Le sommeil : Du Rêve à L’individuation

Il y a des phénomènes bien étranges dans l’existence, mais celui du changement est peut-être l’un des plus particuliers. Au travers de cet article, nous essayerons de comprendre, comment deux mots peuvent faire évoluer votre conception du monde et de son fonctionnement ?

Ces deux mots se trouvent être : anthropologie et rêve. En les associant une nouvelle discipline apparaît, une discipline qui va nous forcer à découvrir l’homme sous un nouveau jour. L’anthropologie du rêve est peut-être l’une des sources les plus abondantes de ce fameux changement. Ainsi, cette perspective met en relief notre passé, nous permet de comprendre notre présent et, aussi peut-être, d’entrevoir notre futur : nous savons tous qu’au travers de la connaissance de nos erreurs, nous pouvons orienter notre avenir. La question souvent posée, quand on parle du rêve en société, est de savoir quelle en est sa fonction. Est-il si important de rêver quand on sait que les manchots peuvent se passer de dormir pendant plusieurs mois ?

Le rêve, du plus loin que l’on s’en souvienne… L’antiquité.

Pourquoi devons-nous remonter si loin pour comprendre le rêve ? Tout simplement parce que le rêve n’a pas la même signification, représentation, ou encore, sens pour nous que pour les personnes de jadis. Il nous faut donc chercher à interpréter ce qu’il a été, pour concevoir ce qu’il est aujourd’hui et, d’une certaine manière savoir ce qu’il n’est pas.

L’antiquité est une période de notre histoire. Alors que j’en parlai avec un très jeune patient, celui-ci me demanda la différence entre l’antiquité et la préhistoire. Pour lui, la préhistoire était : ce qui se passe avant le fameux « il était une fois… » Et pour être franc, ce n’est pas totalement faux, si l’on y réfléchit. Il était une fois, c’est le commencement d’une histoire. Cela pourrait, même d’une certaine manière, être le commencement de notre histoire à tous, les êtres humains. C’est finalement le temps d’avant l’écriture. L’antiquité est donc le moment où le symbole physique, soit l’écriture, est apparu et nous a permis de transmettre autrement notre histoire. Il se passe donc ici quelque chose d’important, la marque laissée dans la pierre ou sur le papier, n’est plus éphémère. C’est une trace visible. On peut constater une chose, la trace que l’on laisse ne correspond pas forcément à la réalité. Il faut donc prendre conscience, qu’ici l’être humain était capable de prendre connaissance de l’écart entre le désir et la réalité.

La question qui va nous guider, ici, est de savoir quelle représentation, les gens avaient du rêve pendant l’antiquité ?

L’arbre généalogique des dieux du sommeil…

Une des grandes différences entre le grec et le français, c’est la traduction vis-à-vis de la production de rêve. Ainsi en français l’on va dire : « je fais un rêve » et en grec :  » je vois un rêve ». Dans l’antiquité, le rêve était interprété par la présence des dieux, et toute la mythologie a bien des sens cachés.

Oneiros est le premier des rêves que l’on peut recenser dans l’arbre généalogique. Mais contrairement aux autres, il n’a visiblement jamais reçu de culte. Il est d’ailleurs représenté comme un être double, qui apporte les rêves aux hommes par, ce que les Grecs appellent, la porte du vrai. Il faut avoir été initié au rêve pour en comprendre le sens.

Un point essentiel que nous aborderons dans un prochain article sur la fonction du rêve aujourd’hui, c’est l’importance du sommeil pour comprendre le rêve. D’ailleurs les Grecs l’avaient bien compris et avant de pouvoir rêver, il faut pouvoir dormir. Et la aussi il y a un dieu, Hypnos, qui est donc le dieu du sommeil. Hypnos est également considéré comme étant le gardien de la nuit, celui qui reste éveillé quand le monde est endormi. Il n’est pas le fils de n’importe qui, il est l’un des fils de Nyx, qui est elle-même la déesse de la Nuit. Par ailleurs, il est aussi, selon l’Iliade, le frère jumeau de Thanatos, qui est le dieu de la Mort. Ce qui, dans la représentation, n’est pas anodin, car il associe le sommeil à la mort. Ne dit-on pas : « dormir c’est comme une petite mort ». D’ailleurs le mot Hypnos, gravé sur les tombeaux, désigne l’éternel sommeil.

Oneiros, n’est pas le seul dieu des rêves, je vous donne un indice, que dit-on quand l’on va se coucher ? : » je vais dans les bras de… » Morphée », selon les récits le fils du sommeil et de la nuit (donc d’un inceste). Il a pour devoir d’endormir les mortels.

Nb : Il est l’étymologie de la drogue bien connue la « morphine », en raison de ces propriétés soporifiques ;

Pour terminer l’arbre généalogique des dieux qui s’occupent du rêve et du sommeil, nous sommes obligés de parler de l’oncle de Morphée, les frères jumeaux du sommeil et le fils de la nuit : Thanatos. C’est la personnification de la mort. Dormir, finalement, de tout temps, a représenté la peur ultime, qui est celle de mourir. Les représentations iconographiques de ce dieu sont extrêmement symboliques, il faut le savoir, ainsi on le retrouve souvent une faux à la main, parce que cela symbolise le fait que la vie peut être moissonnée comme le blé de l’été.

Nb : Le sommeil et la mort sont jumeaux et constituent deux présentations de la même condition du soi. (Cratère en calice attique d’Euphronios, Grèce, VIe siècle av. J.-C., exposé au Metropolitan Museum, New York).

Le rêve dans le passé antique ?

Nous avons pu constater, grâce aux nombreux et divers récits de rêves sur les dieux, une explication commune à cette activité. Elle serait donc d’abord prémonitoire. Le rêve devient un lieu où l’on nous apporte des réponses. C’est un endroit entre deux ou l’on vient nous rendre visite, où les dieux viennent jusqu’à nous, pour nous délivrer leur message. Celui-ci est divin et double, il peut y avoir plus de réalité que ce qui se passe dans la journée à l’état de veille. Il peut nous apprendre que l’on est un simple homme ou un héros… Mais c’est aussi pour eux un phénomène tout aussi objectif que la gravité pour nous.

Mais n’est-il que ça ? Que s’est-il passé quand les hommes ont commencé à voyager, à guerroyer, et donc, à se confronter à d’autres cultures, ou tout simplement à l’autre ? Qu’est-ce que le mélange des sociétés a permis ? Découvrez-le dans le prochain article sur la fonction du rêve à travers le temps…

 

Bibliographie

  1. Andrieu Bernard, « Introduction »,  La neurophilosophie, Paris, Presses Universitaires de France , «Que sais-je ?», 2007, 128 pages URL : cairn.info/la-neurophilosophie–9782130564287-page-3.htm.
  2. Charles Boudouin L’œuvre de Jung et la psychologie complexe, Paris, Payot, 1963.
  3. Claude Debru, Neurophilosophie du rêve, Herman, Paris, 1990
  4. Allan Hobson, Edward F. Pace-Schott et Robert Stickgold, « Dreaming and the brain : toward a cognitive neuroscience of conscious states », Behavioral and Brain Sciences, n° 23-6, 2000.
  5. Allan Hobson (1989), Le cerveau rêvant, Gallimard, 1992 pour la traduction
  6. Elizabeth Hennevin-Dubois, « Qui dort mémorise? », La Recherche, Hors série n° 3, 2000, pp. 18-24. ; Robert Stickgold, « Sleep-dependant memory consolidation », Nature, n° 437, 2005, pp. 1272-1278.
  7. Michel Jouvet, « Paradoxical sleep : is it the guardian of psychological individualism ? », Canadian Journal of Psychology, n° 4-2, 1991, pp 148-168
  8. Michel Jouvet, Le Sommeil et les rêves, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 187
  9. Hayat Michaël, « L’enracinement biologique de la pensée : de Diderot aux sciences contemporaines », Le Philosophoire 3/2003 (n° 21) , p. 41-64 URL : cairn.info/revue-le-philosophoire-2003-3-page-41.htm. DOI : 10.3917/phoir.021.0041.
  10. Meerlo P, Mistlberger R, Jacobs B, Heller H, McGinty D. New neurons in the adult brain: The role of sleep and the consequences of sleep loss. Sleep Med Rev. 2009;13:187–194. [PMC free article] [PubMed]
  11. Françoise Parot, « De la neurophysiologie du sommeil paradoxal à la neurophysiologie du rêve », Sociétés & Représentations 1/2007 (n° 23) , p. 195-212 URL : cairn.info/revue-societes-et-representations-2007-1-page-195.htm. DOI : 10.3917/sr.023.0195.
  12. Françoise Parot auteur aussi : de L’Homme qui rêve (Paris, PuF, 1995), Cent mots pour comprendre le rêve (Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1995), elle a dirigé Du rêve au sommeil paradoxal (Lausanne, Delachaux et Niestlé, 2001)

le langage des oiseaux

le langage des oiseaux, à la recherche du sens perdu des mots

Voilà encore un nouveau livre sur la question de la langue et du langage. Nous pensons tous parler tous, nous pensons tous communiquer, et beaucoup d’entre nous s’imaginons bien le faire, mais qu’en est-il vraiment de nos capacités de comprendre l’autre au travers de ce qu’il nous conte ?

Après plusieurs années de pratique de la psychologie, je peux vous dire d’expérience que notre vieux Papi Lacan, avait peut-être bel et bien raison, il n’y a pas de communication entre les hommes… Tout le monde partant de l’idée que l’autre va comprendre ce qu’il va dire et réussir à entendre, sans même se poser la question… Est-ce que je suis compréhensible ?

 

Divan : 9/10

 

Résumé :

Après 33 ans d’enseignement de la littérature, je me méfie toujours du sens obligatoire des mots et, ces dernières années, je me suis tourné tout naturellement vers une langue ancienne qui utilise les procédés de la langue imagée afin d’aider le lecteur à trouver le sens du réel au lieu de le lui dire en l’assommant avec le sens « propre ». Cette langue du Moyen Âge, c’est la langue des oiseaux et il m’est apparu qu’elle reste très moderne puisque je ne suis plus sûr que la mentalité médiévale soit si loin que cela…

La langue des oiseaux, c’est la langue des anciens alchimistes qui l’employaient afin d’exprimer un propos transgressif sans se faire emprisonner ou tuer par les bonnes âmes de l’époque. Avec leur utilisation des jeux de mots, des rébus, des expressions populaires, avec leur emploi des mots dans leur sens étymologique ou leur invention de néologismes de ceux qui l’imposaient. Ils montraient un nouveau sens, une nouvelle façon de comprendre la réalité.

À mon tour, j’emploierai dans ce livre leurs procédés d’une langue multiforme pour expliquer ce monde qui me semble avoir plusieurs sens. Le but n’est plus celui de la rigidité du sens, au contraire. La loi de l’analogie est donc remise à l’honneur pour rapprocher des catégories créées artificiellement. La division entre une langue prétendument claire et une langue dite imagée n’a pas lieu d’être. C’est une différence d’emploi et d’interrogations plus que de vérité des mots.

La langue des oiseaux est la langue de la liberté de parole, la langue de l’ouverture d’esprit, la langue d’un ancien dépôt de sagesse. C’est, dans les deux sens du terme, une langue spirituelle.

 

Auteur : Baudouin Burger édition : Louise Courteau éditrice prix : 19€

Au Japon ceux qui s’aiment ne disent pas je t’aime

 

livre à lire : 6 divans /10

 

Voilà un joli livre qui vous laisse à entendre la différence des cultures. Il est devenu commun d’entendre parler de différence, du sentiment de se sentir unique, cependant ce n’est pas si simple. Parfois il apparaît que c’est l’apprentissage d’une nouvelle langue, la découverte d’une nouvelle qui permet de comprendre la réalité du mot différence. En cette période compliquée ce petit livre nous permet d’entendre quelque chose de nouveau et de poétique. Le livre se présente finalement comme un petit dictionnaire, nous faisant découvrir la culture japonaise au travers du langage. Et donne à réfléchir…

Voici un petit extrait :

Définition :

Amour : Au japon, ceux qui s’aiment ne disent pas « je t’aime » mais « il y a de l’amour », comme on dirait qu’il neige ou qu’il fait jour. On ne dit pas « tu me manques » mais « il y a de la tristesse sans ta présence, de l’abandon ». Une sorte d’impersonnel immense qui déborde de soi. La tristesse est partout, l’amour aussi. Pas de hors-champ du sentiment.

 

A contrario de l’auteur, je dirais que le langage japonais, garde le tiers séparateur nécessaire ou bon fonction de l’échange entre soi et l’autre. La distinction entre l’être et l’avoir permet d’entendre ici que l’on possède le sentiment amoureux et non que l’on ait le sentiment amoureux. Ce qui permet de garder une bonne distance d’avec cette autre qui peut facilement nous dévorer dans la passion, le « on » n’existe plus pour se tenir à un nous. À méditer… (voir l’article passion toxique ou encore qu’est-ce que l’amour)

infos : livre 126 pages, définition dans le langage et de la langue japonaise (7€) édition arlea auteur : Elena Janvier

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