Le langage

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Le langage, un substitut du réel

Le langage est notre capacité à évoquer le réel. C’est parler de ce qui est, de ce qui existe. Il nous permet de communiquer avec les autres, de partager nos idées et nos expériences. Il est toujours un décalage, une représentation imparfaite. D’ailleurs il ne s’agit pas de reproduire le réel de manière exacte, mais de le représenter de manière approximative par des éléments linguistiques, appelés symboles.

Un symbole est un substitut qui vient représenter l’objet réel. Il est constitué d’un signifiant, c’est-à-dire d’un élément linguistique qui renvoie à un signifié, c’est-à-dire à une signification.

Pourquoi est-ce important en thérapie ?

Le symbole est un concept important en thérapie, car il permet de comprendre le fonctionnement de l’inconscient. L’inconscient est structuré par le langage, et comme le langage. Et les symboles sont le moyen par lequel l’inconscient se manifeste.

En analysant les symboles utilisés par le patient, le thérapeute peut l’aider à comprendre ses désirs refoulés et ses conflits intérieurs.

Cette interprétation est compatible avec la théorie de Jacques Lacan sur le langage. Lacan considère que le langage est un système de signes qui permet de représenter le réel. Cependant, il est toujours un décalage, c’est une représentation imparfaite. C’est pourquoi il est nécessaire d’interpréter le langage pour en comprendre le sens. Et non pas les émotions de votre visage, ou par l’imposition de pierre…

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Dévoiler les subtilités de la scansion en psychanalyse

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Introduction à la psychanalyse et à la scansion

La psychanalyse est une discipline qui explore les abysses de notre esprit, cherchant à comprendre les motivations inconscientes qui influencent la vie quotidienne.  Il y a outil essentiel dans cette quête, que l’on nomme la scansion, un concept complexe qui permet d’analyser les structures linguistiques et symboliques présentes dans la parole du patient. Dans cet article, nous allons essayer de dévoiler les subtilités de la scansion, en examinant son rôle dans la compréhension de l’impuissance, de la castration, de l’impasse.

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Chemsex de Johann ZARCA

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Le dernier livre de Johann Zarca, comment d’écrire ce petit moment de lecture angoissante ?

C’est le premier roman que je lis de ce Monsieur, et il m’a provoqué la même sensation qu’à la lecture « des Métamorphose » de Kafka.

D’ailleurs, pour l’anecdote il semble que rien ne m’aurait poussé à lire ces deux romans si ce n’avait été pour le travail et mon côté contradicteur. Le premier de Kafka je l’ai lu avec beaucoup d’humour par défis après une pseudo-agression d’un camarade à l’université. Interpellée par un professeur de littérature celle-ci me prend à partie en me confondant avec un autre étudiant qui lui avait fait part de la comparaison entre « l’étranger » de Camus et les métamorphoses. N’ayant pas le temps de dire que ce n’était pas moi, n’étant vraiment pas fan de la plume allemande, une étudiante me coupe la parole et m’agresse littéralement en me traitant de menteur. Petit souvenir qui me fait rire aujourd’hui, puisque, je n’ai jamais eu l’occasion d’en dire quoi que ce soit m’ayant coupé la parole. Le soir même j’achète ce roman le lit en une heure dans le métro et le lendemain m’amuse à prendre la parole, le livre à la main pour le comparer et agacer ma joyeuse camarade, grande fidèle de la religion d’Augustus CARP…

Ce qui est drôle dans tout cela c’est que j’ai détesté lire se livre. La descente aux enfers d’un jeune homme qui hallucine devenir un cafard est retranscrite avec une telle splendide horreur, que vous-même êtes pris aux pièges de mots de l’auteur, comme aliéné par le livre à la torpeur que ressent son personnage. Vous devez terminer pour vous échapper de ce cauchemar dramatique. Si certains d’entre vous se demande ce que c’est la schizophrénie, je les invite à lire ce livre. Vous comprendriez la réalité du morcellement de la psyché soit d’une angoisse, qui vous pousse à délirer et prendre la voie de l’hallucination.

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Décoder le langage de l’esprit : Le pouvoir de la scansion dans l’interprétation psychanalytique

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« Quand l’homme oublie qu’il est le porteur de la parole, il ne parle plus. C’est bien en effet ce qui se passe : la plupart des gens ne parlent pas, ils répètent, ce n’est pas tout à fait la même chose. Quand l’homme ne parle plus, il est parlé. »

Le mythe individuel du névrosé : Poésie et vérité dans la névrose
Jacques Lacan

 

L’une des formes les plus anciennes et les plus puissantes de communication humaine est la poésie. À travers les âges, les poètes ont utilisé des mots et des rythmes pour exprimer des émotions, des idées et des expériences profondes. La poésie est un genre littéraire qui utilise le langage pour créer des images, des sonorités, des rythmes et des émotions. Elle est souvent considérée comme une forme d’expression artistique qui cherche à capturer la beauté et la complexité de l’expérience humaine.

La poésie peut être écrite sous de nombreuses formes différentes, y compris le vers, la prose poétique et le vers libre. Elle peut également être divisée en différents genres, tels que la poésie lyrique, épique et dramatique.

La poétique est l’étude de la poésie. Elle examine les différents apparences, tels que la forme, le style, le contenu et la signification. Elle peut être utile pour comprendre et apprécier un texte. Il y a un aspect de cette étude qui va au-delà des mots et qui peut nous aider à accéder à un niveau plus profond de compréhension : la scansion.

Pa exemple la phrase : « on mange, les enfants » et « on mange les enfants », ne nous propose pas du tout la même idée.  Sans la ponctuation le sens change. Dans un cas c’est une invitation, dans un autre c’est du cannibalisme.

Dans cet article, nous explorerons le pouvoir de la scansion dans l’interprétation psychanalytique, en examinant comment l’analyse des rythmes et des schémas poétiques peut nous aider à décoder les messages cachés de l’esprit.

 

Comprendre le rythme en poésie

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article 3 : introduction à la psychanalyse

La Spaltung

 

Pour commencer notre propos nous partirons des mots de Lacan dans les écrits :

 

« La division du sujet entre vérité et savoir est pour eux (les psychanalystes) un point familier. C’est celui où FREUD les convie sous l’appel du « Wo es war soll Ich werden « ; que je retra­duis, une fois de plus, à ac­centuer ceci : là où c’était, là comme sujet dois-je adve­nir. Or ce point, je leur en montre l’étrangeté à le prendre à revers, ce qui consiste ici plutôt à les ramener à son front. Comment ce qui était là à m’attendre depuis toujours […] d’un être obscur, viendrait-il à se totaliser d’un trait qui ne se tire qu’à le diviser plus nettement de ce que j’en peux savoir ? Ce n’est pas seulement dans la théorie que se pose la question de la double inscription, pour avoir provoqué la perplexité où mes élèves Laplanche et Pontalis auraient pu lire dans leur propre scission dans l’abord du problème la solution. […] Elle est tout simplement dans le fait que l’inscription ne mord pas du même côté du parchemin, venant de la planche à impri­mer la vérité ou celle du savoir. »[1]

 

Les deux registres de la subjectivité chez Lacan, sont comme dits, l’inconscient et le conscient ; la spaltung elle, c’est la traduction de la notion de division, c’est le mot allemand de la relecture de Freud.

Quand le sujet parle, il ne parle qu’à partir d’une idée de ce qu’il se fait de lui-même. Il ne parle qu’au travers de l’image qu’il se fait de lui. Nous pourrions dire que l’on fait semblant d’être nous-même, parce que l’on ne sait pas qui nous sommes en réalité. Et cela, justement parce qu’il y a la « première » division et que l’inconscient et le conscient sont scindés et qu’il y a cette part de nous qui nous échappe.

La naissance du sujet lacanien se fait avec la division, dans l’accès au langage. L’accès au langage représente la question préalablement abordée du signifiant et du signifié. À partir du moment où le sujet dit : « je suis », il ne parle plus vraiment de lui. Dans le réel, il parle de lui comme représenté dans l’idée de la personne qui lui a donné son nom, qui l’a donc « prénommé ». Par exemple, pour la question du prénom, les parents ont collé un signifiant sur qui nous pouvons être. C’est une représentation.

Le mot est un symbole et le symbole vient représenter ce qui existe dans le réel, mais pas seulement. Il faut aussi comprendre que le signifiant a du sens, cela fait donc prendre un sens. Néanmoins, à partir du moment où l’on nomme et impose un symbole pour parler d’une chose qui se trouve dans le réel, ce n’est plus vraiment l’être réel qui est dans le réel, mais sa représentation, où l’on bascule dans la réalité. Et donc avec un prénom vient tout ce qui était cimenté dans l’imaginaire des parents, ou dans leurs fantasmes. Par exemple, le fait d’être violoniste ou astronaute. En réalité, cela veut dire que le sujet est déjà accroché à tout cela dans l’imaginaire des parents. Nous pouvons ouvrir une parenthèse ici, et expliquer pourquoi un parent peut utiliser le mot « déçu ». Parce qu’ils peuvent avoir le sentiment, de ressentir une déception face à leurs attentes imaginaires vis-à-vis de ce que l’on est pour eux, de tout ce qu’ils avaient mis sur les épaules de leur bébé à la base. (Question : peut-on se soustraire à ça ? L’on pourrait émerger de cette problématique en ayant travaillé sur soi, grâce à l’appareil psychanalytique).

 

[1] LACAN, J.  1966 , « Écrits », Paris, Seuil p.864

 

article 2 : introduction à la psychanalyse

PARTIE I : « Je suis où je ne pense pas »

Comme nous avons pu le présenter dans l’article d’introduction, le sujet en psychanalyse (Lacanienne) est à un autre niveau, que le sujet dit « normal » que l’on peut trouver dans la littérature, la philosophie, les sciences sociales ou encore la psychologie scientifique[1]. Ainsi pour Lacan, nous serions divisés ou comme coupé en Deux. Pour faire rapide, il y aurait donc d’un côté ce qui serait conscient et d’un autre ce qui serait inconscient. Tout ce qui fait ce que vous pouvez dire de vous serait le conscient et tout le reste, soit le pourquoi vous répétez des choses qui vous font souffrir par exemple, serait l’inconscient. Voilà donc ce qui pose un problème, il y aurait donc des choses que nous faisons qui serait des répétitions de choses plus anciennes que nous recommençons encore et encore et qui nous feraient bel et bien souffrir.

À partir du moment où l’on pose cette première division, vient à se poser la question du pourquoi cette première division ?

C’est ce qui nous amènera à discuter d’un autre concept, que Lacan a travaillé, à savoir : la problématique entre le signifiant et le signifié. Il faut savoir qu’à la base, dans la linguistique générale (voir Saussure[2]) on pense que le rapport dans le langage est celui du signifié sur le signifiant. La première chose serait le concept et donc ensuite viendrait le signifiant qui est ce que l’on nomme en linguistique « l’image acoustique » (le mot). Cependant, Lacan propose un rapport inverse. Le concept et son image acoustique formeront un rapport d’association, qui pour Lacan, est une occultation, le discours du sujet est un leurre il ne sait pas ce qu’il dit en réalité. C’est cette idée que reprend, nous semble-t-il, Lacan dans les « autres écrits », quand il donne une définition de l’inconscient comme étant ce qui efface. Vous me direz certainement mais quel charabia… Qui peut comprendre cela et qu’est-ce que cela à avoir avec le fait d’aider une personne qui vient voir un psy ? Vous êtes-vous véritablement demandés ce que le psy faisait pour vous aider ? Il écoute ou il cherche à entendre ? Entendre certes mais quoi ? Ce qui a été effacé dans votre syntaxe… Et pour cela il faut qu’il en connaisse quelque chose de ce qu’est le langage. Personnellement je ne lis pas dans le marc de café magique, en revanche je lis dans ce que me re-conte mon patient de ce qu’il aurait à dire de ce qui a été effacé.

« Impossible de retrouver l’inconscient sans y mettre toute la gomme, puisque c’est sa fonction d’effacer le sujet. D’où les aphorismes de Lacan « l’inconscient est structuré comme un langage », ou bien encore « l’inconscient c’est le discours de l’autre ».

Ceci rappel que l’inconscient, ce n’est pas perdre la mémoire ; c’est ne pas se souvenir de ce qu’on sait. Car il faut dire, selon du non-puriste : « je m’en souviens », soit : « je me rappelle à l’être (de la représentation) à partir de cela. De quoi ? D’un signifiant.

(Note – l’inconscient n’est pas subliminal, faible clarté. Il est la lumière qui ne laisse pas sa place à l’ombre, ni s’insinuer le contour. Il représente ma représentation là où elle manque, où je ne suis qu’un manque.)

Je ne m’en souviens plus, ça veut dire, je ne me retrouve pas là-dedans. Ça ne me provoque à nulle représentation d’où se prouve que j’aie habité là. Cette représentation d’où se prouve que j’ai habité là.

Cette représentation, c’est ce qu’on appelle souvenir. Le souvenir, le glisser dessous (…)

Tout ce qui est de l’inconscient ne joue que sur des effets de langage. C’est quelque chose qui se dit, sans que le sujet s’y représente, ni qu’il s’y dise, – ni qu’il sache ce qu’il dit (…)

Mais nous y reviendrons tout au long de notre développement. Pour Lacan, il y a une séparation entre les deux qui symbolise d’une certaine manière la machine psychique.

La division de ce que l’on nommera rapidement la personnalité dans une totalité, entre conscient et inconscient a un impact sur la personne. C’est-à-dire que sa position de sujet est elle-même soumise à la division. Ces deux parties séparées ont une incidence dans la cure psychanalytique. L’une d’entre elles serait que quand nous parlons de nous, nous sommes dans un endroit que nous nommerons (à la suite de Lacan) le leurre.

Leurre qui s’explique par l’idée que le « véritable sujet » serait dans la partie inconsciente. Et du fait de la division nous n’y avons pas ou plus accès de manière directe. Le leurre est la partie consciente qui au fur et à mesure de la vie, s’est représentée dans ce que l’on dira du « semblant » ou « sans-blanc », l’équivoque du mot ici, nous l’utilisons pour essayer de faire passer l’idée que l’être ne peut (tout comme la nature) supporter le vide. De là il cherche à créer quelque chose, cette chose sera la représentation imaginaire, pour recouvrir un vide somme tout angoissant pour tout un chacun.

Ce que nous allons tenter d’expliquer ici c’est comment se met en place cette question du leurre et de l’occultation du sujet.

[1] Je prends le parti de notifier scientifique, puisque nous ne sommes plus en 1940 et que la psychologie est subdivisée en plusieurs « écoles » qui n’ont pas la même approche.

[2] F. de Saussure (1980). Cours de linguistique, cité dans l’édition critique, Paris, Payot. 

introduction à la psychanalyse

 

À quoi sert-il d’entrer en analyse ? A quoi peut bien servir la psychanalyse ? Voilà une bonne question, pour un monde en souffrance.

Bon nombre de personnes arrivent sur le divan et savent déjà tout sur elles-mêmes… Alors pourquoi faire une analyse ? Pourquoi souffrent-elles ? Comment en vient-on à souffrir quand l’on sait tout sur soi-même ? C’est une drôle d’interrogation que celle-ci. Une interrogation qui me laisse perplexe depuis près de 7 ans.

Cela fait 7 ans, que je reçois un certain nombre de personnes qui arrivent sur mon fauteuil de psy, et qui savent déjà tout. Ce qui me fait poser la question : comment en venez-vous à souffrir ? Réponse « Bah je ne sais pas, c’est pour ça que je viens vous voir ». Je dois bien l’avouer aujourd’hui un patient sur deux est agacé par cette question. Pourtant c’est bien lui, le patient en question, qui en arrive à m’expliquer qu’il sait tout. Que reste-t-il donc au psy pour aider le patient ? Lacan dirait certainement (enfin j’imagine) un acte, mais lequel ?

Celui de permettre aux patients, me semble-t-il, d’accéder à la même expérience que nous-même avons vécus : la découverte de notre inconscient. C’est une aventure, un voyage, en plusieurs étapes, ou peut-être bien une odyssée ou chacun d’entre nous pourrons l’espace d’un instant devenir un Ulysse.

 

Avec l’approche lacienne de la psychanalyse, c’est une rencontre nouvelle que nous pouvons faire de ce que l’on nomme : le sujet. Nous découvrirons que le sujet et l’inconscient, ne sont pas exactement la même chose que ce que l’on peut trouver en psychologie ou en philosophie.

 

Voilà ce que je voudrais proposer avec les 10 prochains articles, soit découvrir ce qu’a à proposer la psychanalyse, ce voyage introspectif pour rencontrer votre étranger. Mais cette odyssée se fait à la manière d’un voyage à « la Alice au pays des merveilles », en suivant le chat du cherche tout…

S’il y a bien un lieu qui existe pour le « sujet », il doit y avoir une direction à ne pas prendre pour ne pas s’y rendre ? Comment donc se rendre dans un lieu que l’on ne connaît pas et pour y connaître quoi ? Ce que l’on ne connaît pas ? Quel désir de savoir, de savoir sur ce « sujet que l’on méconnaît » ? Sommes-nous vraiment tous concernés par la vérité de notre désir ou de notre sujet ? Certes oui, nous diraient les psychanalystes, en tous les cas tous les bons névrosés le sont !  Pourquoi voudrions-nous donc « dévoiler un nom-savoir » en chacun de nous ?

Qui veut se rendre dans ce lieu qui semble obscur ? Dans ce lieu de l’éther ? Après tout Platon nous parle d’une chute brutale, suffisamment traumatisante, quand elle percute le corps pour qu’elle (l’âme) oublie ce qu’elle sait. Faut-il en repasser par là pour retrouver ce qui a été perdu ? Et si l’on dépasse ce que l’on sait, peut-on finalement se rendre vers ce que l’on ignore ? Si oui, comment le reconnaître et s’y rendre ? Comment voyager vers son odyssée subjective ?

 

Pour introduire notre propos nous pouvons relever ces mots dans la chose freudienne :

 

« Car ce sujet dont nous parlions à l’instant comme du légataire de la vérité reconnue, n’est justement pas le moi perceptible dans les données plus ou moins immédiates de la jouissance consciente ou de l’aliénation laborieuse. Cette distinction de fait est la même qui se retrouve de l’alpha de l’inconscient freudien en tant qu’il est séparé par un abîme de fonctions préconscientes, à l’oméga du testament de Freud en la 31e de ses Neue Vorlesungen : « Wo Es war, soll Ich werden. » […]

Analysons-la. Contrairement à la forme que ne peut éviter la traduction anglaise : « Where the id was, there the ego shall be » […]

Qu’il a bien écrit (Freud) Das Ich und das Es pour maintenir cette distinction fondamentale entre le sujet véritable de l’inconscient et le moi comme constitué en son noyau par une série d’identifications aliénantes […]

Werden, devenir, c’est-à-dire non pas survenir, ni même advenir, mais venir au jour de ce lieu même en tant qu’il est lieu d’être […][1]

 

Ce que nous vivons en analyse peut prendre un sens nouveau. L’inconscient n’était donc pas là où nous l’imaginions. Cela vient faire prendre un autre sens à la vérité universitaire, nullement remise en question à cet endroit. Et du coup travailler sur le « sujet ». Le « sujet » n’aurait donc rien à voir avec le moi ? Et donc le « sujet » serait ailleurs, mais où ?

Je voudrais vous proposer une phrase de Lacan qui pourrait être un début de réponse à la Yoda, sur où se trouve ce fichu sujet dont nous parlons depuis le début : « Je pense où je ne suis pas, donc je suis où je ne pense pas. Je ne suis pas, là où je suis le jouet de ma pensée. Je pense à ce que je suis, là où je ne pense pas penser », donc dans l’inconscient.

 

Pourquoi ? Ou encore comment le sujet ne serait pas là où il pense ? Et serait finalement là où il ne pense pas ?

Lacan nous dit :

 

         « Que le sujet comme tel dans l’incertitude pour la raison qu’il est divisé par l’effet de langage […] Par l’effet de parole, le sujet se réalise toujours dans l’Autre, mais il ne poursuit déjà plus là, qu’une moitié de lui-même. Il ne trouvera son désir que toujours plus divisé, pulvérisé, dans l’incunable métonymie de la parole. L’effet du langage est tout le temps mêlé à ceci qu’est le fonds de l’expérience analytique, que le sujet n’est sujet que d’être assujettissement au champ de l’Autre, le sujet provient de son assujettissement synchronique dans ces champs de l’Autre. C’est pour cela qu’il lui faut en sortir, s’en sortir, et d’en sortir à s’en sortir, à s’en dépatouiller »[2].

 

 

La division serait donc au cœur de l’impossibilité pour l’homme de pouvoir connaître le sujet de son désir, puisqu’il « est où il ne pense pas ». Pour démontrer cette idée, nous essayerons de reprendre et de décortiquer la question de la spaltung, autre mot allemand pour dire division. Cela nous amènera à parler de l’idée que peut amener la division à se méconnaître, d’être dans le semblant ou le leurre, qui n’est autre que l’objectivation symbolique du Moi.

Pour mieux comprendre ce cheminement réflexif, nous serons obligés de passer par la question du stade du miroir. De là nous repartirons sur la question de comprendre ce que voudrait dire : « je pense où je ne suis pas ». Pour discuter cette question, l’idée sera de comprendre la perception du réel et ce que cela fait émerger, soit selon nous une articulation entre l’imaginaire et le réel. Le langage se retrouvera au centre de notre cheminement et nous chercherons à comprendre l’impact de la métaphore paternelle dans la construction du discours.

[1] Jacques Lacan, [1955]. « La chose freudienne ou le Sens du retour à Freud en psychanalyse », Écrits. Paris, Seuil, 1966. p.413-414

 

[2] Lacan Jacques, Livre XI du Séminaire, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1963-1964), Paris, Le Seuil, 1973.

 

 

 

Le sommeil : Du Rêve à L’individuation

Il y a des phénomènes bien étranges dans l’existence, mais celui du changement est peut-être l’un des plus particuliers. Au travers de cet article, nous essayerons de comprendre, comment deux mots peuvent faire évoluer votre conception du monde et de son fonctionnement ?

Ces deux mots se trouvent être : anthropologie et rêve. En les associant une nouvelle discipline apparaît, une discipline qui va nous forcer à découvrir l’homme sous un nouveau jour. L’anthropologie du rêve est peut-être l’une des sources les plus abondantes de ce fameux changement. Ainsi, cette perspective met en relief notre passé, nous permet de comprendre notre présent et, aussi peut-être, d’entrevoir notre futur : nous savons tous qu’au travers de la connaissance de nos erreurs, nous pouvons orienter notre avenir. La question souvent posée, quand on parle du rêve en société, est de savoir quelle en est sa fonction. Est-il si important de rêver quand on sait que les manchots peuvent se passer de dormir pendant plusieurs mois ?

Le rêve, du plus loin que l’on s’en souvienne… L’antiquité.

Pourquoi devons-nous remonter si loin pour comprendre le rêve ? Tout simplement parce que le rêve n’a pas la même signification, représentation, ou encore, sens pour nous que pour les personnes de jadis. Il nous faut donc chercher à interpréter ce qu’il a été, pour concevoir ce qu’il est aujourd’hui et, d’une certaine manière savoir ce qu’il n’est pas.

L’antiquité est une période de notre histoire. Alors que j’en parlai avec un très jeune patient, celui-ci me demanda la différence entre l’antiquité et la préhistoire. Pour lui, la préhistoire était : ce qui se passe avant le fameux « il était une fois… » Et pour être franc, ce n’est pas totalement faux, si l’on y réfléchit. Il était une fois, c’est le commencement d’une histoire. Cela pourrait, même d’une certaine manière, être le commencement de notre histoire à tous, les êtres humains. C’est finalement le temps d’avant l’écriture. L’antiquité est donc le moment où le symbole physique, soit l’écriture, est apparu et nous a permis de transmettre autrement notre histoire. Il se passe donc ici quelque chose d’important, la marque laissée dans la pierre ou sur le papier, n’est plus éphémère. C’est une trace visible. On peut constater une chose, la trace que l’on laisse ne correspond pas forcément à la réalité. Il faut donc prendre conscience, qu’ici l’être humain était capable de prendre connaissance de l’écart entre le désir et la réalité.

La question qui va nous guider, ici, est de savoir quelle représentation, les gens avaient du rêve pendant l’antiquité ?

L’arbre généalogique des dieux du sommeil…

Une des grandes différences entre le grec et le français, c’est la traduction vis-à-vis de la production de rêve. Ainsi en français l’on va dire : « je fais un rêve » et en grec :  » je vois un rêve ». Dans l’antiquité, le rêve était interprété par la présence des dieux, et toute la mythologie a bien des sens cachés.

Oneiros est le premier des rêves que l’on peut recenser dans l’arbre généalogique. Mais contrairement aux autres, il n’a visiblement jamais reçu de culte. Il est d’ailleurs représenté comme un être double, qui apporte les rêves aux hommes par, ce que les Grecs appellent, la porte du vrai. Il faut avoir été initié au rêve pour en comprendre le sens.

Un point essentiel que nous aborderons dans un prochain article sur la fonction du rêve aujourd’hui, c’est l’importance du sommeil pour comprendre le rêve. D’ailleurs les Grecs l’avaient bien compris et avant de pouvoir rêver, il faut pouvoir dormir. Et la aussi il y a un dieu, Hypnos, qui est donc le dieu du sommeil. Hypnos est également considéré comme étant le gardien de la nuit, celui qui reste éveillé quand le monde est endormi. Il n’est pas le fils de n’importe qui, il est l’un des fils de Nyx, qui est elle-même la déesse de la Nuit. Par ailleurs, il est aussi, selon l’Iliade, le frère jumeau de Thanatos, qui est le dieu de la Mort. Ce qui, dans la représentation, n’est pas anodin, car il associe le sommeil à la mort. Ne dit-on pas : « dormir c’est comme une petite mort ». D’ailleurs le mot Hypnos, gravé sur les tombeaux, désigne l’éternel sommeil.

Oneiros, n’est pas le seul dieu des rêves, je vous donne un indice, que dit-on quand l’on va se coucher ? : » je vais dans les bras de… » Morphée », selon les récits le fils du sommeil et de la nuit (donc d’un inceste). Il a pour devoir d’endormir les mortels.

Nb : Il est l’étymologie de la drogue bien connue la « morphine », en raison de ces propriétés soporifiques ;

Pour terminer l’arbre généalogique des dieux qui s’occupent du rêve et du sommeil, nous sommes obligés de parler de l’oncle de Morphée, les frères jumeaux du sommeil et le fils de la nuit : Thanatos. C’est la personnification de la mort. Dormir, finalement, de tout temps, a représenté la peur ultime, qui est celle de mourir. Les représentations iconographiques de ce dieu sont extrêmement symboliques, il faut le savoir, ainsi on le retrouve souvent une faux à la main, parce que cela symbolise le fait que la vie peut être moissonnée comme le blé de l’été.

Nb : Le sommeil et la mort sont jumeaux et constituent deux présentations de la même condition du soi. (Cratère en calice attique d’Euphronios, Grèce, VIe siècle av. J.-C., exposé au Metropolitan Museum, New York).

Le rêve dans le passé antique ?

Nous avons pu constater, grâce aux nombreux et divers récits de rêves sur les dieux, une explication commune à cette activité. Elle serait donc d’abord prémonitoire. Le rêve devient un lieu où l’on nous apporte des réponses. C’est un endroit entre deux ou l’on vient nous rendre visite, où les dieux viennent jusqu’à nous, pour nous délivrer leur message. Celui-ci est divin et double, il peut y avoir plus de réalité que ce qui se passe dans la journée à l’état de veille. Il peut nous apprendre que l’on est un simple homme ou un héros… Mais c’est aussi pour eux un phénomène tout aussi objectif que la gravité pour nous.

Mais n’est-il que ça ? Que s’est-il passé quand les hommes ont commencé à voyager, à guerroyer, et donc, à se confronter à d’autres cultures, ou tout simplement à l’autre ? Qu’est-ce que le mélange des sociétés a permis ? Découvrez-le dans le prochain article sur la fonction du rêve à travers le temps…

 

Bibliographie

  1. Andrieu Bernard, « Introduction »,  La neurophilosophie, Paris, Presses Universitaires de France , «Que sais-je ?», 2007, 128 pages URL : cairn.info/la-neurophilosophie–9782130564287-page-3.htm.
  2. Charles Boudouin L’œuvre de Jung et la psychologie complexe, Paris, Payot, 1963.
  3. Claude Debru, Neurophilosophie du rêve, Herman, Paris, 1990
  4. Allan Hobson, Edward F. Pace-Schott et Robert Stickgold, « Dreaming and the brain : toward a cognitive neuroscience of conscious states », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000.
  5. Allan Hobson (1989), Le cerveau rêvant, Gallimard, 1992 pour la traduction
  6. Elizabeth Hennevin-Dubois, « Qui dort mémorise? », La Recherche, Hors série n° 3, 2000, pp. 18-24. ; Robert Stickgold, « Sleep-dependant memory consolidation », Nature, n° 437, 2005, pp. 1272-1278.
  7. Michel Jouvet, « Paradoxical sleep : is it the guardian of psychological individualism ? », Canadian Journal of Psychology, n° 4-2, 1991, pp 148-168
  8. Michel Jouvet, Le Sommeil et les rêves, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 187
  9. Hayat Michaël, « L’enracinement biologique de la pensée : de Diderot aux sciences contemporaines », Le Philosophoire 3/2003 (n° 21) , p. 41-64 URL : cairn.info/revue-le-philosophoire-2003-3-page-41.htm. DOI : 10.3917/phoir.021.0041.
  10. Meerlo P, Mistlberger R, Jacobs B, Heller H, McGinty D. New neurons in the adult brain: The role of sleep and the consequences of sleep loss. Sleep Med Rev. 2009;13:187–194. [PMC free article] [PubMed]
  11. Françoise Parot, « De la neurophysiologie du sommeil paradoxal à la neurophysiologie du rêve », Sociétés & Représentations 1/2007 (n° 23) , p. 195-212 URL : cairn.info/revue-societes-et-representations-2007-1-page-195.htm. DOI : 10.3917/sr.023.0195.
  12. Françoise Parot auteur aussi : de L’Homme qui rêve (Paris, PuF, 1995), Cent mots pour comprendre le rêve (Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1995), elle a dirigé Du rêve au sommeil paradoxal (Lausanne, Delachaux et Niestlé, 2001)

Lacan et l’éthique de la psychanalyse : Peter le rêve de Wendy – 2


Attention, c’est une approche naïve, qui mériterait un approfondissement… c’est un texte qui propose une première vision revue de la psychanalyse des contes de fées.


 

1.     Problématique

 

Qu’est-ce que : « ne pas céder à son désir », si le désir c’est toujours le désir de l’autre, ne pas céder à son désir qui nous habite, comme du désir de l’Autre qui nous habite, voulait dire ne pas céder sur le désir du père ? Puisque la métaphore paternelle serait ce qui permet dans l’aliénation du désir du sujet dans la dimension du langage en instituant une structure de division subjective ?

Peter Pan ou le pays imaginaire, comme sinthome de Wendy ? Qui ne pourrait réussir à entendre une phrase, dans un « surtout mais pas ça ».

2.     Réflexion

 

a.     Au début il y a la famille

Et si effectivement l’histoire de Peter Pan, n’était qu’un songe, et si c’était le cas ne voudriez-vous pas savoir ce que le rêve de Wendy avait à nous dire ?

L’épopée fantastique dans le monde imaginaire, d’une jeune fille en pleine transition, face à un choix. Un deuil va être demandé, une perte symbolique va être exigée, une livre de chaire va devoir être payé. À moins que telles certaines Héroïnes, elle décide de céder face à un désir qui pourrait l’engloutir ?

Son monde bascule un soir où son père décide arbitrairement de changer les règles de la maison, fâché, à la recherche de ces « bijoux ». Bijoux de la famille qui ont été cachés par les frères comme un trésor. Il décide qu’il est temps pour Wendy de « sortir de la chambre des enfants ». Cette phrase, est une drôle de phrase équivoque, nous pouvons y voir un sous-entendu. « La chambre des enfants de qui ? », pourquoi était-elle dans la chambre de ses frères. En parcourant les différents textes pour la recherche sur ce devoir, nous sommes tombés sur une idée intéressante à soulever dans le corps de cet exercice : « le langage a essentiellement pour fonction d’identifier le sujet. C’est cet effet d’identification qui lui permettra de se compter dans l’ordre symbolique en se situant comme mortel est sexué », Marc Strauss, en nous lisant Lacan, nous indique que c’est visiblement à partir du dire et du langage du père que quelque chose vient à être symbolisé, à Wendy. Ce quelque chose est effectivement sa place, son rang et son genre. Ainsi dans la famille, elle ne serait plus une enfant indéfinie sans sexe, mais bel et bien une jeune femme en « de-venir ».

Ce qui est dans un premier temps paradoxal, dans le dessin animé de Disney, Il faut comprendre que le père est tourné au ridicule, voir qu’il n’a pas de place véritable. Wendy semble même ignorer ce que le père aurait à dire. Il lui faut se fâcher pour que l’ensemble du groupe : mère – frère – Wendy et nana – entende sa parole : « Wendy doit avoir sa chambre est grandir ». Lacan nous dit vis-à-vis des philosophes anglais « qu’ils ne s’imaginent pas que les pulsions c’est l’écho dans le corps du fait qu’il y ait un dire… Ce dire pour qu’il résonne, qu’il consone, autre mot du sinthome madaquin, il faut que le corps y soit sensible. Qu’il l’est, c’est un fait. C’est parce que le corps a quelques orifices, dont le plus important est l’oreille, parce qu’elle ne peut se boucher, se clore, se fermer. C’est par ce biais que répond dans le corps ce que j’ai appelé la voix » (p. 17) d’une certaine manière personne ici, ne semble prendre conscience qu’il y a possible émergence pulsionnelle pour une jeune femme en « de-venir », il n’y a pas de juste mesure et précaution. Il faut comprendre ici dans le jeu de mots Lacanien, que le « Nom du père » a « un effet, (il) est le répondant symbolique de ce manque, mais il ne suture pas pour autant ce qui manque à cet Autre, manque à dire, qui a pour nom : la jouissance… Le Nom du père sépare, il sépare le sujet et l’Autre de la jouissance, il fait de l’Autre signifiant du corps un désert de jouissance… ». Ce qui nous fait dire à la suite de l’injonction ou dire du père vient donner un sens nouveau à « l’exi-stence » de l’enfant. Un sens qui ne semble pas pouvoir être entendu, non seulement par l’enfant lui-même, comme pris dans quelque chose de déchirant et traumatique, et par le reste du groupe.

 

b.     Puis ensuite il y a Peter Pan

C’est après le départ que le protagoniste du rêve de notre héroïne surgit dans l’ombre, à la recherche de la sienne. Étrangement, ce n’est pas le visage d’une gentille fée qui nous est présenté, mais celui d’un esprit presque démoniaque ou malin. Malin dans l’équivoque que cela pourrait présenter, malin comme intelligent ou malade… Un esprit malade ?

Peter Pan traque son ombre que la gouvernante a réussi à attraper et que Wendy à tout de suite reconnu comme étant celle de Peter. Dans un mouvement de générosité, naïf de l’enfant Wendy l’aide à raccommoder son ombre, qu’elle et lui, ne soient comme « plus jamais diviser ». En discutant les deux protagonistes découvrent qu’ils vont l’un comme l’autre être privé de quelque chose qui leur semble essentielle. Wendy en étant sommé de devenir adulte ne pourra plus raconter d’histoire, sur le monde imaginaire de Peter. Et donc il ne pourra plus venir les écouter lui aussi. Il décide de l’emmener. Wendy « enchanté » veut embrasser Peter, elle en sera empêchée par la jalouse Fée Clochette. Mais finalement, l’une des questions qui nous semble essentielle, c’est de savoir qui est-ce : Peter et qu’a-t-il à dire ? Si ce n’est jouis, jouis encore est toujours ne te sépare pas ?

 

c.     La Fée Clochette

Dans le rêve de Wendy, nous pensons que cette petite fée, serait ni plus ni moins qu’une représentation idéale de la représentation de la « Femme », il y a quelque chose de l’image qui se dérobe « l’individu se présente comme il est foutu, comme un corps. Et ce corps à une puissance de captivation qui est telle que jusqu’à un certain point ce sont les aveugles qu’il faudrait envier »[1] (p. 18). D’ailleurs avec humour, personne ne peut comprendre ce qu’elle dit, à part Peter Pan lui-même. En tout cas Wendy n’entend que le bruit d’une cloche. N’y a-t-il pas quelque chose qui cloche dans ce dire féminin poussé à l’extrême ? Féminin qui en finit par en être effrayant puisque, ce qui est intéressant, avec ce personnage c’est qu’elle représente le stéréotype même de la femme sexy, au service érotomaniaque de Peter Pan. Nous suivons une petite « fé-mm-e », qui a la jalousie qui la consume au point d’avoir un désir de mort envers Wendy. Et d’essayer de la faire tuer, et quand cela échoue et qu’elle se fait bannir du pays imaginaire par Peter, prisonnière du Capitaine, elle collaborera encore pour continuer d’essayer de la tuer.

Il n’y a là ni notion de bien et de mal, le personnage de la fée est soustrait aux problématiques terre à terre de l’humanité. Faute, culpabilité, punition, ne semble pas être une problématique pour elle. Après tout c’est un être autre, des conventions, d’une représentation de représentation. Il est intéressant de relever que dans la mythologie féerique, les fées ne sont pas soumisses au même système de valeur que celui des hommes. Souvent cela est justifié par leur rapport au temps, qui n’est pas le même que pour celui de l’homme. Ainsi les fées sont souvent des êtres immortels, nés de l’union du bien et du mal, d’un ange et d’un démon, et donc « im-morale ». Le bien le mal, prend, semble-t-il, un sens tout nouveau, pour une créature qui ne pourrait comprendre un monde soumis à l’angoisse de mort.

Une autre question qui se pose ici, est de savoir si nous sommes, bien dans le rêve de Wendy, et que la fée clochette essaye de la tuer. Qu’est-ce que cela vient dire de ce petit personnage ? Ne serait-ce pas là l’une des interventions de Lacan. Dans l’idée que « tu es ce que tu es » ? Du coup ne faudrait-il pas entendre que la représentation de la femme dans le rêve cherche à tuer Wendy l’infans. De même, nous pensions dans un premier temps que la fée cherche à éloigner Wendy dans une forme de jalousie, mais si l’on interprète littéralement, elle veut empêcher Wendy d’être avec Peter, et donc ne veut-elle pas en réalité empêcher l’infant de rester avec sa jouissance ?

 

d.     Ensuite nous avons le capitaine Crochet et…

Dès leurs arrivés au pays imaginaire, que nous imaginons somme tout, comme un pays merveilleux, ils sont attaqués par le capitaine crochet.

 

Il nous est présenté un homme obnubilé par Peter Pan, il veut se venger d’un combat perdu, qui lui aurait coûté sa main. Main que Peter pour s’amuser lui aurait coupée pour la donner à manger au crocodile.

Nous pourrions entendre ici que le Capitaine est la représentation de l’idée du manque à être, il y a un manque chez l’autre un manque qui le dévore. Le capitaine crochet cour après quoi : Peter. Pourquoi court-il après le personnage qui représente la jouissance ? Dans l’histoire on nous dit que le capitaine cherche à tuer Peter pour se venger. Mais est-ce que c’est véritablement de cela dont il s’agit ? Le capitaine crochet serait d’une certaine manière la représentation comme nous l’avons dit qu’il y a quelque chose qui manque chez l’autre, et donc dans ce sens-là, si cela manque chez lui cela pourrait manquer chez Wendy. La colère qui divise d’une certaine manière le capitaine serait à l’encontre de cet être de jouissance, qui se refuse lui à manquer, il court désespérément après cette jouissance malsaine, ne pouvant s’empêcher de rejouer encore et encore la même scène avec Peter. Il y a quelque chose ici qui ne tient pas, qui ne fait pas capiton. Il manque d’une limite, celle de la tempérance.

Il faut comprendre, selon nous, ici que le capitaine, n’est pas un personnage simple, il est, aussi, affublé du crocodile à ventre qui fait tic-tac et de M. Mouche voix de conscience, comme une sorte de Jiminy criquette, version pirate. Le crocodile symboliserait dans la figurabilité du rêve, cette mère qui dévore et qui ne manque de rien, elle ne manque pas de temps, puisque c’est elle qui le possède dans son ventre.

Nous pourrions comprendre ici que la représentation phallique chez Wendy, ce dire qui ne peut pas être dit serait d’une certainement manière : le temps. Elle manque de temps et fuit dans un monde imaginaire, qui dans certaines traductions se nomme « jamais-jamais », nous pourrions donc dire ici, un jamais ça !

Beaucoup d’auteur présente, le capitaine comme un père castrateur, celui d’une mythologie bien connue. Il serait l’un des dieux perdus dévoreur de temps : Chronos. Pourtant d’une étrange manière ce n’est peut-être pas ce qu’est le capitaine crochet. Mais alors que serait-il ? Nous émettons l’hypothèse qui n’est qu’une voix qui essayerait de s’immiscer, pour séparer, non pas ce qui ferait peur à Peter, mais plutôt ce qui effrayerait Wendy. Le crochet qui cherche à crever une bulle celle de l’imaginaire, et de retenir, pour faire comme point de capitaine, pour que, quelque chose de l’ordre de la répétition cesse.

 

e.     Les enfants perdus ou céder sur son désir… ?

Petit rappel de l’histoire : Ces frères se font kidnapper par les Indiens qui pensent que Peter est responsable de la disparition de la fille du chef, alors même que c’est le capitaine crochet. De-là nous retrouvons Crochet et Peter qui se livre une bataille, qui semble plus tourner au jeu et ne se pose en aucune façon la question de sauver la pauvre indienne qui se noie. Tel un jugement ordalique, la petite indienne est jugé coupable, mais de quel crime ?

Lacan, remarque le 18 novembre 1959 : « C’est à rien de moins que l’attrait de la faute… C’est bien une faute que nous désignons qui se trouve sur le chemin de ce besoin, et qui est recherchée pour obtenir cette punition » (p. 10), plus loin il finit par nous ramener à notre sujet en disant « Dieu, comme auteur de la nature, est sommé de rendre compte des plus extrêmes anomalies… Ce défi, cette sommation, cette ordalie ne devait pas permettre d’autre sortie que celle qui s’est trouvée effectivement réalisée dans l’histoire. Celui qui se soumet à l’ordalie en retrouve au dernier terme les prémisses, à savoir l’Autre devant lequel cette ordalie se présente, le Juge en fin de compte de ladite. »[2] (p. 12).

Nous pourrions ici, nous dire que Wendy est-elle Freud une coriace que veut aller au bout du savoir que pourrait lui livrer son rêve. En le faisant perdurer, elle ira jusqu’à dépasser et rejouer la scène. Alors que la petite indienne est vouée à la mort, Wendy est prête à subir le même sort mais pourquoi ?

Comme nous l’avons dit dans le résumé, Wendy ne souhaite en aucune façon passer sa vie au pays imaginaire avec les enfants perdus, et rappelle l’existence de leurs parents, et plus exactement de ce qu’est une maman. La version de la chanson française, nous parle des mères qui apprennent à leurs enfants le besoin d’aimer. Tous (les enfants perdus) décident de partir avec Wendy retrouver leur mère. Peter boude ! Ils se font capturer par le capitaine crochet, obnubilé par son Peter Pan. Wendy se transforme en héroïne en décidant de se sacrifier et de ne pas céder au capitaine. Ainsi on nous montre Wendy sur la planche ayant refusé de signer le « contrat social », offert par le capitaine.

Elle peut devenir le héros de son propre mythe, en transgressant les limites, « Tu t’en vas vers la mort ne connaissant pas ta propre loi. Antigone sait à quoi Elle est condamnée à jouer, si l’on peut dire, dans un jeu dont le résultat est connu d’avance »[3].

Ce qui nous questionne, c’est quel savoir peut-elle en tirer, et en particulier sur sa propre mort, ou en réalité sur sa propre vie ?

Dans un article de 2013 Fulchiron, H. Rassial, J., nous, indique que « l’héroïsme se définit avant tout par la prise de risque mortelle. Mais une prise de risque qui n’est pas sans recherche de gain, le héros grec y gagne deux choses : l’immortalité que lui assure une métamorphose… La renommée, qu’il faut entendre comme se faire un nom »[4]. Wendy donc telle Electre ou Antigone semble être un personnage, qui sait à quel jeu/je elle joue. Comme nous le présente, Lacan sur les personnages Sophocléen. Ce sont des personnages « situés d’emblée dans une zone limite, entre la vie et la mort. Le thème de l’entre-la-vie-et-la-mort est d’ailleurs formulé comme tel dans le texte, mais il est manifeste dans les situations ».[5]

Philippe Julien nous dit « seul le beau en effet peut faire limite à la jouissance maligne : ‘barrière extrême à interdire l’accès à une horreur fondamentale’[6] Dit Lacan, celle de la méchanceté. La beauté, parce qu’insensible à l’outrage, interdit l’obscénité et l’impudeur »[7]. Ce qui Voudrait dire en réalité ici, que le geste de Wendy dans son rêve de se sacrifier pour ces frères et pour son désir, s’apparenterait à la beauté – la beauté du geste – par la Wendy, montre quelque chose à Peter qui le fait céder et décide de ramener tout le monde. Wendy s’est fait maîtresse de sa jouissance malsaine. Elle accepte ici de perdre quelque chose de l’éternité, et perdre l’image, ce reflet de l’autre qui ce reflet a l’infini et qui représente un gouffre sans fin/faim. D’ailleurs, si nous continuons sur la littéralité du rêve de Wendy le capitaine crochet, marche sur l’eau pour éviter d’être engouffré entier dans la bouche du crocodile. Avec humour, le voit être mangé et ressortir, sans ou avec l’horloge. Le père comme la mère symbolique, se poursuit en se repassant le phallus, un jeu qui finalement ne l’est concerné qu’entre eux, au dessus et en deçà de l’eau… L’eau qui semble représenter qu’une « chose » ou deux, un das ding ou un Grand Autre ? Là, seule Wendy pourrait nous dire.

 

Cependant, elle est sauvée par Peter qui n’est effectivement pas mort dans l’explosion fomentée par le capitaine grâce à la trahison de la fée clochette.

Un nouveau combat entre les deux protagonistes, terminera par le capitaine tombant dans l’eau, que le crocodile essaye de manger. Peter accepte de mauvaise grâce de ramener tout le monde chez lui.

 

1.     Conclusion

Les parents retrouvent Wendy devant la fenêtre, qui raconte son aventure au pays imaginaire et qui dit cette phrase intéressante, « nous sommes rentrés mais c’était trop pour les enfants perdus ». Elle dit finalement accepter ce nouvel avenir qui est le sien, le désir du père, qu’elle devienne adulte. Tout en ayant franchi la barrière équivoque d’un désir du père œdipien. Pour cela le rêve lui offre la possibilité de mettre en mot/mort, un dire qui n’avait pas de sens. La séparation de l’enfance pour l’âge adulte et l’arrivée de la sexuation.

 

Il apparaît une grosse lacune dans cet écrit. Ainsi le manque de vision sur une globalité de la théorie lacanienne, entraîne ici, quelque chose de l’ordre d’une frustration, qui ne pourrait être travaillé qu’en transformant cette question en sujet de mémoire ou de thèse. Et s’il était possible de relire les contes, à partir de la psychanalyse lacanienne. Une ouverture nouvelle pourrait nous permettre de comprendre avec le jeu du poète de comprendre et de déplier les aspects parfois complexes de sa théorie. N’oublions pas que les contes à la base n’étaient pas un écrit mais un oral, pris dans le discours de l’autre, qui on a terminé par être épanché sur le papier et s’inscrire dans la lettre.

Il y a donc des aspects qui manqueront, des zones d’ombre, ombre qu’il faudrait rattacher pour éclairer…

 

 

 

 

Bibliographie

 

Jacque Lacan :

  • Écrit, page 776
  • Livre III du Séminaire, Les psychoses (1955-1956), Paris, Le Seuil 1981
  • Livre VII du Séminaire, L’éthique de la psychanalyse (1959-1960), Paris, Le Seuil, 2001.

Autre Bibliographie

 

  • Fulchiron, H. & Rassial, J. (2013). L’héroïsme à l’adolescence comme mise à l’épreuve des théories infantiles sur la mort. Topique, 125, (4), 111-123. doi : 10.3917/top.125.0111.
  • Freud S. (1911c), « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa (Dementia paranoïdes)(Le Président Schreber) », trad. M. Bonaparte et R. Loewenstein, in Cinq psychanalyses, Paris, puf, 1954
  • Freud (S.) (1928), Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1992.
  • Philippe, J. (1990) Pour lire Jacques Lacan, Le retour à Freud, Paris, epel.

 

[1] Séminaire VII

[2] Séminaire VII

[3] idem.p325

[4] Fulchiron, H. & Rassial, J. (2013). L’héroïsme à l’adolescence comme mise à l’épreuve des théories infantiles sur la mort. Topique, 125,(4), 111-123. doi:10.3917/top.125.0111.

[5] Séminaire VII. p.317

[6] Ecrit, page 776

[7] Philippe, J. (1990) Pour lire Jacques Lacan, Le retour à Freud, Paris, epel.

Lacan et l’éthique de la psychanalyse : Peter le rêve de Wendy 1

1.     Résumé de l’histoire de Peter Pan

 


Attention, c’est une approche naïve, qui mériterait un approfondissement… c’est un texte qui propose une première vision revue de la psychanalyse des contes de fées.


 

L’histoire commence en nous présentant une famille, il y a la mère, le père, les deux petits frères et Wendy, ainsi qu’un animal : nana la gouvernante, qui est une chienne. Bien entendu il y a Peter Pan, enfant fée dans l’histoire de Disney, toujours accompagné par la fée clochette.

L’histoire nous dit que Wendy est la détentrice des histoires de Peter Pan. Histoire qu’elle raconte à ses jeunes frères.

Nous découvrons un P.P. qui est à la recherche de son ombre et qui à besoin de la rattacher. D’ailleurs Wendy lui dit bien qu’un homme sans son ombre, ne finit jamais bien. À partir de là, Peter décide d’emmener avec lui Wendy. Un autre élément décisif pour P.P. c’est quant elle lui a révélé, qu’en colère son père a décidé qu’elle devait avoir sa chambre à elle, et donc sortir de la « chambre des enfants ». Idée intolérable pour Peter, parce qu’il venait écouter les histoires de Wendy avant de dormir, qu’ensuite il raconte à son tour aux enfants perdus au/du pays imaginaire. Wendy décide d’entraîner avec elle ces frères dans ce voyage (imaginaire). Ainsi, ils arrivent tous dans ce pays, et commence par rencontrer le capitaine crochet et son navire. Le capitaine crochet s’en prend dès le commencement à Peter, ce dernier ne semble désirer qu’une chose « tuer » Peter Pan.

Il nous est raconté sur Crochet qu’il a perdu sa main lancée au crocodile qui à une horloge dans le ventre, par Peter, qui voulait juste s’amuser…

Le personnage de la fée clochette semble nourrir des sentiments agressifs envers Wendy, et nous assisterons à différentes tentatives pour la tuer, et n’en éprouvant aucun remords. Ils rencontreront les sirènes qui chercheront aussi à la noyer… Ces frères se font kidnapper par les Indiens qui pensent que Peter est responsable de la disparition de la fille du chef, alors même que c’est le capitaine crochet. De là nous retrouvons Crochet et Peter qui se livre une bataille, qui semble plus tourner au jeu (je) et ne se pose en aucune façon la question de sauver la pauvre indienne qui se noie. Ce sont les avertissements de Wendy qui rappelleront Peter Pan au bon souvenir de la future noyée.

Les mésaventures continues, Wendy ne souhaite en aucune façon passer sa vie au pays imaginaire avec Peter, et se rappelle l’existence de leurs parents, et plus exactement de ce qu’est une maman. La version de la chanson française, nous parle des mères qui apprennent à leurs enfants le besoin d’aimer. Tous (les enfants perdus) décident de partir avec Wendy retrouver leur mère. Peter boude ! Ils se font capturer par le capitaine crochet, obnubilé par son Peter Pan. Wendy se transforme en héroïne en décidant de se sacrifier et de ne pas céder face au capitaine. Elle est sauvée par Peter qui n’est effectivement pas mort dans l’explosion fomentée par le capitaine grâce à la trahison de la fée clochette, rappelons le jalouse de l’intérêt de Peter pour Wendy.

Un nouveau combat entre les deux protagonistes, terminera par le capitaine tombant dans l’eau, que le crocodile essaye de manger. Peter acceptera de mauvaise grâce de ramener tout le monde chez lui.

Les parents retrouvent Wendy devant la fenêtre, qui raconte son aventure au pays imaginaire et qui dit cette phrase intéressante, « nous sommes rentrés mais c’était trop pour les enfants perdus ».

 

 

 

 

 

2.     Introduction

 

Au commencement de la réflexion, était une consultation où un patient fait une équivoque que je relève et lui répète. Il n’entend pas et fait une remarque « c’est encore l’une de vos équivoques, un mot est un mot, je ne crois pas que ça veuille dire autre chose », je lui réponds « vrai-ment », lui « oui le vrai peut mentir, c’est vrai ça » me répond-il spontanément… Il s’arrête… Et je lui dis « celle-ci effectivement c’était mon équivoque ». Cela ne va pas sans nous faire rappel au mot de Lacan séminaire III « Le sujet entend-il avec son oreille quelque chose qui existe ou qui n’existe pas ? Il est bien évident que ça n’existe pas… » (p. 293)

Nous avons dû reprendre ensemble ce qu’est une équivoque au sein de la thérapie ? Voilà une petite énigme qu’il lui a été donné de relever. Je lui dis qu’y a-t-il derrière l’onglet information personnelle dans le menu sur un site web. Il me sourit, comme toute excité par ma question, est d’un seul coup ce met à m’expliquer la théorie lacanien. L’inconscient structuré comme un langage, et si les pages d’internet avaient un inconscient ?

L’idée est simple, me dit-il, il faut comprendre qu’internet est à la base une forme de langage (d’ailleurs une forme réductible en langage mathématique). Et derrière les mots, les images, et autre il y a un ou du code. Code qui permet une fois assemblé, de donner des mots que nous lisons. Je lui demande « mais ce code, on ne le voit jamais ». Et là il me dit « bah si, quand il y a un bug dans le système, sa ripe, et du coup ça dit quelque chose ». Le plus drôle dans tout cela c’est qu’il dit ne pas s’intéresser à la psychanalyse, et pourtant il me donne presque l’impression d’en savoir bien plus que moi sur cet inconscient structuré comme un langage.

Et la métaphore ne s’arrête pas là, il continue de raconter son histoire. Au commencement de l’internet il y a un homme, une femme… Un langage… Un codage… Une grammaire et une conjugaison… Qui peut devenir extrêmement complexe ou extrêmement simple. C’est-à-dire que vous pouvez avoir des paragraphes entiers que l’on peut finalement réduire à une seule unité de zéro et de un… Il me dit « nous faisons ce que l’Autre demande… Moi, il me dit son envie, le client… Et je suis à fond, mais parfois je suis comme triste de m’en séparer du projet, quand c’est terminé et qu’il n’a plus besoin de moi »… « Ah, le désir c’est le désir de l’autre ? »… « Pas faux » qu’il me répond, il s’arrête et me dit « j’ai loupé un truc hein… ».

Ce qui revient à l’entièreté de la théorie lacanien, dans ce que nous pouvons comprendre. Nous venons au monde dans un bain de langage, nous sommes déjà nommés avant notre naissance et parlé, et cela par la parole de l’autre ou de l’Autre. Et nous baignons dans son désir : « ma mère elle disait toujours pour ma sœur et moi, mon fils/fille sera astronaute, pour toucher les étoiles ». Il y a une indivision dans un premier temps que le mot – le signifiant – viendra diviser. Une coupure. Le signifiant peut alors encore et encore foisonner, et ne jamais s’arrêter. Pourtant Lacan nous explique qu’une « unité signifiante suppose une certaine boucle bouclée qui en situe les différents éléments » (p. 298) « Il faut vraiment que ce soit terminé pour qu’on sache de quoi il s’agit. La phrase n’existe qu’achevée, et son sens lui vient après coup. » (p. 297-98)

Il semble donc, qu’il faille, à un moment qu’il s’arrête. C’est à ce moment-là, que la position du père, sa métaphore, prend un sens, celui du point de capiton.

 

Un jour avec ironie un patient qui connaît la psychanalyse me dit « vous avez remarqué que sur le divan il n’y a pas le point de capiton alors que sur votre fauteuil oui… Comme si votre inconscient vous avez joué un tour pour vous rappeler de ponctuer ». Cela m’a fait penser à la citation de Lacan : « le point de capiton est le mot crainte, avec toutes ces connotations trans-significatives. Autour de ce signifiant, tout s’irradie et tout s’organise, à la façon de ces petites lignes de force formées à la surface d’une trame pour le point de capiton. C’est le point de convergence qui permet de situer rétroactivement et prospectivement tout ce qui se passe dans ce discours »[1] (p. 304).

Ce même patient me demande souvent à quoi ça lui sert de savoir et qu’est-ce qu’il en fait… Il répète encore et encore la même chose, mais qu’est-ce qui lui échappe. Pourquoi n’arrive-t-il pas à saisir cette jouissance malsaine, pourquoi ne peut-il pas être plus tempéré, pourquoi c’est toujours « chaud », comme il le dit ? Et pourquoi je ne lui dis pas ? Après tout d’après lui je dois savoir ! Je n’ai jamais répondu à sa question, quoique, je l’aie malgré tout invité à regarder Peter Pan. En revenant, quelque temps plus tard, il me dit « je suis comme Wendy » – « ah bon ? »

Et si l’aventure de Peter Pan n’était pas l’aventure d’un Peter Pan mais le rêve d’une Wendy, et si l’histoire qui nous était contée, n’était en réalité que celle d’un rêve ?

Pour comprendre cette idée, nous ne nous référerons pas au texte de Barry, le véritable auteur de Peter Pan, mais au dessin animé de Disney.

Selon Freud, dans malaise dans la civilisation : « l’écrit est à l’origine, le langage de l’absent, l’habitation un substitut du corps maternel, cette première demeure (deux-meure – d’eux meure – de mère) vraisemblablement encore et toujours désiré ou l’on était en sûreté et se sentait bien. Normalement on croirait entendre un conte de fées, c’est sûrement la concrétisation de tous les souhaits formulés dans les contes (non la plupart), ce que l’homme par sa science et sa technique à produit sur cette terre où chaque individu de son espèce est réduit à apparaître à son tour sous la forme d’un nourrisson démuni… »[2] Voilà bien une chose intéressante, que nous livre la réécriture du conte de Peter Pan par et pour Disney. Avec ironie pourrions nous paraphraser Clothilde Leguil sur le dire de Lacan et de la lettre volée d’Edgar A. Poe : « la valeur symbolique, de ce conte, elle attrait à la fois au statut de l’inconscient et à l’histoire psychanalytique. »

Du coup, peut-être pourrions nous commencer ce rêve par une phrase tout équivoque de M. Mouche, que ce patient cité plus haut à relever : « se cacher… Il n’y a pas de meilleur endroit que la mère imaginaire »…

[1] Séminaire VII

[2] Freud (S.) (1928), Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1992, p. 21.

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