faire ça, il va falloir au cerveau, réaliser des comparaisons avec les différentes expériences qu’il a déjà vécues.

Grâce à cette mécanique bien huilée depuis des millénaires, le cerveau va pouvoir prendre la décision de maintenir l’état de vigilance aussi longtemps que nécéssaire ou revenir au calme.

Nous découvrons ici que l’expérience va permettre de traiter l’information de la menace. Ce qui veut dire que plus nous avons eu d’expériences, plus nous pouvons traiter rapidement l’information et permettre au corps de revenir à un état normal. Revenir à un état dit d’homéostasie est important, parce que celui de vigilance demande beaucoup de ressources et épuise très rapidement les capacités du corps humain. Nous avons tous fait l’expérience d’avoir une frayeur et, d’être épuisé juste après, comme si l’on avait couru le marathon de Paris. Alors essayez d’imaginer ce que peut ressentir un bébé ou un enfant quand il est face à ce que lui identifie comme une menace. Maintenant demandez vous quelle expérience celui-ci a déjà vécu pour stopper l’état de baby-1231442_1920vigilance ? Ca y est vous commencer à voir où je veux en venir ?

Un bébé n’a aucune expérience de peur pour ainsi dire, avant ça naissance. C’est après quand il fait la découverte des sensations qui proviennent de son corps : comme la faim. C’est ici la première perturbation que l’enfant va ressentir, perturbation qui veut dire plusieurs choses :

  1. il va falloir être nourri
  2. il va falloir que quelqu’un me nourrisse

Comme nous l’expliquerons dans un autre article, dans un premier temps les parents sont énormément dans une réaction immédiate, pour ne pas laisser souffrir l’enfant. Puis au fur et à mesure de votre épuisement, du temps va se mettre entre le pleur et la satisfaction. Cela va produire deux choses :

  1. la peur que l’on ne soit pas nourri
  2. mais aussi et surtout, l’idée que ce qui nous nourrit, est différent de nous. Cette idée est un concept des plus importants pour l’avenir de votre enfant.

Tous parents, normalement bons, cherchent à rassurer son enfant, verbalisent ce qui se passe, ce qu’il ressent. Pourtant tous les enfants n’intériorisent pas l’expérience de la même manière. Là aussi il y a un point important que les parents se doivent de prendre en compte, tous les enfants sont différents. l’expérience de séparation ne sera donc pas intériorisé de la même manière par tous. Cette séparation va mettre une première distance entre soi et, nous dirons, « l’objet ».baby-1270030_1920 Pourquoi l’objet ? Parce que dans un premier temps il n’a pas de nom. Pour l’enfant, le parent, qui nourrit, n’est qu’une chose qui le regarde et qu’il regarde, qui lui apporte ce dont il a besoin. Plus exactement qui obéit à ses ordres, qui satisfait ses besoins. Puis avec votre aide, il y aura une seconde séparation le jour où, il vous nommera papa ou maman, mama, ou baba… Vous êtes une chose nommable, donc différente de lui. Vous devenez la chose qu’il peut appeler, mais vous devenez aussi l’objet qui pourrait, ne pas répondre à son appel. Vous devenez un objet de peur. Puis au fur et à mesure ce n’est plus vous, l’objet de peur, mais la séparation, le vide qu’il peut y avoir entre lui et vous.

 

Conclusion :

Revenons à la peur du noir, qui est, comme nous l’avons dit, une perte de repères, un vide qu’il faut remplir. Ce vide, qu’il doit remplir, c’est l’espace qu’il y a entre vous et lui. Il reconnait dans le noir ce moment angoissant ou vous pourriez ne pas répondre à son appel. Quand votre enfant a grandi, ce n’est plus pour la faim qu’il a peur du vide, souvent les enfants parlent d’une chose qui pourrait surgir du noir. Cette chose est une mentalisation de l’imaginaire, une réponse intuitive du danger qui pourrait se cacher dans le noir. Une chose qui vient remplir le vide. Une mentalisation qui vient comme une réponse lui permettre de nommer ce qui lui fait peur, être séparé de vous.

Bibliographie :

  • Parot, F. (1995). L’homme qui rêve. Paris : PUF.
  • Luis Alvarez, Bernard Golse,  La psychiatrie du bébé, 2e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages. ISBN : 9782130621508
    Lien : <http://www.cairn.info/la-psychiatrie-du-bebe–9782130621508.htm>
  • A. Bridoux, C. Monaca. Sommeil normal et neurobiologie. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 – n° 1 – janvier-février-mars 2010

Lien pour aller plus loin sur le sommeil :

 

Dossier trouble du sommeil chez l’enfant : Article 3

la peur du Noir

« La couleur noire absorbe tout, la nuit noire, tout est absorbé... » Voilà ce que me dit un enfant pendant une consultation. Il vient me voir parce qu’il a une peur terrible du noir et des monstresmonstre-cie-pika qui se cachent dans l’obscurité et qui pourraient l’emporter, « mais où ? » lui demandai-je. Il ne sait pas « où vont les couleurs ? Où qu’il va le bleu du ciel ? » me demande-t-il de manière tellement pertinente pour un enfant de 5 ans. Comment répondre à ça ? en lui disant nulle part, ce qui serait tout aussi angoissant que partout ailleurs finalement. Puisque ce « nulle part » le rendrait tout aussi impuissant que ce « partout » où il pourrait être entrainé. Puis vient la question d’après, mais qui voudrait t’entrainer dans cette obscurité ? Il ne sait pas, il a peur que quelque chose surgisse, et me lance comme ça, sans conviction comme si j’allai me moquer de ce qu’il dit, « les montres qui se cachent dans le noir, comme dans le dessin animé « Monstres et compagnie« .

 

Dans cet échange il y a presque toutes les réponses à ce que peut être la peur du noir. Il a peur , il a un  » Sentiment d’angoisse éprouvé en présence (ou à la pensée) d’un danger réel ou supposé, d’une menace » (Larousse). Et pour lui cette menace viendrait du noir ou, de ce qui pourrait dans un deuxième temps s’y trouver.

 

Alors comme beaucoup d’autres articles, je pourrais reprendre l’idée de la perte des repères. Parce qu’il est évident que le monde, pendant la journée, est un monde que l’on connait, sur la gauche il y a l’armoire et je vois ce qu’il y a dessus, à droite le placard et je vois ce qu’il y a dedans. Mais est-ce vraiment nécéssaire d’expliquer ça ?  Ou vaut-il mieux reprendre ce qui se passe et, comment cela se passe pour lui ?

 

Dans un précédent article, j’explique que l’enfant est assailli de nouvelles sensations à partir de la naissance. Et facteur important, à prendre véritablement en compte, c’est que ces sensations nouvelles apparaissent sans prévenir : la faim, la soif, la fatigue, le froid, le chaud… Ce sont dans un premier temps que des sensations désagréables. Avoir faim, pour un adulte, c’est déjà pas drôle mais imaginez pour un enfant, ce creux qui vous dévore, et que vous ne savez pas ce que c’est ? Tout cela n’est pas très rythmé au début. Et comment voudriez vous que ça le soit ? Votre enfant était relié à une batterie qui l’alimentait h24. Mais avec le temps, votre enfant va se mettre comme chaque être au monde au diapason, le jour et la nuit vont venir donner le tempo dans son monde, comme dans le votre. Tout cela c’est un peu les repères dont on parle en psychologie. C’est donc d’abord le temps, qui va venir puis, quand il sera réglé, c’est l’espace qui va venir être questionné. Est-ce que le monde à l’extérieur est aussi amovible que celui à l’intérieur ?


Rappel : Un des grands principes de la vie est, que l’on ne peut pas avoir peur de tout, en même temps. Essayez, si, vous avez peur des araignées et des abeilles, de vous mettre proche des deux. Inévitablement, vous vous préoccuperez plus de l’une ou de l’autre. Pour l’enfant c’est pareil, il ne peut pas avoir vraiment peur du monde extérieur tant qu’il a peur de son monde interne.


 

papa-bebe-miroir2Pour répondre à cette question, l’enfant va commencer par découvrir, petit à petit, ce monde au travers de votre regard. Il va vérifier en vous regardant s’il n’est pas en danger, puis dans vos mots. Puis vient indubitablement, le moment des histoires, ce moment est un moment extrêmement prolifique pour votre enfant. Parce qu’il va lui permettre de trouver des réponses à ce qui provoque de l’angoisse chez lui. N’oubliez pas qu’il n’a pas encore les mots pour parler des émotions qu’il ressent à l’intérieur de lui, ou commence tout juste. Il vient à peine d’obtenir ceux qui lui permettent de comprendre les sensations.

Nous avons aussi dit qu’il commence à se confronter à la frustration d’être impuissant à commander ce monde. Et ce monde est-il comme lui vivant ? Si oui, est-ce qu’il pourrait lui faire du mal ? le monde extérieur devient donc potentiellement dangereux, puis on est seul face à ce monde rempli
girl-535251_1920 de dangers la nuit. Des dangers sans nom, mais il faudra les nommer ces choses. Il faut les nommer, parce que donner un nom aux choses, permet de récupérer un peu de pouvoir sur celles-ci. Les cris n’ont plus fonctionné, puis il a commencé à vous appeler maman ou papa et vous avez recommencé à venir à lui. La nuit est donc devenue le berceau d’un nouveau monde, celui de son imaginaire. L’imaginaire de l’enfant est la fabrique industrielle de rationalisation abscons. Cela veut dire qu’avec le peu de connaissance qu’il a, en sa possession, il va trouver des réponses à toutes les questions qu’il se pose.

 

Pour terminer :

Votre enfant ne contrôle plus ce qu’il se passe, parce qu’il ne le voit pas. Ce n’est pas comme pendant la journée ou, il peut vous appeler ou simplement vous regarder pour se rassurer. La nuit, Il est impuissant et cela le réveille, ou provoque de l’angoisse. Cette angoisse se formule souvent de cette manière : est-ce que maman ou papa va arriver assez vite s’il y a un problème ? Et si le loup venait ? (nous verrons pourquoi, dans un futur article, les contes sont importants) D’une certaine manière, convoquer dans l’imaginaire de l’enfant, le loup vient ici remplir le vide que l’absence des parents a laissé. Il vient dans le fantasme représenter la vengeance contre ces méchants parents qui l’ont abandonné seul dans le noir. Et si ce fantasme vient s’élaborer, c’est peut-être tout simplement, parce que la première règle que l’on apprend aux enfants, est de : ne pas partir avec un inconnu. Qu’est-ce que fait l’inconnu si ce n’est : kidnapper et donc de le séparer. Le loup vient aussi faire en sorte que l’enfant ne soit plus seul.

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La peur du noir, n’est pas une peur simple, c’est la peur d’être seul et d’être impuissant dans cette grande chambre. Le monde des rêves, chez l’enfant, est peuplé de monstres.  Combien de fois vous êtes vous réveillé la nuit, avec la boule au ventre, les larmes aux yeux sans savoir pourquoi ? en tant qu’adulte, vous rationalisez rapidement ce qu’il vous arrive, mais un enfant de 3 ans, qui a un vocabulaire de 500 mots, pensez-vous qu’il le puisse aussi rapidement ?

Bibliographie

  • Parot, F. (1995). L’homme qui rêve. Paris : PUF.
  • Luis Alvarez, Bernard Golse,  La psychiatrie du bébé, 2e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages. ISBN : 9782130621508
    Lien : <http://www.cairn.info/la-psychiatrie-du-bebe–9782130621508.htm>
  • A. Bridoux, C. Monaca. Sommeil normal et neurobiologie. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 – n° 1 – janvier-février-mars 2010

Lien pour aller plus loin sur le sommeil :

Dossier Trouble du sommeil chez l’enfant : Article 2

Peur de dormir ?

Bedroom-Monsters-Series1-610x407Qu’est vraiment la peur du noir ou bien celle de dormir ? Mon enfant ne veut pas se coucher, il ne veut pas faire la sieste, il fait des crises pour venir dormir avec nous… Pourquoi ? comment ?

 

Les enfants sont tous différents. Certains s’endorment n’importe où, d’autres ne veulent jamais s’assoupir. Il serait facile de dire que l’on ne sait pas pourquoi, mais malheureusement c’est faux. Tout est une question de séparation. Quand je réponds cela à certains parents, quand ils viennent me voir en consultation, ils me disent ne pas comprendre parce que jusqu’ici, il n’y avait pas vraiment de problème, et même parfois, aucun problème du tout, mais cela c’était avant. Alors qu’est-ce qu’y a changé ?

 

Dans un premier temps, tout simplement, votre enfant, et, dans un second temps vous aussi, et dans un troisième temps votre relation. Alors qu’est ce que cela veut dire ?

baby-1107333_1920Jusqu’à l’arrivée de la parole, l’enfant est dans une extrême dépendance face aux parents, il hurle pour vous faire comprendre, il pleure pour vous communiquer sa souffrance. Pendant cette période il n’y a aucune véritable élaboration de sa part. Les seules préoccupations de votre enfant viennent, de ce que les psychologues appellent, son monde interne : il a faim, il a soif, il est fatigué, il est sale, il a besoin de tendresse (d’attachement). Il n’a que des besoins, la peur du monde extérieur n’existe pas véritablement. Puis au fur et à mesure, le monde change car lui aussi change. Pourquoi change-t-il ?

 

Votre enfant change, parce qu’il apprend à votre contact. Vous lui transmettez petit à petit, un peu du monde qui l’entoure. Vous verbalisez ce que lui ne peut pas verbaliser ou, ne peut pas parcebaby-200760_1920 qu’il n’a pas encore le vocabulaire. Quand il pleure vous lui dites : « c’est parce que tu as faim ce gros chagrin… » . Tout cela lui permet d’élaborer son monde interne, tout ce qui lui fait peur à l’intérieur de lui. Parce qu’effectivement ce que ressent votre bébé lui fait peur. Toutes ces sensations venant de l’intérieur, qu’il n’avait jamais ressenties dans le ventre de sa mère. Imaginez vous dans un monde où il ne fait pas froid, où vous n’avez pas faim, où il n’y a ni lumière ni obscurité, ni silence, ni bruit… ce que l’on pourrait appeler le nirvana, d’une certaine façon. Et depuis qu’il est né, il est assailli par ce genre de sensations… nous avons tous eu faim mais nous savons ce que c’est. Votre enfant lui, l’ignore et, apprend, à votre contact, à le comprendre.

 

Un des grands principes de la vie est, que l’on ne peut pas avoir peur de tout, en même temps. Essayez, si, vous avez peur des araignées et des abeilles, de vous mettre proche des deux. Inévitablement, vous vous préoccuperez plus de l’une ou de l’autre. Pour l’enfant c’est pareil, il ne peut pas avoir vraiment peur du monde extérieur tant qu’il a peur de son monde interne.

Ce qui veut dire que, progressivement, le monde à l’extérieur de lui va prendre vie. il va pouvoir, au fur et à mesure, appréhender ce qui l’entoure, comme les phases de jour et de nuit. Ce qui nous fait arriver, indubitablement, au changement de la relation parent/enfant. Qu’est ce que cela veut dire ? Le plus souvent de 0 à 1 ans, les parents accourent dès que l’enfant pleure pour quelques raisons que ce soit, et c’est bon pour lui. Et au fur et à mesure ou, parfois de manière brutale (du à votre épuisement, le plus souvent) vous y allez de moins en moins rapidement. Attention, c’est tout à fait normal. Du coup avec votre propre changement d’attitude, votre enfant fait une nouvelle expérience. Laquelle ? Celle de l’impuissance. Mettez vous à sa place, imaginez un monde sans frustration ou vous pouvez rentrer dans n’importe quelle boutique, prendre ce que vous voulez, que tout le monde vous adore. Puis d’un seul coup plus rien, que ressentiriez vous ? De la peur, de la frustration, de la colère, finalement de l’impuissance. Ces cris ne fonctionnent plus, ils ont perdu leurs pouvoirs magiques. Cette impuissance ne peut pas être reconnue, comme telle, tout simplement parce qu’elle n’est jamais désignée le plus souvent. Comme je vous l’ai dit, c’est vous, parents, qui nommiez chaque émotion pour lui. Cette angoisse que l’enfant ressent est réelle et doit, aussi, être expliquée.

 

baby-1270030_1920L’impuissance c’est dans un premier temps à la fois interne et externe, parce l’enfant est puissant à faire bouger le monde à l’extérieur mais aussi de maintenir celui de l’intérieur. Du coup c’est ce qui le faisait crier, pleurer ou hurler. Puis au fur et à mesure, il a appris, grâce à vous, ce que l’on expliquait, à appréhender ce qui venait de lui. Et à partir de là, il peut commencer à regarder ce qui ne vient pas de lui : Le monde extérieur. A ce moment-là il peut donc commencer à être séparé de vous la nuit. Il peut donc commencer à avoir peur de dormir.

Certains parents me disent qu’ils avaient déjà compris et expliqué cela, mais est-ce que votre enfant a vraiment compris ? Et, la vraie question qu’il faut vous poser : peut-il comprendre cela à son âge ? Vous êtes vous déjà demandé s’il avait les mots nécessaires pour comprendre, non plus les sensations mais les émotions. Pour expliquer ça, en cabinet, je prends souvent l’exemple de l’apprentissage d’une langue étrangère. Tout le monde le sait, c’est facile pour certains et, compliqué pour d’autres. Il faut du temps et de la patience ainsi que de la persévérance. Il faut apprendre le vocabulaire, la grammaire, la conjugaison, puis les expressions… Pour l’enfant, la vie, c’est un peu pareil, il lui faut apprendre beaucoup de choses en même temps, et, ce n’est pas facile, voire possible.


Nb : il ne faut donc jamais prendre à la légère les peurs de votre enfant. Les peurs sont toujours irrationnelles pour l’entourage, mais jamais pour la personne qui les subit. Celui qui n’a peur de rien a donc de la chance, n’oubliez pas vous êtes chanceux, cela ne vous permet pas d’être dédaigneux avec les autres.


Bibliographie

  • Parot, F. (1995). L’homme qui rêve. Paris : PUF.
  • Luis Alvarez, Bernard Golse,  La psychiatrie du bébé, 2e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages. ISBN : 9782130621508
    Lien : <http://www.cairn.info/la-psychiatrie-du-bebe–9782130621508.htm>
  • A. Bridoux, C. Monaca. Sommeil normal et neurobiologie. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 – n° 1 – janvier-février-mars 2010

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