Le sommeil : Du Rêve à L’individuation

Il y a des phénomènes bien étranges dans l’existence, mais celui du changement est peut-être l’un des plus particuliers. Au travers de cet article, nous essayerons de comprendre, comment deux mots peuvent faire évoluer votre conception du monde et de son fonctionnement ?

Ces deux mots se trouvent être : anthropologie et rêve. En les associant une nouvelle discipline apparaît, une discipline qui va nous forcer à découvrir l’homme sous un nouveau jour. L’anthropologie du rêve est peut-être l’une des sources les plus abondantes de ce fameux changement. Ainsi, cette perspective met en relief notre passé, nous permet de comprendre notre présent et, aussi peut-être, d’entrevoir notre futur : nous savons tous qu’au travers de la connaissance de nos erreurs, nous pouvons orienter notre avenir. La question souvent posée, quand on parle du rêve en société, est de savoir quelle en est sa fonction. Est-il si important de rêver quand on sait que les manchots peuvent se passer de dormir pendant plusieurs mois ?

Le rêve, du plus loin que l’on s’en souvienne… L’antiquité.

Pourquoi devons-nous remonter si loin pour comprendre le rêve ? Tout simplement parce que le rêve n’a pas la même signification, représentation, ou encore, sens pour nous que pour les personnes de jadis. Il nous faut donc chercher à interpréter ce qu’il a été, pour concevoir ce qu’il est aujourd’hui et, d’une certaine manière savoir ce qu’il n’est pas.

L’antiquité est une période de notre histoire. Alors que j’en parlai avec un très jeune patient, celui-ci me demanda la différence entre l’antiquité et la préhistoire. Pour lui, la préhistoire était : ce qui se passe avant le fameux « il était une fois… » Et pour être franc, ce n’est pas totalement faux, si l’on y réfléchit. Il était une fois, c’est le commencement d’une histoire. Cela pourrait, même d’une certaine manière, être le commencement de notre histoire à tous, les êtres humains. C’est finalement le temps d’avant l’écriture. L’antiquité est donc le moment où le symbole physique, soit l’écriture, est apparu et nous a permis de transmettre autrement notre histoire. Il se passe donc ici quelque chose d’important, la marque laissée dans la pierre ou sur le papier, n’est plus éphémère. C’est une trace visible. On peut constater une chose, la trace que l’on laisse ne correspond pas forcément à la réalité. Il faut donc prendre conscience, qu’ici l’être humain était capable de prendre connaissance de l’écart entre le désir et la réalité.

La question qui va nous guider, ici, est de savoir quelle représentation, les gens avaient du rêve pendant l’antiquité ?

L’arbre généalogique des dieux du sommeil…

Une des grandes différences entre le grec et le français, c’est la traduction vis-à-vis de la production de rêve. Ainsi en français l’on va dire : « je fais un rêve » et en grec :  » je vois un rêve ». Dans l’antiquité, le rêve était interprété par la présence des dieux, et toute la mythologie a bien des sens cachés.

Oneiros est le premier des rêves que l’on peut recenser dans l’arbre généalogique. Mais contrairement aux autres, il n’a visiblement jamais reçu de culte. Il est d’ailleurs représenté comme un être double, qui apporte les rêves aux hommes par, ce que les Grecs appellent, la porte du vrai. Il faut avoir été initié au rêve pour en comprendre le sens.

Un point essentiel que nous aborderons dans un prochain article sur la fonction du rêve aujourd’hui, c’est l’importance du sommeil pour comprendre le rêve. D’ailleurs les Grecs l’avaient bien compris et avant de pouvoir rêver, il faut pouvoir dormir. Et la aussi il y a un dieu, Hypnos, qui est donc le dieu du sommeil. Hypnos est également considéré comme étant le gardien de la nuit, celui qui reste éveillé quand le monde est endormi. Il n’est pas le fils de n’importe qui, il est l’un des fils de Nyx, qui est elle-même la déesse de la Nuit. Par ailleurs, il est aussi, selon l’Iliade, le frère jumeau de Thanatos, qui est le dieu de la Mort. Ce qui, dans la représentation, n’est pas anodin, car il associe le sommeil à la mort. Ne dit-on pas : « dormir c’est comme une petite mort ». D’ailleurs le mot Hypnos, gravé sur les tombeaux, désigne l’éternel sommeil.

Oneiros, n’est pas le seul dieu des rêves, je vous donne un indice, que dit-on quand l’on va se coucher ? : » je vais dans les bras de… » Morphée », selon les récits le fils du sommeil et de la nuit (donc d’un inceste). Il a pour devoir d’endormir les mortels.

Nb : Il est l’étymologie de la drogue bien connue la « morphine », en raison de ces propriétés soporifiques ;

Pour terminer l’arbre généalogique des dieux qui s’occupent du rêve et du sommeil, nous sommes obligés de parler de l’oncle de Morphée, les frères jumeaux du sommeil et le fils de la nuit : Thanatos. C’est la personnification de la mort. Dormir, finalement, de tout temps, a représenté la peur ultime, qui est celle de mourir. Les représentations iconographiques de ce dieu sont extrêmement symboliques, il faut le savoir, ainsi on le retrouve souvent une faux à la main, parce que cela symbolise le fait que la vie peut être moissonnée comme le blé de l’été.

Nb : Le sommeil et la mort sont jumeaux et constituent deux présentations de la même condition du soi. (Cratère en calice attique d’Euphronios, Grèce, VIe siècle av. J.-C., exposé au Metropolitan Museum, New York).

Le rêve dans le passé antique ?

Nous avons pu constater, grâce aux nombreux et divers récits de rêves sur les dieux, une explication commune à cette activité. Elle serait donc d’abord prémonitoire. Le rêve devient un lieu où l’on nous apporte des réponses. C’est un endroit entre deux ou l’on vient nous rendre visite, où les dieux viennent jusqu’à nous, pour nous délivrer leur message. Celui-ci est divin et double, il peut y avoir plus de réalité que ce qui se passe dans la journée à l’état de veille. Il peut nous apprendre que l’on est un simple homme ou un héros… Mais c’est aussi pour eux un phénomène tout aussi objectif que la gravité pour nous.

Mais n’est-il que ça ? Que s’est-il passé quand les hommes ont commencé à voyager, à guerroyer, et donc, à se confronter à d’autres cultures, ou tout simplement à l’autre ? Qu’est-ce que le mélange des sociétés a permis ? Découvrez-le dans le prochain article sur la fonction du rêve à travers le temps…

 

Bibliographie

  1. Andrieu Bernard, « Introduction »,  La neurophilosophie, Paris, Presses Universitaires de France , «Que sais-je ?», 2007, 128 pages URL : cairn.info/la-neurophilosophie–9782130564287-page-3.htm.
  2. Charles Boudouin L’œuvre de Jung et la psychologie complexe, Paris, Payot, 1963.
  3. Claude Debru, Neurophilosophie du rêve, Herman, Paris, 1990
  4. Allan Hobson, Edward F. Pace-Schott et Robert Stickgold, « Dreaming and the brain : toward a cognitive neuroscience of conscious states », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000.
  5. Allan Hobson (1989), Le cerveau rêvant, Gallimard, 1992 pour la traduction
  6. Elizabeth Hennevin-Dubois, « Qui dort mémorise? », La Recherche, Hors série n° 3, 2000, pp. 18-24. ; Robert Stickgold, « Sleep-dependant memory consolidation », Nature, n° 437, 2005, pp. 1272-1278.
  7. Michel Jouvet, « Paradoxical sleep : is it the guardian of psychological individualism ? », Canadian Journal of Psychology, n° 4-2, 1991, pp 148-168
  8. Michel Jouvet, Le Sommeil et les rêves, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 187
  9. Hayat Michaël, « L’enracinement biologique de la pensée : de Diderot aux sciences contemporaines », Le Philosophoire 3/2003 (n° 21) , p. 41-64 URL : cairn.info/revue-le-philosophoire-2003-3-page-41.htm. DOI : 10.3917/phoir.021.0041.
  10. Meerlo P, Mistlberger R, Jacobs B, Heller H, McGinty D. New neurons in the adult brain: The role of sleep and the consequences of sleep loss. Sleep Med Rev. 2009;13:187–194. [PMC free article] [PubMed]
  11. Françoise Parot, « De la neurophysiologie du sommeil paradoxal à la neurophysiologie du rêve », Sociétés & Représentations 1/2007 (n° 23) , p. 195-212 URL : cairn.info/revue-societes-et-representations-2007-1-page-195.htm. DOI : 10.3917/sr.023.0195.
  12. Françoise Parot auteur aussi : de L’Homme qui rêve (Paris, PuF, 1995), Cent mots pour comprendre le rêve (Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1995), elle a dirigé Du rêve au sommeil paradoxal (Lausanne, Delachaux et Niestlé, 2001)

Dossier L’agressivité Article 1 : « J’existe donc je suis agressif »

man-921004_1920Un grand philosophe a dit : « j’existe donc je suis »… Mais comment sait-on que l’on existe ? On peut trouver une réponse tout simple : la peur. La peur est l’un des éléments naturels de l’existence, mais pourquoi ? la peur c’est  de l’angoisse, l’angoisse c’est la perception d’un danger, d’une menace, mais n’est-ce que cela ? A partir de là nous pourrions dire à la suite de Pierre DACO : « j’existe donc je suis agressif« .

 

Tous les biens pensants vont dire « mais vous dites n’importe quoi, il y a des gens qui sont vraiment agressifs…puis moi, monsieur, moi, je ne suis pas agressif. D’ailleurs je suis toujours poli, bien comme il faut… »

 

Cela voudrait dire qu’il existe plusieurs formes d’agressivité, l’une que l’on pourrait dire normale et chat-agressif-main-12477267une autre qui serait pathologique ou anormale. Pour expliquer cela, reprenons l’exemple de Pierre DACO « j’existe donc je suis agressif ». Selon le Larousse être agressif c’est : « Qui est naturellement porté à attaquer « . Vous êtes-vous déjà demandés si le pot de confiture voulait être ouvert ? Non bien sur, vous êtes naturellement porté à attaquer le pot pour l’ouvrir. Vous imposez à l’objet votre volonté.

 

Il nous faut donc ici expliquer les comportements agressifs, nous remontrons, alors, à leurs sources, on parlera de prédisposition.

 

Les différentes sources qui prédisposent aux comportements agressifs

 

Il faut comprendre que la « violence » est une disposition, interne, naturelle, inhérente à chaque espèce animale dans le monde, l’Homme ne fait donc pas exception. Ce qui veut dire que l’on peut
retrouver des comportements agressifs dès la plus tendre enfance. Chez le nourrisson, par exemple, on peut retrouver des comportements considérés comme une forme d’agressivité et cela avant l’âge de 2 mois. Tous les parents ont pu remarquer que le bébé pouvait adopter un certain comportement face à la frustration, comme les cris, ou, certaines expressions faciales. Les manifestations physiques de l’agressivité n’apparaitront que vers 6 ou 12 mois le temps que le tonus musculaire puisse se développer.pourquoi-bébé-pleure

 

A cet âge ce n’est pas de la méchanceté (avant 2 ans/3ans), c’est le moyen du nourrisson pour exprimer son mécontentement. C’est une stratégie, dite naturelle, pour obtenir ce qu’il veut. D’ailleurs le bébé continuera d’employer celle-ci tant qu’elle marchera et qu’elle ne sera pas associée à des conséquences néfastes pour lui (réprobation du porteur de soin).

 

L’héritage de l’espèce

 

Certains comportements sont donc préformés en nous, tout autant que le chat a un instinct pour la chasse, l’homme en a un pour s’exprimer, ces comportements ne nécessitent aucun apprentissage :

  • pleurer pour exprimer la faim
  • demander un câlin quand on a mal
  • s’emparer d’un objet convoité.

Il faut savoir que, face à la vie, nous ne sommes pas tous égaux. Le ressenti de la douleur est un bon exemple pour comprendre cela. Ce qui va être douloureux pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre. Pour ce qui est du caractère agressif de chacun, il en va de même.  Il y aura aussi une variation entre les individus face aux méthodes de réponses.

 

4 facteurs qui différencient les individus :

  1. le sexe: Il faut savoir que les garçons sont, de base, plus agressifs que les filles, bien qu’avant 3 ans il n’y ait pas de différence majeure. C’est après 3/4 ans que les filles utiliseront des formes indirectes de violence pour s’exprimer.
  2. l’environnement : Malheureusement, qu’on le veuille ou pas, le milieu socio-économique joue un grand rôle dans l’évolution des enfants. Leur permettre de baigner dans un monde de mots, plutôt que d’images, favorisera leurs capacités pro-sociales. Par ailleurs les familles dites « violentes » peuvent laisser croire aux enfants que c’est un moyen efficace pour obtenir ce qu’ils veulent, ou, pour gérer les émotions et sensations. Le comportement agressif d’un parent renforce donc celui de l’enfant.
  3. l’environnement intra-utérin : on ne le dit peut être pas suffisamment, mais, c’est pendant la gestation que le cerveau se construit. Une altération de la chimie de la mère aura des conséquences sur celle de l’enfant et sur la formation de son cerveau. Un lien a été mis à jour ces dernières années entre tabac, alcool et drogue,  et, le comportement agressif des enfants.
  4. le tempérament : Comme nous l’avons déjà dit chacun d’entre nous possède un tempérament ou une personnalité, qui s’exprimera très tôt. Certains enfants crient très rapidement quand ils sont face à quelque chose d’angoissant, de frustrant… un rapport a été élaboré entre le comportement du nourrisson et celui de l’adulte. Un nourrisson avec un fort tempérament a plus de risques d’avoir un comportement agressif plus tard.

 


NB : Il est très important de comprendre que la relation parent/enfant est réciproque. Le parent a un impact sur l’enfant, mais, l’enfant a, indubitablement, un impact sur le parent. Ce qui annule l’idée que l’on est pareil face à chacun de nos enfants, ou qu’on leur donne exactement la même chose.


 

L’évolution des comportements agressifs

 

Nous venons d’établir que l’agressivité, jusqu’à 3 ans était normale, ce qui veut dire que les jeux de bagarre sont normaux aussi. Il faut donc que les parents et les éducateurs, apprennent à comprendre l’importance de l’expression de l’agressivité chez les bébés.

 

L’agressivité augmentera avec l’âge, graduellement jusqu’à l’âge de 2 ans. Un nourrisson criera alors qu’un bébé de 6 à 12 mois peut commencer à prendre des objets, les jeter, les taper par terre ou contre d’autres éléments. Il fait l’expérience de sa force, mais aussi de la résistance du monde à son agressivité. C’est pendant la période entre 3 et 4 ans que beaucoup de choses vont se jouer. Notamment l’apprentissage d’une expression anormale de l’agressivité ou, à l’inverse des comportements pro-sociaux qui lui permettront de se soustraire à la violence.

 

De 3 à 12 ans

 

colereIl faut environ 4 à 5 ans pour que le cerveau termine de se construire. Si les enfants se dominent mieux après cette période, c’est parce que les zones, nécessaires à la maitrise, ont terminé de se développer. Le cortex frontal, est la zone qui s’occupe des émotions, comme les réactions agressives, par exemple.

Pendant cette période l’enfant va développer de nouvelles aptitudes comme :

  1. le langage qui repose sur les capacités à déchiffrer ce que dit l’autre, ensuite à s’exprimer et, réussir à se faire comprendre. Il faut donc reprendre l’enfant sur sa manière de parler, quand il se trompe, pour ne pas le laisser baigner dans une erreur qui aura des répercussions hors du milieu familial. Il faut savoir que plus l’enfant pourra s’exprimer, moins il utilisera la violence. Le mot met de la distance entre soi et, ce qui nous angoisse, nous frustre, nous met en colère.Une notion ésotérique, qui est très juste, c’est l’idée que l’on possède un pouvoir sur une chose que l’on peut nommer.
  2. Jouer à se battre, comme nous l’avons déjà dit permet beaucoup de choses à l’enfant. Comme comprendre qu’il n’est pas tout-puissant et que s’il fait mal à quelqu’un, l’autre pourra lui faire mal en retour. Le monde ne va pas que dans un sens. A ce moment-là il devra apprendre à se contenir, et le parent devra l’y aider. L’enfant apprendra du même coup à faire semblant ou à encore à faire la distinction entre ce qu’il accepte ou non.
  3. De tout cela découlent l’apprentissage du « compromis » et le « respect des règles« 

 


NB : Les enfants de 4 à 5 ans qui persistent dans les réponses agressives, verbales et physiques, de manière systématique pour gérer tous conflits ou situations complexes, peuvent avoir besoin d’un professionnel. Avant l’entrée à l’école primaire chaque enfant devrait gérer sa colère.


 

Le développement des habiletés sociales chez l’enfant ou comment sortir des comportements agressifs

 

C’est la période où l’enfant apprend à communiquer et à jouer. C’est une période charnière, comme beaucoup d’autres, où l’enfant avec le soutien (verbal et par le regard) du parent, va pouvoir appréhender le monde. Un monde, il faut le comprendre ici, qui est aussi bien interne qu’externe. Parce que nous avons une part d’agressivité, qui est tapie en chacun de nous. Et une part qui est une réponse vis-à-vis de ce que l’on interprète comme une agression de l’extérieur.

 

Bibliographie :

  • Belsky J, Jaffee SR. The multiple determinants of parenting. In: Cicchetti D, Cohen DJ, eds. Developmental Psychopathology, Vol 3: Risk, Disorder, and Adaptation (2nd Ed.). Hoboken, NJ: John Wiley & Sons, Inc; 2006:38-85.
  • Deco P. Les triomphes de la psychanalyse. Belgique : Éditions Marabout service; 1977.
  • Gervais J, Tremblay RE. L’agressivité des jeunes enfants: Guide interactif pour observer, comprendre et intervenir. Réalisé par : Jean-Pierre Maher. Bientôt disponible, ONF-2008: www.onf.ca.
  • Kagan J, Fox N. Biology, culture, and temperamental biases. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons Inc.; 2006.
  • Tremblay RE. Prévenir la violence dès la petite enfance. Paris: Éditions Odile Jacob; 2008.
  • Tremblay RE, Nagin DS. The developmental origins of physical aggression in humans. In: Tremblay RE, Hartup WH, Archer J, eds. Developmental origins of aggression. New York: Guilford Press; 2005.
  • Tremblay RE, Japel C, Pérusse D, et al. The search for the age of “onset” of physical aggression: Rousseau and Bandura revisited. Criminal Behavior and Mental Health. 1999;9(1):8-23.

Pour aller plus loin sur la question du deuil…

Le travail du vieillir

Nous avons parlé de deuil interne, celui de vieillir est un des deuils les plus particuliers. Puisqu’il n’y a, à notre connaissance, que l’Homme qui passe par cette phase de deuil. Il n’y a que lui qui a la conscience de sa mortalité. Ce travail a trait au deuil du moi[1], avec l’approche de la mort. Tout au long de la vie, à différentes périodes, on prend conscience de notre vieillissement. C’est pour cela que l’on a une tendance à vouloir faire des bilans. Bilan d’ailleurs qui nous poussent à nous remettre en question. Pour la culture G, il faut savoir qu’à partir d’un âge certain, le bilan ne se fait plus en comparaison avec les autres, mais avec soi-même. Nous avons tendance à nous comparer à nous-même plus jeune.

Ce qui ressort de tout cela, c’est la peur de ne pas avoir fait ce qu’il fallait ou de ne pas avoir accompli ce qu’il faudrait. La peur, de la mort et du vieillissement, nous ramène inexorablement à nous-même. La peur dans un tel cas peut nous aider à avancer, voir nous faire avancer. Il n’est plus temps de faire attention à ce que pense les autres : « je fais ce qu’il me plaît… ». C’est l’une des explications du « démon de midi » ou des « coming out » tardifs.

Malgré la réalité, il semble parfois plus difficile de faire son deuil de la vie quand on vieillit. Il nous faudra, à tous, passer par l’inévitable remise en question de notre identité sociale qui s’accompagnera d’un abandon tout relatif de celle-ci (et du narcissisme investi). Il nous faudra aussi réaliser un désinvestissement relatif, c’est-à-dire l’acceptation anticipée de la disparition de certaines jouissances, renoncement à une part du narcissisme (ou soi grandiose), mais la vie demeure. Cela veut dire qu’il faut parfois abandonner l’idée d’être champion olympique du 100m à 55 ans.
 

Différentes périodes de la vie, différentes expressions 

 
Vers 40-50 ans il n’est pas rare de voir les gens courir après des symboles de jeunesse, chercher à faire jeune, dire qu’ils sont jeunes. Chercher à être à la mode, sans comprendre pourquoi ils ont tant besoin d’être jeunes.C’est un combat pour nier ou dénier une réalité inébranlable, le temps

passe.

Vers 80 ans, les personnes âgées commencent à avoir du mal à dormir… elles refusent à ce moment-là la petite mort que représente le sommeil. Il n’est pas rare de les entendre se plaindre de vouloir dormir, mais de ne pas être fatigué. Et quand vous les questionnez, certains rapidement vous diront avec une grande ambivalence qu’elles/ils n’ont pas peur de mourir…

 
 

Le deuil est la capacité de mentaliser[2] le manque ?

 
Nous l’avons dit le deuil c’est une perte indubitable. Il va falloir composer avec le manque, ou l’absence. Ce qui veut dire que notre rapport à cette composante est donc essentiel. Il nous faut avoir réussi à composer avec le manque, avec l’impuissance à garder pour pouvoir lâcher prise et abandonner. Pour pouvoir faire avec l’inévitable, peut-être d’une certaine manière c’est faire avec le réel ou la réalité (je ne sais jamais).

Pour certains psychologues cela a directement à voir avec ce qui est appelé le deuil « originaire ». La réapparition de la perte, c’est aussi la réapparition du schéma qui a été intégrée par la personne. Le premier deuil ou séparation c’est d’avec le sein de la mère, c’est donc le sevrage. C’est le moment où l’enfant se sépare d’avec sa mère (ou substitut) pour devenir un être entier (voir explication dans addiction & dépendance).

 

La question que l’on peut se poser ici, est :

 
comment fait-on pour bien se séparer de sa mère ou de son enfant ? Par le mot.

C’est une réponse qui paraît étrange, mais pourtant pleine de sens. En psychanalyse, Lacan disait « parlêtre », parler c’est être et être c’est parler. Dire, verbaliser la séparation, et, ce que cela nous fait ressentir et ce que cela peut faire ressentir aux autres. Quand il y a séparation d’avec le bébé, les mots peuvent apaiser le chagrin. D’ailleurs même adulte on le voit, mettre le bon mot aux bons endroits nous fait réagir. Mais à la différence de l’adulte, le bébé ou l’enfant a besoin des mots de sa mère (ou du substitut ou du père… le terme mère ici est utilisé comme générique). Elle doit faire correctement le relais entre lui et le monde, monde qui peut être aussi bien interne qu’externe.

 
Peut-on aider quelqu’un à faire son deuil ?

 
D’une certaine manière ici, il faut éviter de faire comme avec l’enfant. Alors qu’avec son enfant il faut mettre les mots, avec un endeuillé, il ne faut rien dire. Il faut être présent, comme une montagne, prêt à supporter les raz-de-marée, des hurlements, les tempêtes de pleurs, l’orage de mots… ou parfois pire l’absence de mot, le silence… Il faut être présent à l’autre et pour l’autre. Il ne faut pas être dans la compassion mais, dans l’empathie, reconnaître l’émotion de l’autre. La compassion c’est ce qui permet d’éteindre le feu. Et dans le deuil le feu doit s’éteindre de lui-même.

Cette reconnaissance peut nous submerger, peut nous atteindre, elle peut nous faire peur, il ne faut pas fuir. Il faudra être prêt à contenir cette souffrance qui est la sienne et lui retransmettre. Parce que parfois, pour chacun d’entre nous, il est dur de faire face à notre propre tristesse, ou nos émotions. Il peut nous être difficile de reconnaître notre souffrance.

Pour chacun d’entre nous le deuil est différent, les émotions ne seront pas traitées de la même manière et le temps que cela prendra sera aussi différent. Mais attention l’absence de communication ne veut pas dire qu’il a été fait ou qu’il n’y a pas de deuil. C’est en cela qu’il faut être présent, qui faut prendre du temps pour l’autre.
 

Essayez d’être juste là…

 

Bibliographie et note de bas de page :

[1] Le Moi, est un des trois concepts qui caractérise la personnalité, il est construit à partir du vécu. Il est à la fois le locus de l’identité personnelle mais aussi du contrôle de notre comportement, du rapport aux autres et de notre capacité à nous confronter à la réalité extérieur.

[2] Guignard Florence, « Le couple mentalisation / démentalisation, un « concept de troisième type » », Revue française de psychosomatique, 2001/2 no 20, p.115-135.

Aries, P. 1977. L’homme devant la mort, Paris, Le Seuil, 641 p.

Patrick Legros, Carine Herbé,  La mort au quotidien, Toulouse, ERES, « Sociologie de l’imaginaire et du quotidien », 2006, 158 pages. 

Développement de la pensée chez l’enfant

Devinette :

  • Jean est plus grand que Philippe, Philippe est plus grand que Thibaud
  • question : est-ce que Jean est plus grand que Thibaud ?
  • question 2 : est-ce que Jean, qui est plus grand que Philippe, est plus vieux que lui ? (posez la question à un enfant de 3, 6 et 9 ans)

Comment se construit la réflexion ou plus simplement notre manière de penser ?

origami-214885_1920La pensée est une construction entre ce que l’on est et, ce avec quoi l’on va être en interaction. D’une certaine manière, la différence entre l’enfant et l’adulte proviendrait simplement de  l’expérience que l’on acquière jour après jour. Tout serait donc une question de développement dans le temps.

« la connaissance est une action sur les objets, c’est une interaction avec l’objet. La connaissance est une affaire de continuelles constructions nouvelles par interaction avec le réel, il y a créativité. La connaissance n’est ni dans le sujet ni dans l’objet, la connaissance n’est donc pas une copie, mais une assimilation, une interprétation par intégration de l’objet dans des structures antérieures des objets. L’étude du dessin de l’enfant, copie d’un modèle, il ne dessine pas ce qu’il voit mais son interprétation, il dessine l’idée qu’il s’en fait » (Piaget).

Il faut à l’enfant tout construire, même les choses les plus évidentes pour vous. Ce qui veut dire que rien n’est naturel. Par exemple avant un certain âge, l’enfant nie ce que l’on appelle la permanence de l’objet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Un changement même minime changera l’objet lui même, ce n’est plus le même objet mais un autre. rappelez vous la devinette du début, un enfant de 3 ans, ne pourra pas garder en lui l’idée que Jean est plus grand que Philippe et que Philippe est plus grand que Thibaud, du coup que Jean est plus grand que Thibaud. Plus encore, la pensée d’un enfant de cet âge est intuitive. Cela veut dire qu’il n’établira pas de lien logique entre les choses. Par exemple il fera un raccourci étrange entre l’idée de grand et de vieux : « Si le monsieur est plus grand, il est plus vieux ». Vous êtes vous déjà demandé pourquoi il a cette logique ? Combien de fois lui avez vous dit :  » C’est normal il est plus grand (et plus vieux) que toi donc il a le droit ?« . Traduction je suis petit, donc plus jeune, quand je serai plus grand donc plus vieux je pourrai faire cela, et souvent ce « cela » c’est l’idée d’être libre.

 

 

Seule l’expérience répétée en interaction avec le monde va lui permettre d’assimiler ce monde. Les objets resteront solides, et même, s’il ne les voit plus, ils peuvent continuer d’exister. Pourquoi dit-portrait-317041_1920on cela ? Je préconise souvent aux parents de jouer à « coucou le voilà » ou à « cache-cache ». Avant 4 ou 6 ans, les enfants se cachent de manière très simple, souvent derrière leurs mains. L’enfant pense à ce moment, de manière égocentrique, que comme il ne vous voit plus, vous, non plus, ne le voyez plus. Nous en arrivons donc, ici, à ce que l’on appelle, en psychologie du développement l’égocentrisme intellectuel. Cet égocentrisme est un stade naturel du développement chez l’enfant. L’enfant, pendant cette période, va penser que tout ce qu’il sait, les autres le savent aussi. Cela n’a donc rien à voir avec de l’égoïsme. Et c’est, au fur et à mesure, qu’il jouera avec vous, l’enfant comprendra en partant de lui, qu’il ne disparait pas et, du coup, que vous, non plus, ne disparaissez pas. C’est le premier pas vers la permanence de l’objet. Vous, comme lui, devenez des entités solides, dans le temps et l’espace.

papa-bebe-miroir2L’enfant n’est donc pas une éponge qui asborbe tout, sans réflexion. Il lui faut être en interaction avec le monde. C’est dans cette interaction, dans ce que l’on nomme l’expérience, que l’enfant intériorise le monde. Et avec le temps, l’enfant va pouvoir faire évoluer sa compréhension du monde qui l’entoure. Cette évolution est le résultat de l’équilibre de ces différentes manières de penser et d’agir. C’est ce qu’en psychologie on appelle un : « schème ». Celui-ci se confronte à l’expérience quotidienne de l’enfant.  Il y a d’abord un déséquilibre entre ce que l’enfant pense et ce qu’il découvre. L’enfant a deux choix pour rééquilibrer sa manière de penser  :

  1. l’assimilation qui est une intégration et, qui lui permet donc de changer cette manière de penser.
  2. l’accommodation, le schème va devoir changer, il se transforme avec le temps et l’expérience.

L’enfant va donc devoir résoudre la contradiction entre ce qu’il pense et, ce qu’il apprend. Beaucoup de mécanismes entrent en jeu, ici, par exemple il faut que l’enfant soit suffisamment plastique (accommodant) pour accepter que sa réalité ne soit pas le réel. Cette plasticité provient du rapport que l’enfant  entretient  avec ses parents, et avant tout, de leurs plasticités à eux. Plus baby-623417_1920le rapport, entre vous, est dans une adaptation commune, plus l’enfant sera malléable au changement. Les enfants étant dans l’imitation, si vous êtes malléables, ils le seront aussi. Le changement ne sera pas une crainte ou synonyme de danger pour eux. Plus tard et pour d’autres raisons, ce sera aussi un mouvement ou il devra accepter de ne pas être tout-puissant, et donc, de ne pas tout savoir. Pour ce faire, il faut que l’enfant puisse avoir assimilé et s’être accommodé de beaucoup d’informations au fil du temps. Souvent des parents viennent me voir, et me disent :  » il croit tout savoir »… Pourquoi ces enfants ne sont pas capables d’altérer leur réalité ? Tout revient, le plus souvent, à une question de repères et de limites dans le temps et l’espace, et, de la manière dont celles-ci ont été posées, mais cela c’est pour un autre article.

bibliographie

  • Astington J.W., Comment les enfants découvrent la pensée. La théorie de l’esprit chez l’enfant, Retz, 1999.
  • Astington JW, Dack LA. Theory of mind. In: Haith MM, Benson JB, eds. Encyclopedia of infant and early childhood development. Vol 3. San Diego, CA: Academic Press; 2008: 343-356.
  • Milligan KV, Astington JW, Dack LA. Language and theory of mind: Meta-analysis of the relation between language and false-belief understanding. Child Development 2007;78(2):622-646.
  • Nader-Grosbois Nathalie, « Glossaire »,  La théorie de l’esprit, Bruxelles, De Boeck Supérieur, «Questions de personne», 2011, 484 pages , URL : www.cairn.info/la-theorie-de-l-esprit–9782804163235-page-397.htm. DOI : 10.3917/dbu.nader.2011.01.0397.
  • O. Houdé, La Psychologie de l’enfant, 2e éd., Puf, « Que sais-je ? », 2005.

 

 

le traumatisme quel est-il ?

A la base de mes recherches, il y a une question qu’un de mes professeurs m’avait posée au tout début de mes études de psychologie : « êtes-vous intéressé par le traumatisme ? ». Pour toute réponse, je n’avais alors pu fournir qu’un « non » solennel, étant intimement persuadé que ce n’était pas pour les questions de traumatisme que je m’étais orienté en psychologie. Mais alors pourquoi ?traumatisme-membre-fiche-18

A ce moment là, j’étais encore loin de me douter de ce qu’était le champ du traumatisme. Au départ, l’état de mes connaissances dans le domaine de la psychologie ou encore de la psychanalyse était de l’ordre du néant, s’approchant du point zéro. Et c’est en faisant des recherches pour construire un sujet de mémoire justement sur le traumatisme que j’ai découvert son si large champ. Si l’on ne s’arrête pas à son sens premier, utilisé à tort et à travers dans les médias, alors un monde aussi large qu’humain nous ouvre ses portes.
 

Nous pouvons trouver la définition par Laplanche et Pontalis (2007) comme un « évènement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans l’organisation psychique. En terme économique, le traumatisme se caractérise par un afflux d’excitation qui est excessif, relativement à la tolérance du sujet et à sa capacité de maitriser et d’élaborer psychiquement ces excitations » .
 
Pour mieux comprendre cette question du traumatisme il nous semble utile de la reprendre detraumatisme manière chronologique, en commençant par Freud. La question du traumatisme comme nous le présente dans son article Thierry Bokanowski , chez Freud, est découpée en deux périodes, l’une de 1885 à 1905 environ, où celui-ci établit le modèle « princeps de l’action du traumatisme ». Il nous dit que le traumatisme se réfère avant tout, au sexuel, et donc à sa théorie de la séduction. Mais peut-être plus exactement à l’idée « d’impressions éprouvées dans la petite enfance, puis oubliées… ». Nous sommes ici, dans une idée d’un modèle pour Freud en deux temps avec une question d’après coup . Pourtant cette période, pour Freud, n’est pas des plus simples. Il se voit obliger de remettre en question en 1887, cette modélisation et abandonne le principe de la Neurotica. Puisque la problématique paternelle, est le fait de devoir accuser dans chaque cas, le persévéré impossible. Mais c’est pourtant cette problématique qui va amener Freud à la découverte de l’importance du fantasme, puisque chez le patient il n’y avait pas de preuve tangible d’indice de réalité, ce qui faisait qu’il était impossible pour le patient de distinguer entre réalité et « fiction investie d’affect ».

 

L’autre période de Freud, se déroule de 1905 à 1920, cette période lui permet de retracer le parcours du développement sexuel chez l’enfant, mais aussi de s’appuyer et de s’ancrer dans la théorie de la libido (ancrage qui selon Paul Denis, vaut le fait pour Freud d’abandonner son questionnement sur la pulsion d’emprise, ou tout au moins de le mettre de coté, nous essaierons nous d’y revenir par la suite.). Le traumatisme serait donc en  » rapport avec la force pressante des pulsions sexuelles et la lutte que leurs livre le Moi ; tous les conflits et tous les traumatismes sont envisagés par référence aux fantasmes inconscients et à la réalité psychique interne ».

Pourtant selon le travail de Thierry Bokanowski (2002/3), où il retrace la question du traumatisme, traumail faudrait prendre en compte en réalité trois niveaux différents : le traumatisme, le traumatique mais aussi et surtout pour ce qui nous concerne peut-être le plus, le trauma. Dans la conceptualisation du traumatisme, il pose l’idée reprise de Freud qu’il faille considérer deux paramètres théoriques : Le premier où pour lui le traumatisme semble « être un agent de déliaison pulsionnelle » et, le second où les « séquelles laissées constituent et agissent comme une source pulsionnelle secondaire ».

La question du traumatisme soulève un problème, parce qu’il y a des états où il reste pourtant une partie, qui permet encore la possibilité de mentaliser, par là on entend l’éventualité de la symbolisation, et donc de pouvoir le surmonter. Alors que dans l’idée du traumatique, d’après le principe économique tel que nous l’avons présenté, ne lui permet pas une symbolisation complète.
Ce dernier reprend donc l’idée du trauma, vu comme une « atteinte précoce du Moi » sous forme de « blessure d’ordre narcissique » ; ces traumas (qui concernent les empreintes de l’objet, ou l’action de l’environnement et qui peuvent survenir avant l’établissement du langage) viennent perturber et renforcer les premiers opérateurs défensifs tels le déni, le clivage, la projection (l’identification projective), l’idéalisation, l’omnipotence, etc. Ils peuvent organiser des « zones psychiques mortes ».

 

Il faut pourtant noter, pour S. Ferenczi, tout semble en aller autrement, ou plutôt cela n’est pas complet. L’action défaillante du pare-excitant ne permettant pas à l’enfant de gérer la surexcitation, prendrait la forme « d’un viol psychique ». Le rôle de contenant n’étant pas assuré, l’enfant serait débordé. Cela aurait pour conséquence de déchirer le Moi. Pour Ferenczi « le trauma doit être considéré comme résultant d’une absence de réponse de l’objet face à une situation de détresse » . Cela aura trois conséquences majeures sur le Moi et la personnalité du sujet : sa mutilation (de l’instance), « le maintien de la souffrance en relation à l’intériorisation d’un objet primaire défaillant », mais aussi et surtout entrainera une sensation de détresse primaire qui perdurera pendant toute la vie du sujet et se réactivera à la moindre occasion.

 

Cette idée peut nous renvoyer au mécanisme de défense, de l’identification et plus exactement à la question de l’identification de l’agresseur, mécanisme présenté par Anna Freud (1936). L’identification est un principe d’assimilation inconsciente d’un aspect de l’autre, par plaisir ou angoisse. Cela a pour effet une transformation (totale ou partielle), sur le modèle de l’autre, auquel on choisit de s’identifier. Il est à noter aussi que l’identification peut être perçue comme la forme la plus primitive du lien affectif à l’objet. Dans le cas de l’identification à l’agresseur, laconfused-880735_1920 personne sujette au danger, va s’identifier à l’agresseur. Cette identification peut se faire selon trois modalités, « soit en reprenant à son compte l’agression telle quelle, soit en imitant physiquement ou moralement l’agresseur, ou bien encore en adoptant certains symboles de puissance qui le caractérisent. ». Le terme ne paraît pas dans les écrits de Freud, cependant celui-ci en a discuté et propose l’idée que cela peut devenir pathologique, s’il y a « confusion des sentiments ». Cela sous-entend qu’elle porterait non plus sur le lien ou la relation d’hostilité mais sur des relations d’amour. Selon l’explication de Laplanche et Pontalis, cela prendrait une part importante quand le concept vient « s’articuler à ce qu’il est classique de désigner comme identification au rival dans la situation œdipienne… les observations rapportées situent généralement ce mécanisme dans le cadre d’une relation non pas triangulaire mais duelle »
Voilà en quelques lignes, ce que l’on a pu découvrir sur un point essentiel de l’existence du « traumatique », et qui pourra nous aider à avancer dans la poursuite de notre propre parcours de mentalisation.

Une autre question est née du regard que l’on peut porter sur cette société : et si elle était aussi devenue traumatogène, pour nous, ses contemporains ?

 

Bibliographie
 
• Bokanowski T., « Traumatisme, traumatique, trauma », Revue française de psychanalyse, 2002/3 Vol. 66, p. 745-757.
• FERENCZI, Sándor « Réflexions sur le traumatisme » (1931-32), Op.cit.pp. 139-147.
• Freud S. (1908 c), Les théories sexuelles infantiles, La vie sexuelle, trad. fr. J.-B. Pontalis, Paris, PUF, 1969
• Freud S. (1912), Pour introduire le narcissisme, La vie sexuelle, trad. fr. J.-B. Pontalis, Paris, PUF, 1969, p. 81
• Freud S., « Au- delà du principe de plaisir » (1920g), dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1973
• Laplanche, J. & Pontalis, J.-B. (2007). Vocabulaire de psychanalyse (5th ed.). Paris : Puf

Rapide coup d’oeil sur l’anxiété

9MdfCCaK-istock-000002819036xsmall-180px-Selon P. Janet, l’anxiété est une peur sans objet ou plus précisément sans objet que l’on pourrait dire réel. Cependant, on retrouve dans la littérature une multiplicité de termes pour parler de l’état anxieux :

  • l’anxiété,
  • l’angoisse,
  • la peur
  • ou bien encore la phobie
  • ou la panique.

 

Ces différents termes, bien que voulant refléter la réalité d’un état, ne semblent pas correspondre tout à fait à la première définition, quand on les prend dans l’ordre :

 

  • L’angoisse qui est le terme le plus ancien, il reste le meilleur rapport pour désigner la dimension anxieuse du corporel. Le plus souvent il est décrit comme un phénomène aigu.
  • Pour la phobie, il y a bien un objet réel, auquel se rattache l’état d’anxiété.

 

L-anxiete-generalisee-comment-la-reconnaitre-et-la-soigner_imagePanoramique647_286L’anxiété est née à la fin 19ème siècle, pouvant être décrite comme «un état diffus d’inquiétude, avec de fréquents accès plus ou moins marqués qui correspondent à des focalisations de l’inquiétude dans le temps et dans l’espace… ». Aujourd’hui, l’anxiété induit l’ensemble des manifestations physiques et psychiques. Elle jouerait un rôle dit fondamental dans le développement psychologique. Elle peut être dite d’un état pathologique qui traduit une souffrance psychique, des troubles ou maladies qui possèdent certaines caractéristiques.

 

L’anxiété deviendrait pathologique, quand l’inquiétude évoluerait de manière envahissante. Le sujet serait dans un état dit de « détresse ». Il y aurait différentes réponses comportementales à cet état, soit :

  • l’évitement,
  • le retrait,
  • l’agitation,
  • la dépendance…

 

Résumé

Pour bon nombre d’auteurs, il semble important de faire la différence entre la peur et l’anxiété,9MdfCCaK-istock-000002819036xsmall-180px- ou encore entre l’angoisse et l’anxiété. Ces deux états sont diffèrents dans l’idée même de ce qui la provoque. Alors que pour la peur, il y a clairement un objet qui se rattache à l’état. Pour l’anxiété, il n’y a pas d’objet déterminé. L’objet dans le cas de l’anxiété «est simplement pressenti et redouté». Pour le dernier couple de notion selon Brissaud (1860), la différence se retrouve au niveau de la sensation, « l’angoisse est un trouble physique qui se traduit par une sensation de constriction, d’étouffement, l’anxiété est un trouble psychique qui se traduit par un sentiment d’insécurité indéfinissable »

Concept du soi

Le soi

 

miroirQu’est-ce que la conscience de soi et comment peut-on la définir ? Selon Brentano et Husserl (1900), Elle « peut être définie comme la conscience que l’individu a de lui-même ».
Pour comprendre l’idée du soi, il faut partir de l’idée d’être soi et donc de l’expression de l’identité.

 

Notion d’identité

 

Le concept d’identité n’est pas récent, en France, il remonte au XV ème siècle avec la création des premiers papiers d’identité. Il n’en reste pas moins un terme très utilisé aujourd’hui : identité culturelle, identité religieuse… Qu’est-ce qu’il veut véritablement dire ?

Selon Jean-Claude Kaufmann, il fournirait à l’individu la reconnaissance mais aussi le consentement et l’amour dont il aurait besoin pour se sentir exister en tant qu’individu à part entière.

Il représenterait le caractère invariable et fondamental de quelqu’un, on parle ici de ce qui fait l’individualité d’une personne. Pour ce faire, il s’organise autour de plusieurs dimensions. Ces dimensions n’ont pas toutes, la même importance pour son élaboration, et, évoluent avec l’âge. Le soi reposerait donc sur deux concepts prégnants : la conscience et la temporalité.

 

Le soi est à l’origine de différents mécanismes constitutifs de l’état d’être sujet. C’est à dire qu’il schéma estime de soireprésente aussi bien le fait d’être un sujet à part entière, et de se reconnaître comme tel. Cette perception ne peut s’acquérir qu’au contact de l’autre et de la communication interpersonnelle, puisqu’à la naissance nous n’avons aucune conscience de nous même. Pour atteindre la perception de notre soi, l’enfant passera par des attitudes d’imitation mais aussi d’identification de l’adulte, pour tester les comportements et en associer les réponses qu’il pourra prévoir dans le futur. Cela permettra à l’enfant d’accéder à la conscience d’un « je ». L’idée de conscience est reliée à une idée de hiérarchisation de ses différents niveaux, d’abord de soi-même, puis aussi de reconnaitre l’autre comme étant un sujet à son tour. Cela laisse à penser qu’il y a un processus dynamique aussi bien objectif que subjectif, qui s’établit sur les représentations de soi, et celles de l’autre. Ce qui nous amène à l’idée de la théorie de l’esprit.

 

La théorie de l’esprit

 

Premack et Woordruff en 1978, en se questionnant sur la capacité des chimpanzés à avoir accès à une représentation de soi et de l’autre, font naitre la théorie de l’esprit. C’est ce qui permettrait d’être capable de savoir, de concevoir mais aussi de déterminer, les états mentaux, d’un autre individu, en se prenant comme base de repère. Soit notre tendance à agir, en fonction de ce que nous pensons que l’autre attendrait de nous et non pas en fonction, de ce qu’il attendrait réellement de nous.

La théorie de l’esprit signifierait, qu’un individu serait capable d’attribuer « des états mentaux à lui-même et aux autres. Un tel système d’inférence de ce genre peut-être convenablement considéré comme une théorie, d’abord parce que tels états ne sont pas directement observables,  et ensuite, ce système peut être utilisé pour faire des prédictions, notamment sur le comportement des autres ». Selon J. Miermont (1997) « avoir conscience d’une représentation de soi-même et/ou d’autrui revient, dans la théorie de l’esprit, à connaitre une méta-représentation. Ceci suppose un circuit relationnel, impliquant une reconnaissance cognitive ou émotionnelle de soi-même et d’autrui actualisée dans l’échange »[1]. C’est à dire qu’il y a une capacité d’élaboration pour le sujet à intégrer et fonder des représentations mentales, de soi ou de l’autre. Et celles-ci ne peuvent se faire qu’à partir de capacité  cognitive.

 

Différenciation du soi

 

Il y aurait 6 stades de développement de l’enfance à l’âge adulte (vieillesse). Il y a une mise en place progressive de la capacité de se différencier de l’autre et de se considérer comme un individu à part entière. Cela impliquerait de faire la distinction entre les capacités intra personnelles et interpersonnelles, permettant de préserver l’autonomie (Bowen 1976-1978). Ce processus vise à sortir des premières années de la vie de l’état fusionnel d’avec la mère, à un état d’être individuel. Rappelons que l’enfant n’est pas en mesure de subvenir à ses propres besoins, ce sont les parents qui s’en chargent. C’est à partir de la communication d’abord dyadique avec le caregiver (celui qui donne les soins), comme nous l’avons présenté dans la question de l’attachement, que s’effectue les premières communications. Puis les cercles de communication s’élargiront, allant du père aux autres membres de la famille puis à la société : professeurs, camarades…

 

pedagogie-differenciee-fleC’est au travers de cette communication que pourra s’effectuer la mise en place du modèle d’identité du sujet. Ce modèle est dit dynamique puisqu’il est en liaison avec l’autre, mais aussi dans le temps. Cela laisse à supposer qu’il puisse se transformer ou s’altérer. La capacité du soi serait donc posé sur l’établissement mnésique des représentations, qui se diviserait en deux l’une sémantique et l’autre épisodique. Si l’on reprend la conception de la mémoire sémantique qui est la mémoire des connaissances définitives, nous pouvons inférer l’idée, qu’il y aurait donc une base du soi, dite stable et rigide dans le temps. Si l’on fait la même démarche pour la mémoire épisodique, celle-ci « permet de voyager mentalement dans le temps, c’est-à-dire revivre les expériences passées et se projeter dans le futur (au travers d’un état de conscience appelé la conscience autonoétique, voir Wheeler et al. 1997 ) »[2]. Cette dernière définition laisserait à penser une capacité du soi plus malléable, expliquant qu’il peut y avoir des changements et des modifications sans affecter le soi dans son intégralité. Cette idée en particulier ouvre de belles perspectives pour les psychothérapies.

 

Capacité d’autorégulation

 

Pour terminer sur cette notion de soi, il nous faut faire une escale au concept d’autorégulation qui stone-balanceest considérée comme un aspect distinct, de ce que l’on appelle, le tempérament humain. Et il peut être défini comme une capacité à moduler de manière active l’excitation et les émotions (Derryberry & Rothbart 1988).Pourtant face à certaines situations, comme il l’a été présenté auparavant (l’angoisse deviendrait importante), cette capacité d’autorégulation, pourrait donc se voir altérée (Bowen 1978). Face à des situations dites anxiogènes, le travail de différenciation ne pourrait donc plus s’effectuer normalement. Il y aurait donc ici un hyper ou hypo-fonctionnement de la régulation du soi.

 

bibliographie

 

Eustache Marie-Loup, « Mémoire et identité dans la phénoménologie d’Edmund Husserl : liens avec les conceptions des neurosciences cognitives », Revue de neuropsychologie 2/2010 (Volume 2) , p. 157-170
URL : www.cairn.info/revue-de-neuropsychologie-2010-2-page-157.htm.
DOI : 10.3917/rne.022.0157.

Eustache ML. Le concept de rétention chez E. Husserl : une mémoire constitutive aux sources de la mémoire de travail. Rev Neuropsychol 2009 ; 1 : 321-31.

Husserl E. Sur la phénoménologie de la conscience intime du temps, Partie B. 1893-1917. Traduction française par J.F. Pestureau. Grenoble : Éditions Jérôme Million, 2003.

[1] Miermont J. Pour une théorie de l’esprit, cognition, passion, communication. Résonnances 1997 ; 10-11 : 64-71.

[2] Martial Van der Linden « Une approche cognitive du fonctionnement de la mémoire épisodique et de la mémoire autobiographique », Cliniques méditerranéennes 1/2003 (no 67), p. 53-66. URL : www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2003-1-page-53.htm. DOI : 10.3917/cm.067.0053.

 

Je les aime pareil… Vraiment ?

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Souvent j’entends les parents dire :  » mais je les aime pareil, je ne comprends pas pourquoi ? » Peut-on vraiment aimer ces enfants de la même manière ? Et que veut dire cette phrase qui semble si anodine ?

Que dit un parent à l’enfant quand il lui dit qu’il est aimé comme son frère ou sa soeur ?

Nb : Pour expliquer l’idée, ici, nous prendrons un exemple inventé certes mais tiré de l’expérience que j’ai pu avoir en consultation parent/enfant. Attention c’est un exemple parmi tant d’autres, c’est une approche, et ce n’est pas la seule possible.

 

Vision du parent

 

Pour un parent, il est important de dire à ses enfants qu’il ne fait pas de distinction. Il n’en aime pas un plus que l’autre. Il ne fait pas de différence ni de préférence. Pour certains adultes, l’amour se sépare, il se divise ou encore, se rajoute. Mais c’est souvent à part égale. Tout le monde recevra à juste titre ce qui lui est dû.

Est-ce vraiment possible d’aimer plusieurs personnes de la même manière ? Et si l’éventualité existe, comment faire ? Prenons un exemple un peu extrapolé, si oui, la polygamie ne devrait pas tant poser de problèmes, et pourtant ce n’est pas le cas, dans le monde occidental, c’est moralement répréhensible et juridiquement interdit. Alors comment peut-on aimer également plusieurs personnes ?  Puis ces personnes sont-elles identiques ?

maman-enfantsEt si cette idée était un biais moral, dont l’on ne peut pas vraiment prendre conscience sous peine de se culpabiliser. Découvrir que l’on ne peut aimer nos enfants de la même manière, serait pour les parents, un crime moral dont l’esprit ne peut s’accommoder. Il y a bien évidemment des réponses à comment l’esprit s’arrange de ce biais, l’individualité est niée, les enfants sont pareils. les parents les réduisent à l’état de « même ». Jacques devient pareil qu’Henri, ce sont « mes enfants ». Ils deviennent pareils pour le bien de l’esprit. Puis quand on questionne les parents :

 

  • vous leurs faites autant de câlins à l’un comme à l’autre ?
  • Oui, oui…
  • vous êtes sûr ?
  • non pas vraiment, Jacques me demande plus qu’Henri, mais Henri n’en a pas besoin…
  • Vraiment ? comment pouvez-vous le savoir…

 

Comment un parent peut vraiment savoir quelle dose de câlins un enfant a besoin ? Certains répondent bien vite, « parce que je le sais, je le connais ». C’est évidemment pour un parent. Mais une fois en consultation les enfants s’ouvrent, parlent, et font montre de leurs différences. A ce moment là, les choses ne sont plus aussi évidentes, parce qu’à la base, déjà pas elles ne l’étaient pas. Ils ne veulent pas forcément le demander, et effectivement ils n’en veulent pas forcément. Par exemple la demande d’attention pour Henri est différente, moins fusionnelle ou tout simplement différente. Les parents, par souci d’égalité, ont eux même réduit les enfants à des égaux, à des semblables.


Nb: souvent en consultation, avec l’apparition d’un tiers, des questions qui semblent évidentes sont posées. Et des deux cotés, parents comme enfants, se rendent compte que rien n’est évident. Ou ce qu’il l’est l’un ne l’est pas pour l’autre… (l’autre ici c’est l’enfant)


En rendant les enfant égaux, les parents en oublient une règle simple, chaque enfant est différent. A partir de là, il est plus logique de comprendre que son mode de communication ou simplement d’interaction sera lui aussi distinct. Jacques demande beaucoup de proximité, de câlins. Henri, lui préfère les moments d’échange dans des activités ou il est avec un parent à la fois. Le contact physique ne lui est pas automatiquement nécessaire. Et ces parents se sont rendu compte qu’il n’en demande plus, et par conséquence, ils ne lui en donnent plus. Ils ont construit leur propre hypothèse sur la construction et la personnalité de leur enfant, sans vraiment lui demander ou réussir à le comprendre.

C’est l’un des messages que Dolto a essayé de transmettre : le parent agit sur l’enfant mais, l’enfant agit aussi sur le parent. La communication n’est pas unilatérale mais bilatérale, chacun impacte l’autre.

 

Vision de l’enfant

 

unknownReprenons l’exemple de Jacques et de Henri qui sont deux petits garçons que l’on peut dire imaginaires.

Jacques demande beaucoup de câlins et d’attention, il est demandeur. Alors qu’Henri lui est plus calme, plus silencieux. D’ailleurs ils ont, tout de suite, eu un caractère bien différent, et cela des les premiers mois. Jacques pleurait beaucoup alors qu’Henri non. Henri n’aimait pas le bruit alors que Jacques en avait besoin pour dormir… En somme des enfants différents.

Comment comprennent-ils cette phrase : « on vous aime pareil » ? L’un comme l’autre comprennent qu’ils sont semblables, qu’ils n’ont donc rien de spécial, d’après les mots des parents.

 

Le premier enfant

 

Pour Jacques, qui est le premier, cela peut être très mal vécu. Souvent quand un deuxième bébé arrive l’enfant se demande ce qu’il a fait, et plus encore ce qu’il a fait de mal pour que les parents en fassent un second ? Plus l’enfant est jeune plus le raisonnement va être archaïque : en bon comme en mauvais, assez comme pas assez. Ex : Si les parents font un nouvel enfant c’est qu’il n’a pas été suffisamment… quoi ?

L’enfant trouvera quelque chose à mettre à la fin de cette phrase. Combien d’enfant nous demande en consultation de psychologie, pourquoi les parents ont « besoin » de faire un deuxième enfant. Cela vient souvent inscrire une faille dans l’image que l’enfant se fait de lui même. L’imperfection se tatoue dans leurs esprits, malgré toutes les explications bienveillantes que leurs apporteront les boy-830706_1920parents. Le premier perd donc ce qui le rendait spécial, et en plus, les parents eux même lui disent :  « nous vous aimerons pareil ». Comment est-ce possible, puisqu’ils ne peuvent pas concevoir cela ?   Expliquons nous : un enfant n’aime pas pareil ses parents. Dans un premier temps, il aimera toujours plus celui qui est le donneur d’affection, celui qu’il voit plus, celui qui est le plus présent. Donc, si lui ne peut aimer deux personnes de façon identique,  il ne peut pas concevoir que vous vous puissiez d’une certaine manière le faire.

Question : si votre femme ou votre mari vous dit cela comment réagissez vous ? « chéri(e) je vous aimerais pareil… avec mon amant ou ma maitresse…

Réponse : mal ,très mal, je suppose… alors pourquoi espérez vous qu’un enfant fasse autrement ? il ne peut pas… Et on le voit avec Jacques, il demande beaucoup d’affection, pour se rassurer, pour être rassurer. La peur peut s’apaiser, mais la marque elle restera. Pourquoi seriez vous différents de votre enfant ou vous de lui ?

 

Le second enfant

 

Pour Henri c’est différent, il a toujours connu Jacques son frère. Du coup il a toujours connu le partage des parents. Il a, d’ailleurs, intégré différemment le partage de l’attention. Puis il a compris que son frère avait besoin beaucoup de câlins. Mais contrairement à lui, il n’en demande pas. Il observe que l’autre en a, et pas lui. Pourquoi, ne le comprend-t-il pas ?

jalousie-familleUn observateur neutre pourra voir qu’il est difficile pour lui de s’exprimer, puisqu’à chaque fois qu’il le fait, Jacques vient et prend toute la place. Alors Henri a finalement arrêté rapidement de demander. Il a appris à jouer seul dans sa chambre, sans faire de bruit. Ces parent le félicitent de son comportement, Henri est content que ses parents le remarquent, mais il a un manque. Ce manque qu’on le veuille ou non, l’enfant y trouvera une ou des réponse(s) pour le combler parce que la nature n’aime pas le vide. Ex : Ce frère qui prend plus de place, le rend jaloux, ces parents ne l’aiment pas suffisamment, alors il fait encore plus d’efforts pour être calme, pour être encore plus félicité… Les choses empirent, les parents expliquent qu’ils aiment leurs enfants pareil. Mais rien n’est pareil, Jacques lui se conduit comme un bébé, Henri ne comprend pas, il grandit dans un biais de perception.
 

Discusion

 

the-mother-1505055_1920Cet exemple peut être inversé, et il n’est pas catégorique, il y a bien d’autres scénarios possibles. Mais présenté comme cela, il est plus facile de comprendre, que nos enfants ne sont pas pareils. Tout simplement parce qu’ils ne sont pas arrivés au même moment, et parce qu’ils ont des caractéristiques spécifiques.  Nous ne pouvons pas leur donner exactement la même chose, l’expérience étant déjà là, nous ne pouvons l’oublier. Cela veut dire que nos réactions avec le second seront forcément différentes d’avec le premier. L’éducation et l’amour ne seront pas exactement les mêmes, simplement parce que les enfants sont des êtres distincts. Alors que vous avez répété mille fois quelque chose à l’un il faudra qu’une fois à l’autre. Cela marque la différence, pour l’un, l’importance de cette chose sera flagrante, pour l’autre, non…

 

Proposition pour dire les choses autrement

 

Une fois un parent m’a dit :  » j’ai rajouté un nouvel amour pour aimer le second. Je ne pouvais pas partager « . C’est une jolie idée que celle-ci. Rajouter un nouvel amour, créer quelque chose à partir de rien, pour donner une nouvelle place à un nouvel être. Cette idée peut, peut-être permettre à l’enfant de se construire ses représentations différemment. Il pourra comparer comme il le veut, mais ça restera deux amours différents parce que deux personnes différentes. L’amour, lui, ne peut plus être comparé. Du coup, l’enfant reste à une place individuelle, à la sienne. Il n’a plus à s’inquiéter de l’amour qu’on lui porte. Et les parents eux mêmes, pourront percevoir leurs enfants comme différents… et de l’impact qu’ils ont sur eux…

Tout simplement, parce que nous avons tous tendance à oublier que, l’interaction est dualité…

 

Nous sommes tous pareils, mais pas comme vous le pensez !

Il est étrange, à chaque nouvelle consultation, de se rendre compte que l’on a oublié pour certains d’entre nous, qu’il était essentiel de se sentir unique. Etre unique aujourd’hui semble êtrepeas-580333_1920 le maître mot de la survie de tout un chacun. Pourquoi semble-t-il primordial dans la société occidentale d’être un être unique ? Pourquoi être différent est-t-il si important ?

Bon nombre de mes patients se défendent, se débattent avec le besoin d’être différents. Pourquoi ? Combien de fois, ai-je pu entendre « j’ai tout essayé avec moi ça ne marche pas ! » ou encore « Vous ne pouvez pas comprendre… » ou  » pourquoi voulez vous toujours tout ramener à ma mère/père… »

 

Quand on fait de longues études pour comprendre l’être humain et son âme, on peut oublier ce besoin d’être différent. Parfois il m’arrive même de penser et de dire que je ne ressens plus le besoin d’être différent des autres ou, d’avoir besoin que les autres soient différents de moi. Il nous arrive pour certains d’entre nosupport-990335_1920us, d’accepter un fait élémentaire de l’existence, nous appartenons tous à la même société et, c’est une donnée de base pour la compréhension de notre âme. Un fait capital pour comprendre, finalement, que nous sommes différents, c’est que nous  sommes tous semblables.

 

Cette idée, me semble-t-il, doit être d’abord critiquée pour que je puisse vous apporter une réponse sur ce que j’ai dis précédemment !

 

Dans un premier temps, il semble évident que nous sommes tous différents et, la science, notre nouveau dieu actuel nous a apporté la réponse. L’ADN est la preuve irréfutable, c’est la carte identitaire de l’affirmation biologique, comme quoi nous sommes, bel et bien, uniques. Il n’y a pas deux codes génétiques identiques. Enfin, pour l’instant, cela est un fait posé.

 

bienvenuejpg1601-c70d5Mais est-ce que cette donnée est suffisante pour démontrer que nous sommes uniques ? Est-ce une véritable affirmation pour dire que nous sommes tous différents ? Ne sommes-nous donc que le résultat de ce constat biologique ? Cette carte d’identité biologique est-elle la preuve véritable qu’il nous faut ? Si oui cela nous réduit tous à notre biologie. Chaque être sur terre pourrait donc être réduit à ce code. Bienvenus à GATTACA ! Que nous reste-t-il donc pour vivre ? Quel espace avons nous entre la réalisation d’un potentiel et la réalisation d’un avenir tracé dans le biologique ? Aucun !

Le piège, c’est, parfois, ce désir irréaliste de différences, il nous entraine dans des contrées dangereuses de l’âme. Un désir qui s’empare de nous et nous fait oublier la réalité. Cette réalité qui est dans tous les signes de tous les jours, qu’à force de voir, nous les avons relégués à des automatismes.

 

Dans la société occidentale, qui peut dire qu’il ne connait pas les contes de Perrault ou de Grimm ? Qui peut dire qu’il ne s’arrête pas au feu rouge ? ou qu’il n’est pas socialement correct de manger du chien ou du chat ? Qui peut dire qu’il ne sait pas qu’au moment de rencontrer quelqu’un, on doit dire « bonjour » et au moment de se quitter on doit dire « au revoir » ? N’avons nous pas finalement les mêmes codes ? N’avons nous pas, tous ou pour la plupart, été à l’école jusqu’à l’âge de 16 ans ? voulu passer le brevet, le bac ? perdre notre virginité ? N’avons nous, pour la plupart, pas tous, eu des parents ou des substituts (aimants ou non) ?

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Voilà une idée qui nous rend, d’un seul coup, un petit peu plus semblables les uns les autres ? Mais alors pourquoi tant de patients en consultation résistent ? Pourquoi avoir besoin de vous ( ou nous) défendre ? Bien évidemment que pendant mes années d’études, j’ai eu la réponse à cette question, et après, avec l’expérience du terrain. Mais à quoi cela me sert-il d’avoir cette réponse ? Non, plutôt à quoi vous sert-il que nous, psychologues, psychothérapeutes ou autres, ayons la réponse ?

Rappelons ces phrases essentielles que certains patients formulent :

  • Le patient : « je sais où vous voulez en venir »
  • Psy : » où ça ? »
  • Le patient :  » vous voulez que je parle de ma mère »
  • psy : « c’est vous qui le dites… »
  • Le patient :  » vous me manipulez »
  • psy : « à quoi cela me servirait-il de vous manipuler, quel serait mon but ? »
  • silence, plusieurs minutes…
  • Le patient : « à rien…je ne sais pas… »

L’ordinateur ne peut fonctionner seul, il faut une personne qui l’active, soit une personne qui a un but. Quand vous vous mettez devant votre écran, même si c’est pour passer le temps, vous vous y mettez avec le but de passer le temps. Maintenant disons que vous voulez utiliser un traitement de texte, pour écrire. Votre but sera d’écrire quelque chose, et pour cela, vous allez avoir besoin d’un logiciel. Ce logiciel vous l’avez déjà installé en amont, le jour où vous avez acheté l’ordinateur. Que vous vouliez écrire un roman, un article, une correspondance… que sais-je, vous allez toujours (ou la plupart du temps) utiliser le même logiciel, par exemple : Word  ? Et bien d’une certaine manière, l’être humain fonctionne pareillement. Expliquons-nous :

  • l’Homme qui allume l’ordinateur : c’est l’inconscient
  • le désir d’écrire : la pulsion
  • l’ordinateur : c’est votre esprit
  • le logiciel : les schèmes ou l’expérience que vous avez enregistrés en amont
  • ce que vous voulez écrire roman, article… : ce sont les nouvelles expériences que vous faites – nouvelles relations…

 

Pourquoi en psychologie nous avons cette tendance à vouloir remonter dans les profondeurs pour expliquer ce qui vous arrive aujourd’hui ? Tout simplement parce que vous êtes la somme de vos confused-880735_1920expériences passées. Ni plus ni moins, et je ne connais aucun être humain qui soit différent, aucun être humain qui peut échapper à cette règle. Disons que c’est une règle universelle, la société c’est avant tout une histoire de groupe et le premier groupe auquel nous sommes tous confrontés, c’est la famille. Et dans la famille le premier groupe c’est les parents.

 

Si cet article doit vous apporter une révélation, c’est que d’une certaine manière nous sommes tous semblables, mais pas de la manière dont vous vous l’imaginez. Qu’on le veuille ou pas, nous faisons tous partis d’une société et nous subissons de manière consciente et inconsciente ces règles, ces lois et donc son autorité

Dossier trouble du sommeil chez l’enfant : article 1

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La peur du noir qu’est-ce c’est ? Vous êtes vous déjà demandé ce qu’était vraiment la peur tout simplement avant celle du noir ? Et ensuite ce qu’était cette peur pour l’enfant ?

 

 

Selon le Larousse, la peur c’est :

  • Sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace (souvent dans avoir, faire peur) ; cette émotion éprouvée dans certaines situations : Trembler de peur.
  • Appréhension, crainte devant un danger, qui pousse à fuir ou à éviter cette situation : La peur du ridicule.
  • Crainte que quelque chose, considéré comme dangereux, pénible ou regrettable, se produise (surtout dans avoir peur) : Les médecins ont peur qu’il s’agisse d’une pneumonie.
  • Crainte du jugement, des réactions de quelqu’un, qui fait qu’on adapte son comportement, qu’on obéit à certaines consignes : Elle a plus peur de son grand frère que de son père.

La peur est un mécanisme de défense instinctif, c’est phénoménologique. Cela veut dire que c’est un mécanisme ancré dans nos gènes. Pour certains scientifiques, cela remonterait à l’origine de nos  ancêtres les plus lointains, où l’homme n’était pas le maitre du monde. La peur est donc un3075388569_1_5_BCil2xnA mécanisme de défense qui se met en place quand on pense avoir identifié un danger. Lorsque que la peur nous envahit, nous avons des automatismes physiques qui se mettent en place. Par exemple : accélération de la respiration et du coeur, tremblements, les muscles se tendent parce qu’ils se préparent à l’action, et l’attention s’aiguise. Tout cela se passe donc en premier lieu dans le cerveau  qui a 2 objectifs : mobiliser les ressources et évaluer la situation, deux objectifs pour deux zones différentes de notre cerveau :

  1. La première c’est celle que l’on appelle « thalamus » : est chargé de dispatcher les informations sensorielles.
  2.  Puis quand un danger est détecté par nos sens, un message est adressé par le thalamus à « l’agmidale ». C’est une réponse en oui /non. Si la réponse est oui, alors le corps se met en alerte. Cela se traduit par un mécanisme de défense appelé : combat/fuite. Différentes hormones du stress vont être produites pour faciliter nos réactions.

En même temps la nature du danger va être analysée, tout simplement parce qu’il faut savoir s’il faut maintenir l’état de vigilance ou revenir à un état dit normal ou calme.  Ce sont  2 autres parties du cerveau qui s’occupent de ce travail :

  1. « le cortex sensoriel » qui va attribuer un sens à ce que l’on a pu percevoir comme menace et
  2. « l’hippocampe » qui lui, va venir replacer cette menace dans un contexte. Pour faire ça, il va falloir au cerveau, réaliser des comparaisons avec les différentes expériences qu’il a déjà vécues.

Grâce à cette mécanique bien huilée depuis des millénaires, le cerveau va pouvoir prendre la décision de maintenir l’état de vigilance aussi longtemps que nécéssaire ou revenir au calme.

Nous découvrons ici que l’expérience va permettre de traiter l’information de la menace. Ce qui veut dire que plus nous avons eu d’expériences, plus nous pouvons traiter rapidement l’information et permettre au corps de revenir à un état normal. Revenir à un état dit d’homéostasie est important, parce que celui de vigilance demande beaucoup de ressources et épuise très rapidement les capacités du corps humain. Nous avons tous fait l’expérience d’avoir une frayeur et, d’être épuisé juste après, comme si l’on avait couru le marathon de Paris. Alors essayez d’imaginer ce que peut ressentir un bébé ou un enfant quand il est face à ce que lui identifie comme une menace. Maintenant demandez vous quelle expérience celui-ci a déjà vécu pour stopper l’état de baby-1231442_1920vigilance ? Ca y est vous commencer à voir où je veux en venir ?

Un bébé n’a aucune expérience de peur pour ainsi dire, avant ça naissance. C’est après quand il fait la découverte des sensations qui proviennent de son corps : comme la faim. C’est ici la première perturbation que l’enfant va ressentir, perturbation qui veut dire plusieurs choses :

  1. il va falloir être nourri
  2. il va falloir que quelqu’un me nourrisse

Comme nous l’expliquerons dans un autre article, dans un premier temps les parents sont énormément dans une réaction immédiate, pour ne pas laisser souffrir l’enfant. Puis au fur et à mesure de votre épuisement, du temps va se mettre entre le pleur et la satisfaction. Cela va produire deux choses :

  1. la peur que l’on ne soit pas nourri
  2. mais aussi et surtout, l’idée que ce qui nous nourrit, est différent de nous. Cette idée est un concept des plus importants pour l’avenir de votre enfant.

Tous parents, normalement bons, cherchent à rassurer son enfant, verbalisent ce qui se passe, ce qu’il ressent. Pourtant tous les enfants n’intériorisent pas l’expérience de la même manière. Là aussi il y a un point important que les parents se doivent de prendre en compte, tous les enfants sont différents. l’expérience de séparation ne sera donc pas intériorisé de la même manière par tous. Cette séparation va mettre une première distance entre soi et, nous dirons, « l’objet ».baby-1270030_1920 Pourquoi l’objet ? Parce que dans un premier temps il n’a pas de nom. Pour l’enfant, le parent, qui nourrit, n’est qu’une chose qui le regarde et qu’il regarde, qui lui apporte ce dont il a besoin. Plus exactement qui obéit à ses ordres, qui satisfait ses besoins. Puis avec votre aide, il y aura une seconde séparation le jour où, il vous nommera papa ou maman, mama, ou baba… Vous êtes une chose nommable, donc différente de lui. Vous devenez la chose qu’il peut appeler, mais vous devenez aussi l’objet qui pourrait, ne pas répondre à son appel. Vous devenez un objet de peur. Puis au fur et à mesure ce n’est plus vous, l’objet de peur, mais la séparation, le vide qu’il peut y avoir entre lui et vous.

 

Conclusion :

Revenons à la peur du noir, qui est, comme nous l’avons dit, une perte de repères, un vide qu’il faut remplir. Ce vide, qu’il doit remplir, c’est l’espace qu’il y a entre vous et lui. Il reconnait dans le noir ce moment angoissant ou vous pourriez ne pas répondre à son appel. Quand votre enfant a grandi, ce n’est plus pour la faim qu’il a peur du vide, souvent les enfants parlent d’une chose qui pourrait surgir du noir. Cette chose est une mentalisation de l’imaginaire, une réponse intuitive du danger qui pourrait se cacher dans le noir. Une chose qui vient remplir le vide. Une mentalisation qui vient comme une réponse lui permettre de nommer ce qui lui fait peur, être séparé de vous.

Bibliographie :

  • Parot, F. (1995). L’homme qui rêve. Paris : PUF.
  • Luis Alvarez, Bernard Golse,  La psychiatrie du bébé, 2e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages. ISBN : 9782130621508
    Lien : <http://www.cairn.info/la-psychiatrie-du-bebe–9782130621508.htm>
  • A. Bridoux, C. Monaca. Sommeil normal et neurobiologie. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 – n° 1 – janvier-février-mars 2010

Lien pour aller plus loin sur le sommeil :

 

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