La dépendance (dossier addiction)

Pour parler de dépendance il faut en réalité parler d’une psychopathologie évolutive. D’une certaine manière la dépendance nous vient, d’une chose un peu bête, notre premier sevrage… apothecary-437743_1920notre première dépendance… Certains chercheurs parlent d’un trouble qui serait post-adolescence et/ou jeune adulte. Mais finalement, si l’on y réfléchit bien avec cette nouvelle idée que la dépendance serait une maladie, il y aurait donc quelque chose qui cloche. Et si cette chose qui cloche, était notre schéma interne face au plaisir, notre capacité à gérer la frustration ? A faire face à la tentation ? A faire face au plaisir ? A la capacité de dire non ? A notre capacité de prendre une décision?… Après tout une personne sujette à l’addiction semble avoir une incapacité dans tous les domaines cités plus haut.

Du coup, nous devons parler de l’évolution de la relation entre la mère (ou le substitut, mais pour des raisons pratiques nous dirons toujours mère) et l’enfant. C’est auprès de Winnicott l’un des premiers grands pédopsychiatres et psychanalystes, que la compréhension du rôle et de l’échange entre la mère et l’enfant se fait.

Ce dernier distingue donc trois phases plus ou moins importantes pour, ce que l’on nomme, la maturation du bébé. Ces trois phases sont une forme de modification essentielle au bon fonctionnement de l’appareil psychique.

1) Phase 1 ou dépendance absolue

Le bébé vient de naitre, il est donc totalement dépendant des soins maternels. Si la mère ne répond pas l’enfant souffre, souffrance qui est à mille lieues de notre entendement d’adulte. Imaginez vous mourir de faim dans une montagne et n’avoir qu’à manger : votre collègue… vous souffrirez ! Cette période représente les 5 premier mois de la vie. A cette période l’enfant n’est pas une personne (oui c’est un raccourci), il est ce que l’on appelle en fusion. Vous touchez la mère, le bébé pleure… D’une certaine manière il continu à être le parasite qu’il était avant sa baby-200760_1920naissance. D’un point de vu purement scientifique c’est à ça que correspond votre bébé.

La fusion permet aussi à la mère de comprendre de manière « instinctive » le besoin de l’enfant et d’y répondre le plus rapidement possible. Cette réponse de la mère se fait aussi en rapport à notre capacité au mimétisme, plus nous avons de capacités de lire, inconsciemment, les émotions de l’autre plus vite nous pouvons y répondre.

2) Phase 2 ou la dépendance relative

Cette phase va du 6e mois jusqu’à la fin de la première année. C’est pendant ce temps que l’enfant va devoir apprendre une part de la frustration. De cet apprentissage, l’enfant va commencer et devoir «s’individuer». C’est-à-dire devenir un être « séparé » de sa mère. Ils sont donc deux personnes distinctes : « elle ne comprend pas forcement mes signaux, il faut que j’utilise autre chose… » On parle ici d’une compréhension de la part de l’enfant, vis-à-vis de la mère et de ses réponses. C’est-à-dire que l’enfant prend conscience que la mère ne répond plus ou pas de manière magique. On parlera de la mise en place d’une « relation objectale » dans le sens ou la mère devient un autre objet. Soit un objet différent de lui même. Si elle est différente de moi alors il faut que je trouve le bon signal pour qu’elle réponde.
Le temps de réponse ou les réponses inadéquates, ce que l’on va appeler en psychologie « les carences d’adaptation mineures » sont, donc d’une certaine manière, nécessaires au bon développement de l’enfant. C’est aussi à ce moment qu’un schéma sera intégré comme quoi, nous pouvons maitriser certaines choses et que d’autres ne pourront pas être maitrisées. De son coté, la mère doit aussi accepter qu’elle ne peut pas «tout», ce qui veut dire qu’elle va devoir abandonner l’idée d’être une mère parfaite. Le risque de ne pas faire ce chemin là est d’empêcher l’enfant de devenir « in(un)-dépendant ». Puisque pendant ce stade l’enfant comprend ou envisage, qu’il est effectivement dépendant.

3) Phase 3 ou l’indépendance.

C’est vers le début de la deuxième année que l’enfant commence à s’autonomiser, ou il doit faire face à l’environnement, ou il peut faire face… il marche, il peut donc découvrir le monde. Parallèlement à cela, alors qu’il devient indépendant des parents ou de la mère, il devient dépendant du monde social, des nouvelles règles.

On comprend aisément comment le rôle des parents et de la relation peut avoir un impact sur notre appréhension du monde. Un enfant qui a toujours été dans ce que l’on peut appeler le « principe de plaisir » fera tout pour rester dans le principe de plaisir ou d’éviter le déplaisir. Du coup il fera ce qu’il faut pour rester dépendant jamais séparé de l’autre pour éviter la souffrance. Finalement un part de la réflexion se tourne sur l’idée que l’addiction, c’est de rester proche de l’autre et de la sensation qu’il avait quand il était enfant.

Reparlons de notre cerveau, que se passe-t-il quand il est question de dépendance ?

Une partie de la dépendance est ciblée dans le système qui gère les récompenses. De manière intéressante il faut savoir que ce système est programmé dès l’enfance et cela en fonction des expériences précoces de (tenez vous) : « plaisir et déplaisir » corporel (à croire que les psychanalystes racontent vraiment n’importe quoi parfois…ou pas ? ). De même que c’est aussi lié aux expériences émotionnelles que fera le bébé vis-à-vis de la qualité du maternage et au dependance-cerveaudéveloppement de ce que l’on appelle le lien d’attachement : sécure ou insécure. Ce système va permettre à tout un chacun d’apprendre et de reconnaître ce qui est bon ou mauvais pour soi, ce qui peut être dangereux… Et donc à 4 ans il est plus facile de reconnaitre comme mauvais : les chiens méchants que la cocaïne. C’est peut être pour ça que vous avez peur des chiens mais pas de la drogue…

« Ce qui va tout foutre en l’air » …

(excusez mon langage) c’est la dopamine… on va souvent vous en parler de ce neuromédiateur, parce qu’il est super important. Certaines drogues vont activées directement le système de récompense du cerveau, en faisant augmenter la concentration de dopamine. D’ailleurs Parkinson est lié à la régulation de la dopamine, et la schizophrénie aussi… et ça bloque trop et ça délire… enfin ça dépend de la zone… mais c’est un autre sujet.

Alors la dopamine est mêlée dans ce que l’on nomme en neurobiologie « l’auto-administration du stimulus : naturel ou non » (non = drogue).
D’ailleurs pour la petite histoire, des expériences ont été faites sur les souris avec la drogue et/ou du sucre. Elles devaient s’auto-administrées une dose. Sachez que les souris préfèrent le sucre et se laissent mourir pour s’injecter le sucre, que manger ou bien dormir. De la même manière pour la stimulation du système de récompense, c’est la même chose pour la dopamine, elles préfèrent la stimulation à la vie.

Après tout cela vous aurez donc compris que nous ne sommes pas des êtres égaux dans la vie… gambling-rat-979656D’ailleurs sinon tout le monde serait champion olympique… Et bien pour les drogues c’est la même, ne vous posez pas la question, certains ne vont pas être attirés et d’autres ne devront pas être attirés.

Il faut savoir de manière générale que c’est pendant l’adolescence qu’il est le plus difficile de dire non, parce que c’est pendant cette période que l’on apprend à faire ses propres choix ou à prendre ses propres décisions. Et que les zones de contrôles sont en train de se terminer (et oui votre cerveau ne l’était pas…). Pour faire cela on a tendance à remettre le monde entier en question donc, à vouloir essayer… après tout pourquoi pas… NON ! Dites NON !

Les signes pouvant passer pour prédictifs de la vulnérabilité

  • Un besoin de recherche de sensations
  • Un besoin de nouveauté
  • Mauvaise appréciation du danger
  • Labilité
  • Un niveau élevé d’activités comportementales associées à de faibles capacités attentionnelles (ce n’est plus très vrai avec les nouvelles drogues de compétences)
  • Faible estime de soi
  • Une auto dépréciation
  • Difficulté à faire face aux événements

    On s’arrête là…

L’addiction qu’est-ce que c’est ?

Du produit à l’addiction, comment et pourquoi devient-on toxicomane, un sportif compulsif, allant jusqu’à se blesser sans possibilité de s’arrêter ?

Un peu d’histoire

Avant de répondre à cette question il faut savoir que pendant longtemps l’addiction n’a été qu’une marie-claire-dependance-affectivequestion de produit. C’est-à-dire qu’il fallait une substance pour parler d’addiction. D’ailleurs beaucoup de substances qui aujourd’hui sont reconnues comme nocives, ne l’ont pas toujours été. Un exemple des plus flagrants, la cocaïne a même été considérée comme un médicament. Puis les personnes consommatrices ont commencé à avoir un comportement que l’on peut qualifié « d’étrange ». Un désir de consommation pouvant pousser chacun d’entre nous jusqu’à la destruction, celle des autres mais aussi la sienne propre. Freud lui-même à été consommateur de cocaïne d’ailleurs son cancer de la mâchoire pourrait en être la résultante.

Nos contemporains

Aujourd’hui, on ne parle plus seulement de produits, on peut avoir des addictions sans substance : le sport, le sexe… la nourriture… l’autre…
Dans la pensée de la société on parle d’une forme de « victimisation », le sujet s’assujettit, il perd le pouvoir et la volonté, vis-à-vis d’un produit (pour simplification : produit ici, correspondra à tout, aussi bien les addictions sans substance qu’avec). Cette perte de volonté est dû au plaisir que le apothecary-437743_1920produit a procuré… Vous souvenez vous de la première fois que vous avez mangé du chocolat ? Non … votre cerveau oui, savez- vous pourquoi ? Parce que dans le chocolat il y a la même substance que dans le cannabis et qui peut rendre accro (on y reviendra).

Note : cette idée de victime volontaire peut se questionner à bien des niveaux malheureusement, pourquoi et comment devient-on une victime ?…

La volonté dans tout ça ?

Pendant longtemps, l’addiction a donc été une question de volonté et donc d’abstinence. Ce qui est très relié à l’idée de morale, mais est-ce vraiment juste ?

Nous savons qu’il y a des facteurs autres que la psychologie de tout à chacun, et donc on en est venu à parler de « maladie ». Cependant ce terme de maladie aussi est dangereux, parce que nous le voyons souvent en annonçant à une personne qu’elle est malade, elle perd le contrôle. Double perte de contrôle dans l’addiction, la personne n’a plus la possibilité de reprendre la main et souvent ne le veut pas : « c’est pas de ma faute je suis … malade ». Si je fais cette remarque 5683848c’est vis-à-vis du danger du diagnostic, il est facile de se cacher derrière ce que l’on veut ou peut pour ne pas affronter une part de notre réalité. Par ailleurs il a été démontré que plus une personne niait (dans le bon sens) sa maladie mieux elle guérissait. Dire je ne suis pas malade d’une certaine manière à tendance à vous aider.

Pour en revenir à cette question de moral, on peut se demander quel rapport le sujet dépendant a avec la vie, et, quelle valeur lui accorde-t-elle pour la malmener ?

Question : La toxicomanie (ou l’addiction) est-elle une maladie ?

Je vous pose la question, parce qu’aujourd’hui nous ne pensons plus comme cela, comme présenté plus haut. Nous le savons grâce aux découvertes de la psychologie et de la neurochimie.

Un peu d’étymologie 

Il faut savoir que d’une certaine manière le terme d’addiction est très vieux est découle de la possession du corps (le votre) par un autre. Vous aviez une dette, vous étiez donné, ou plutôt votre corps était donné. Cela vient de la Rome Antique et a perduré jusqu’au Moyen Age.

Addiction vient de : addictus. Ce qui veut dire que vous êtes contraint par le corps et privé de liberté, face à une personne et finalement une substance.

Définition d’addiction

D’une certaine manière le terme addiction se définit dans son étymologie, pour le reste il sera beaucoup plus question de caractéristiques. A savoir que le sujet est :

  • Dans une impossibilité de maitriser, et que cela est répétitif.
  • Qu’il y a poursuite alors même qu’il/ elle sait que cela est négatif à différents niveaux.
  • On parlera d’une recherche de plaisir ou d’évitement de déplaisir (interne et externe)NB : ce dernier point est un point essentiel à l’addiction, c’est la tolérance, soit le besoin d’augmentation de l’usage du produit qui plonge le sujet dans l’addiction. L’augmentation est la, pour que le sujet jouisse de la même manière que la première fois. D’une certaine manière, les gens, qui se vantent de bien tenir l’alcool, ont raison. Ils ne se vantent pas vraiment, mais il faut savoir que c’est surtout parce que leurs cerveaux sont déjà abîmés… « et oui, vos neurorécepteurs sont attaqués par la substance et du coup ils ont besoin d’une dose plus importante pour être stimulés ou pour en stimuler plus ». Dans les prises de substance, les produits s’attachent à des récepteurs qui ne sont pas les leurs et produisent des sensations. En faisant cela ils abiment le récepteur voir l’endommagent de manière irréversible. Le neurotransmetteur qui devait se câbler ne le peut plus, vous ressentez du déplaisir. Voir la gueule de bois de E-penser Dans certains cas, quand l’addiction est installé, le « manque » produit de telles douleurs que le sujet entre dans des crises de panique aussi graves et douloureuses qu’un bébé de quelques semaines qui a faim.

    Il faut donc retenir les trois C :

  1. Comportement compulsif
  2. Perte de contrôle
  3. Poursuite malgré connaissance du mal

Consommer qu’est-ce que c’est ?

1. Usage anormal vs pathologique

2. Abus à dangers

3. Dépendance relationnelle

Il faut dans la consommation, se demander quelle est notre part de responsabilité. Pour cela une partie de nous va devoir se questionner sur notre ignorance dans la consommation. Consommer pour consommer, voilà ce que nous propose la société. Mais ne doit-on pas réfléchir à ce que l’on fait et pourquoi on le fait? … quels sont les dangers à prendre un cinquième verre ou une deuxième clope, finalement? Il y a souvent un pas entre l’ignorance involontaire et volontaire, on traffic-lights-514932_1920le voit très bien aujourd’hui avec la question du tabagisme ou de l’alcool. Et des répercussions que cela a sur la consommation d’autres drogues, que l’on se permet d’appeler, douces. L’un des mécanismes importants qui est utilisé ici, c’est la sous-estimation de ce que l’on fait et la banalisation par la suite : « c’est pas si grave, il faut bien mourir de quelque chose ». Dans la prise de certaines drogues, comme la cocaïne, avant de mourir vous pouvez avoir par exemple un cancer des voix respiratoires: c’est atrocement douloureux et vous pouvez en réchapper avec le visage défiguré. Freud a perdu la mâchoire. Cette tendance est humaine, mais montre notre incapacité dans certain à raisonner. Dans l’addiction il ne sert donc à rien de demander à l’autre de réfléchir à ce qu’il fait. Il doit y venir seul.

Le manque de verbalisation peut rapidement devenir du prosélytisme, on ne sait pas, on ne connaît pas, alors, on peut dire tout ce que l’on veut… c’est la porte ouverte à tout… Après tout pourquoi ne pas fumer un joint, puisque l’on boit un verre de vin ?… « Non, c’est pas parce que l’on se conduit bêtement que toutes les bêtises doivent être commises… » (à méditer)

LE DSM – la bible de psychiatrie
Critères diagnostiques DSM vis-à-vis de l’abus :

A. Utilisation répétée d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement et à une souffrance clinique significative caractérisée par la présence d’au moins une des manifestations suivantes :

  1. Incapacité de remplir des obligations majeures (au travail, à l’école ou à la maison)
  2. Situations physiques dangereuses
  3. Problèmes judiciaires répétés
  4. Problèmes interpersonnels et sociaux

B. Sans atteindre le niveau de dépendance

Critères diagnostiques DSM vis-à-vis de la dépendance :

Utilisation d’une substance, altération du fonctionnement et souffrance clinique il faut au moins 3 à 4 critères sur les 7 (attention il faut faire varier les critères sur la corde normalo-pathologique du patient)

  1. Tolérance (besoin d’une augmentation de la quantité pour obtenir l’effet désiré/effet diminué en cas d’usage continu de la même quantité de substance)
  2. Syndrome de sevrage
  3. Quantités ou durées plus importantes que prévues
  4. Désirs ou efforts infructueux pour réduire ou contrôler l’utilisation dela substance
  5. Beaucoup de temps passé pour se procurer la substance, la consommer ou récupérer de ses effets
  6.  Abandons ou réductions d’importantes activités sociales, occupationnelles ou de loisirs
  7. L’utilisation est poursuivie malgré l’existence d’un problème physique ou psychologique en lien avec le produit

Donc dans l’addiction il y a une notion de dépendance. Une phrase que je dis souvent à mes patients et qui nous permettra d’introduire le sujet dans un prochain article, est :

« être dépendant c’est une manière de ne jamais être indépendant »

 

Développement de la pensée chez l’enfant

Devinette :

  • Jean est plus grand que Philippe, Philippe est plus grand que Thibaud
  • question : est-ce que Jean est plus grand que Thibaud ?
  • question 2 : est-ce que Jean, qui est plus grand que Philippe, est plus vieux que lui ? (posez la question à un enfant de 3, 6 et 9 ans)

Comment se construit la réflexion ou plus simplement notre manière de penser ?

origami-214885_1920La pensée est une construction entre ce que l’on est et, ce avec quoi l’on va être en interaction. D’une certaine manière, la différence entre l’enfant et l’adulte proviendrait simplement de  l’expérience que l’on acquière jour après jour. Tout serait donc une question de développement dans le temps.

« la connaissance est une action sur les objets, c’est une interaction avec l’objet. La connaissance est une affaire de continuelles constructions nouvelles par interaction avec le réel, il y a créativité. La connaissance n’est ni dans le sujet ni dans l’objet, la connaissance n’est donc pas une copie, mais une assimilation, une interprétation par intégration de l’objet dans des structures antérieures des objets. L’étude du dessin de l’enfant, copie d’un modèle, il ne dessine pas ce qu’il voit mais son interprétation, il dessine l’idée qu’il s’en fait » (Piaget).

Il faut à l’enfant tout construire, même les choses les plus évidentes pour vous. Ce qui veut dire que rien n’est naturel. Par exemple avant un certain âge, l’enfant nie ce que l’on appelle la permanence de l’objet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Un changement même minime changera l’objet lui même, ce n’est plus le même objet mais un autre. rappelez vous la devinette du début, un enfant de 3 ans, ne pourra pas garder en lui l’idée que Jean est plus grand que Philippe et que Philippe est plus grand que Thibaud, du coup que Jean est plus grand que Thibaud. Plus encore, la pensée d’un enfant de cet âge est intuitive. Cela veut dire qu’il n’établira pas de lien logique entre les choses. Par exemple il fera un raccourci étrange entre l’idée de grand et de vieux : « Si le monsieur est plus grand, il est plus vieux ». Vous êtes vous déjà demandé pourquoi il a cette logique ? Combien de fois lui avez vous dit :  » C’est normal il est plus grand (et plus vieux) que toi donc il a le droit ?« . Traduction je suis petit, donc plus jeune, quand je serai plus grand donc plus vieux je pourrai faire cela, et souvent ce « cela » c’est l’idée d’être libre.

 

 

Seule l’expérience répétée en interaction avec le monde va lui permettre d’assimiler ce monde. Les objets resteront solides, et même, s’il ne les voit plus, ils peuvent continuer d’exister. Pourquoi dit-portrait-317041_1920on cela ? Je préconise souvent aux parents de jouer à « coucou le voilà » ou à « cache-cache ». Avant 4 ou 6 ans, les enfants se cachent de manière très simple, souvent derrière leurs mains. L’enfant pense à ce moment, de manière égocentrique, que comme il ne vous voit plus, vous, non plus, ne le voyez plus. Nous en arrivons donc, ici, à ce que l’on appelle, en psychologie du développement l’égocentrisme intellectuel. Cet égocentrisme est un stade naturel du développement chez l’enfant. L’enfant, pendant cette période, va penser que tout ce qu’il sait, les autres le savent aussi. Cela n’a donc rien à voir avec de l’égoïsme. Et c’est, au fur et à mesure, qu’il jouera avec vous, l’enfant comprendra en partant de lui, qu’il ne disparait pas et, du coup, que vous, non plus, ne disparaissez pas. C’est le premier pas vers la permanence de l’objet. Vous, comme lui, devenez des entités solides, dans le temps et l’espace.

papa-bebe-miroir2L’enfant n’est donc pas une éponge qui asborbe tout, sans réflexion. Il lui faut être en interaction avec le monde. C’est dans cette interaction, dans ce que l’on nomme l’expérience, que l’enfant intériorise le monde. Et avec le temps, l’enfant va pouvoir faire évoluer sa compréhension du monde qui l’entoure. Cette évolution est le résultat de l’équilibre de ces différentes manières de penser et d’agir. C’est ce qu’en psychologie on appelle un : « schème ». Celui-ci se confronte à l’expérience quotidienne de l’enfant.  Il y a d’abord un déséquilibre entre ce que l’enfant pense et ce qu’il découvre. L’enfant a deux choix pour rééquilibrer sa manière de penser  :

  1. l’assimilation qui est une intégration et, qui lui permet donc de changer cette manière de penser.
  2. l’accommodation, le schème va devoir changer, il se transforme avec le temps et l’expérience.

L’enfant va donc devoir résoudre la contradiction entre ce qu’il pense et, ce qu’il apprend. Beaucoup de mécanismes entrent en jeu, ici, par exemple il faut que l’enfant soit suffisamment plastique (accommodant) pour accepter que sa réalité ne soit pas le réel. Cette plasticité provient du rapport que l’enfant  entretient  avec ses parents, et avant tout, de leurs plasticités à eux. Plus baby-623417_1920le rapport, entre vous, est dans une adaptation commune, plus l’enfant sera malléable au changement. Les enfants étant dans l’imitation, si vous êtes malléables, ils le seront aussi. Le changement ne sera pas une crainte ou synonyme de danger pour eux. Plus tard et pour d’autres raisons, ce sera aussi un mouvement ou il devra accepter de ne pas être tout-puissant, et donc, de ne pas tout savoir. Pour ce faire, il faut que l’enfant puisse avoir assimilé et s’être accommodé de beaucoup d’informations au fil du temps. Souvent des parents viennent me voir, et me disent :  » il croit tout savoir »… Pourquoi ces enfants ne sont pas capables d’altérer leur réalité ? Tout revient, le plus souvent, à une question de repères et de limites dans le temps et l’espace, et, de la manière dont celles-ci ont été posées, mais cela c’est pour un autre article.

bibliographie

  • Astington J.W., Comment les enfants découvrent la pensée. La théorie de l’esprit chez l’enfant, Retz, 1999.
  • Astington JW, Dack LA. Theory of mind. In: Haith MM, Benson JB, eds. Encyclopedia of infant and early childhood development. Vol 3. San Diego, CA: Academic Press; 2008: 343-356.
  • Milligan KV, Astington JW, Dack LA. Language and theory of mind: Meta-analysis of the relation between language and false-belief understanding. Child Development 2007;78(2):622-646.
  • Nader-Grosbois Nathalie, « Glossaire »,  La théorie de l’esprit, Bruxelles, De Boeck Supérieur, «Questions de personne», 2011, 484 pages , URL : www.cairn.info/la-theorie-de-l-esprit–9782804163235-page-397.htm. DOI : 10.3917/dbu.nader.2011.01.0397.
  • O. Houdé, La Psychologie de l’enfant, 2e éd., Puf, « Que sais-je ? », 2005.

 

 

le traumatisme quel est-il ?

A la base de mes recherches, il y a une question qu’un de mes professeurs m’avait posée au tout début de mes études de psychologie : « êtes-vous intéressé par le traumatisme ? ». Pour toute réponse, je n’avais alors pu fournir qu’un « non » solennel, étant intimement persuadé que ce n’était pas pour les questions de traumatisme que je m’étais orienté en psychologie. Mais alors pourquoi ?traumatisme-membre-fiche-18

A ce moment là, j’étais encore loin de me douter de ce qu’était le champ du traumatisme. Au départ, l’état de mes connaissances dans le domaine de la psychologie ou encore de la psychanalyse était de l’ordre du néant, s’approchant du point zéro. Et c’est en faisant des recherches pour construire un sujet de mémoire justement sur le traumatisme que j’ai découvert son si large champ. Si l’on ne s’arrête pas à son sens premier, utilisé à tort et à travers dans les médias, alors un monde aussi large qu’humain nous ouvre ses portes.
 

Nous pouvons trouver la définition par Laplanche et Pontalis (2007) comme un « évènement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans l’organisation psychique. En terme économique, le traumatisme se caractérise par un afflux d’excitation qui est excessif, relativement à la tolérance du sujet et à sa capacité de maitriser et d’élaborer psychiquement ces excitations » .
 
Pour mieux comprendre cette question du traumatisme il nous semble utile de la reprendre detraumatisme manière chronologique, en commençant par Freud. La question du traumatisme comme nous le présente dans son article Thierry Bokanowski , chez Freud, est découpée en deux périodes, l’une de 1885 à 1905 environ, où celui-ci établit le modèle « princeps de l’action du traumatisme ». Il nous dit que le traumatisme se réfère avant tout, au sexuel, et donc à sa théorie de la séduction. Mais peut-être plus exactement à l’idée « d’impressions éprouvées dans la petite enfance, puis oubliées… ». Nous sommes ici, dans une idée d’un modèle pour Freud en deux temps avec une question d’après coup . Pourtant cette période, pour Freud, n’est pas des plus simples. Il se voit obliger de remettre en question en 1887, cette modélisation et abandonne le principe de la Neurotica. Puisque la problématique paternelle, est le fait de devoir accuser dans chaque cas, le persévéré impossible. Mais c’est pourtant cette problématique qui va amener Freud à la découverte de l’importance du fantasme, puisque chez le patient il n’y avait pas de preuve tangible d’indice de réalité, ce qui faisait qu’il était impossible pour le patient de distinguer entre réalité et « fiction investie d’affect ».

 

L’autre période de Freud, se déroule de 1905 à 1920, cette période lui permet de retracer le parcours du développement sexuel chez l’enfant, mais aussi de s’appuyer et de s’ancrer dans la théorie de la libido (ancrage qui selon Paul Denis, vaut le fait pour Freud d’abandonner son questionnement sur la pulsion d’emprise, ou tout au moins de le mettre de coté, nous essaierons nous d’y revenir par la suite.). Le traumatisme serait donc en  » rapport avec la force pressante des pulsions sexuelles et la lutte que leurs livre le Moi ; tous les conflits et tous les traumatismes sont envisagés par référence aux fantasmes inconscients et à la réalité psychique interne ».

Pourtant selon le travail de Thierry Bokanowski (2002/3), où il retrace la question du traumatisme, traumail faudrait prendre en compte en réalité trois niveaux différents : le traumatisme, le traumatique mais aussi et surtout pour ce qui nous concerne peut-être le plus, le trauma. Dans la conceptualisation du traumatisme, il pose l’idée reprise de Freud qu’il faille considérer deux paramètres théoriques : Le premier où pour lui le traumatisme semble « être un agent de déliaison pulsionnelle » et, le second où les « séquelles laissées constituent et agissent comme une source pulsionnelle secondaire ».

La question du traumatisme soulève un problème, parce qu’il y a des états où il reste pourtant une partie, qui permet encore la possibilité de mentaliser, par là on entend l’éventualité de la symbolisation, et donc de pouvoir le surmonter. Alors que dans l’idée du traumatique, d’après le principe économique tel que nous l’avons présenté, ne lui permet pas une symbolisation complète.
Ce dernier reprend donc l’idée du trauma, vu comme une « atteinte précoce du Moi » sous forme de « blessure d’ordre narcissique » ; ces traumas (qui concernent les empreintes de l’objet, ou l’action de l’environnement et qui peuvent survenir avant l’établissement du langage) viennent perturber et renforcer les premiers opérateurs défensifs tels le déni, le clivage, la projection (l’identification projective), l’idéalisation, l’omnipotence, etc. Ils peuvent organiser des « zones psychiques mortes ».

 

Il faut pourtant noter, pour S. Ferenczi, tout semble en aller autrement, ou plutôt cela n’est pas complet. L’action défaillante du pare-excitant ne permettant pas à l’enfant de gérer la surexcitation, prendrait la forme « d’un viol psychique ». Le rôle de contenant n’étant pas assuré, l’enfant serait débordé. Cela aurait pour conséquence de déchirer le Moi. Pour Ferenczi « le trauma doit être considéré comme résultant d’une absence de réponse de l’objet face à une situation de détresse » . Cela aura trois conséquences majeures sur le Moi et la personnalité du sujet : sa mutilation (de l’instance), « le maintien de la souffrance en relation à l’intériorisation d’un objet primaire défaillant », mais aussi et surtout entrainera une sensation de détresse primaire qui perdurera pendant toute la vie du sujet et se réactivera à la moindre occasion.

 

Cette idée peut nous renvoyer au mécanisme de défense, de l’identification et plus exactement à la question de l’identification de l’agresseur, mécanisme présenté par Anna Freud (1936). L’identification est un principe d’assimilation inconsciente d’un aspect de l’autre, par plaisir ou angoisse. Cela a pour effet une transformation (totale ou partielle), sur le modèle de l’autre, auquel on choisit de s’identifier. Il est à noter aussi que l’identification peut être perçue comme la forme la plus primitive du lien affectif à l’objet. Dans le cas de l’identification à l’agresseur, laconfused-880735_1920 personne sujette au danger, va s’identifier à l’agresseur. Cette identification peut se faire selon trois modalités, « soit en reprenant à son compte l’agression telle quelle, soit en imitant physiquement ou moralement l’agresseur, ou bien encore en adoptant certains symboles de puissance qui le caractérisent. ». Le terme ne paraît pas dans les écrits de Freud, cependant celui-ci en a discuté et propose l’idée que cela peut devenir pathologique, s’il y a « confusion des sentiments ». Cela sous-entend qu’elle porterait non plus sur le lien ou la relation d’hostilité mais sur des relations d’amour. Selon l’explication de Laplanche et Pontalis, cela prendrait une part importante quand le concept vient « s’articuler à ce qu’il est classique de désigner comme identification au rival dans la situation œdipienne… les observations rapportées situent généralement ce mécanisme dans le cadre d’une relation non pas triangulaire mais duelle »
Voilà en quelques lignes, ce que l’on a pu découvrir sur un point essentiel de l’existence du « traumatique », et qui pourra nous aider à avancer dans la poursuite de notre propre parcours de mentalisation.

Une autre question est née du regard que l’on peut porter sur cette société : et si elle était aussi devenue traumatogène, pour nous, ses contemporains ?

 

Bibliographie
 
• Bokanowski T., « Traumatisme, traumatique, trauma », Revue française de psychanalyse, 2002/3 Vol. 66, p. 745-757.
• FERENCZI, Sándor « Réflexions sur le traumatisme » (1931-32), Op.cit.pp. 139-147.
• Freud S. (1908 c), Les théories sexuelles infantiles, La vie sexuelle, trad. fr. J.-B. Pontalis, Paris, PUF, 1969
• Freud S. (1912), Pour introduire le narcissisme, La vie sexuelle, trad. fr. J.-B. Pontalis, Paris, PUF, 1969, p. 81
• Freud S., « Au- delà du principe de plaisir » (1920g), dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1973
• Laplanche, J. & Pontalis, J.-B. (2007). Vocabulaire de psychanalyse (5th ed.). Paris : Puf

Rapide coup d’oeil sur l’anxiété

9MdfCCaK-istock-000002819036xsmall-180px-Selon P. Janet, l’anxiété est une peur sans objet ou plus précisément sans objet que l’on pourrait dire réel. Cependant, on retrouve dans la littérature une multiplicité de termes pour parler de l’état anxieux :

  • l’anxiété,
  • l’angoisse,
  • la peur
  • ou bien encore la phobie
  • ou la panique.

 

Ces différents termes, bien que voulant refléter la réalité d’un état, ne semblent pas correspondre tout à fait à la première définition, quand on les prend dans l’ordre :

 

  • L’angoisse qui est le terme le plus ancien, il reste le meilleur rapport pour désigner la dimension anxieuse du corporel. Le plus souvent il est décrit comme un phénomène aigu.
  • Pour la phobie, il y a bien un objet réel, auquel se rattache l’état d’anxiété.

 

L-anxiete-generalisee-comment-la-reconnaitre-et-la-soigner_imagePanoramique647_286L’anxiété est née à la fin 19ème siècle, pouvant être décrite comme «un état diffus d’inquiétude, avec de fréquents accès plus ou moins marqués qui correspondent à des focalisations de l’inquiétude dans le temps et dans l’espace… ». Aujourd’hui, l’anxiété induit l’ensemble des manifestations physiques et psychiques. Elle jouerait un rôle dit fondamental dans le développement psychologique. Elle peut être dite d’un état pathologique qui traduit une souffrance psychique, des troubles ou maladies qui possèdent certaines caractéristiques.

 

L’anxiété deviendrait pathologique, quand l’inquiétude évoluerait de manière envahissante. Le sujet serait dans un état dit de « détresse ». Il y aurait différentes réponses comportementales à cet état, soit :

  • l’évitement,
  • le retrait,
  • l’agitation,
  • la dépendance…

 

Résumé

Pour bon nombre d’auteurs, il semble important de faire la différence entre la peur et l’anxiété,9MdfCCaK-istock-000002819036xsmall-180px- ou encore entre l’angoisse et l’anxiété. Ces deux états sont diffèrents dans l’idée même de ce qui la provoque. Alors que pour la peur, il y a clairement un objet qui se rattache à l’état. Pour l’anxiété, il n’y a pas d’objet déterminé. L’objet dans le cas de l’anxiété «est simplement pressenti et redouté». Pour le dernier couple de notion selon Brissaud (1860), la différence se retrouve au niveau de la sensation, « l’angoisse est un trouble physique qui se traduit par une sensation de constriction, d’étouffement, l’anxiété est un trouble psychique qui se traduit par un sentiment d’insécurité indéfinissable »

Concept du soi

Le soi

 

miroirQu’est-ce que la conscience de soi et comment peut-on la définir ? Selon Brentano et Husserl (1900), Elle « peut être définie comme la conscience que l’individu a de lui-même ».
Pour comprendre l’idée du soi, il faut partir de l’idée d’être soi et donc de l’expression de l’identité.

 

Notion d’identité

 

Le concept d’identité n’est pas récent, en France, il remonte au XV ème siècle avec la création des premiers papiers d’identité. Il n’en reste pas moins un terme très utilisé aujourd’hui : identité culturelle, identité religieuse… Qu’est-ce qu’il veut véritablement dire ?

Selon Jean-Claude Kaufmann, il fournirait à l’individu la reconnaissance mais aussi le consentement et l’amour dont il aurait besoin pour se sentir exister en tant qu’individu à part entière.

Il représenterait le caractère invariable et fondamental de quelqu’un, on parle ici de ce qui fait l’individualité d’une personne. Pour ce faire, il s’organise autour de plusieurs dimensions. Ces dimensions n’ont pas toutes, la même importance pour son élaboration, et, évoluent avec l’âge. Le soi reposerait donc sur deux concepts prégnants : la conscience et la temporalité.

 

Le soi est à l’origine de différents mécanismes constitutifs de l’état d’être sujet. C’est à dire qu’il schéma estime de soireprésente aussi bien le fait d’être un sujet à part entière, et de se reconnaître comme tel. Cette perception ne peut s’acquérir qu’au contact de l’autre et de la communication interpersonnelle, puisqu’à la naissance nous n’avons aucune conscience de nous même. Pour atteindre la perception de notre soi, l’enfant passera par des attitudes d’imitation mais aussi d’identification de l’adulte, pour tester les comportements et en associer les réponses qu’il pourra prévoir dans le futur. Cela permettra à l’enfant d’accéder à la conscience d’un « je ». L’idée de conscience est reliée à une idée de hiérarchisation de ses différents niveaux, d’abord de soi-même, puis aussi de reconnaitre l’autre comme étant un sujet à son tour. Cela laisse à penser qu’il y a un processus dynamique aussi bien objectif que subjectif, qui s’établit sur les représentations de soi, et celles de l’autre. Ce qui nous amène à l’idée de la théorie de l’esprit.

 

La théorie de l’esprit

 

Premack et Woordruff en 1978, en se questionnant sur la capacité des chimpanzés à avoir accès à une représentation de soi et de l’autre, font naitre la théorie de l’esprit. C’est ce qui permettrait d’être capable de savoir, de concevoir mais aussi de déterminer, les états mentaux, d’un autre individu, en se prenant comme base de repère. Soit notre tendance à agir, en fonction de ce que nous pensons que l’autre attendrait de nous et non pas en fonction, de ce qu’il attendrait réellement de nous.

La théorie de l’esprit signifierait, qu’un individu serait capable d’attribuer « des états mentaux à lui-même et aux autres. Un tel système d’inférence de ce genre peut-être convenablement considéré comme une théorie, d’abord parce que tels états ne sont pas directement observables,  et ensuite, ce système peut être utilisé pour faire des prédictions, notamment sur le comportement des autres ». Selon J. Miermont (1997) « avoir conscience d’une représentation de soi-même et/ou d’autrui revient, dans la théorie de l’esprit, à connaitre une méta-représentation. Ceci suppose un circuit relationnel, impliquant une reconnaissance cognitive ou émotionnelle de soi-même et d’autrui actualisée dans l’échange »[1]. C’est à dire qu’il y a une capacité d’élaboration pour le sujet à intégrer et fonder des représentations mentales, de soi ou de l’autre. Et celles-ci ne peuvent se faire qu’à partir de capacité  cognitive.

 

Différenciation du soi

 

Il y aurait 6 stades de développement de l’enfance à l’âge adulte (vieillesse). Il y a une mise en place progressive de la capacité de se différencier de l’autre et de se considérer comme un individu à part entière. Cela impliquerait de faire la distinction entre les capacités intra personnelles et interpersonnelles, permettant de préserver l’autonomie (Bowen 1976-1978). Ce processus vise à sortir des premières années de la vie de l’état fusionnel d’avec la mère, à un état d’être individuel. Rappelons que l’enfant n’est pas en mesure de subvenir à ses propres besoins, ce sont les parents qui s’en chargent. C’est à partir de la communication d’abord dyadique avec le caregiver (celui qui donne les soins), comme nous l’avons présenté dans la question de l’attachement, que s’effectue les premières communications. Puis les cercles de communication s’élargiront, allant du père aux autres membres de la famille puis à la société : professeurs, camarades…

 

pedagogie-differenciee-fleC’est au travers de cette communication que pourra s’effectuer la mise en place du modèle d’identité du sujet. Ce modèle est dit dynamique puisqu’il est en liaison avec l’autre, mais aussi dans le temps. Cela laisse à supposer qu’il puisse se transformer ou s’altérer. La capacité du soi serait donc posé sur l’établissement mnésique des représentations, qui se diviserait en deux l’une sémantique et l’autre épisodique. Si l’on reprend la conception de la mémoire sémantique qui est la mémoire des connaissances définitives, nous pouvons inférer l’idée, qu’il y aurait donc une base du soi, dite stable et rigide dans le temps. Si l’on fait la même démarche pour la mémoire épisodique, celle-ci « permet de voyager mentalement dans le temps, c’est-à-dire revivre les expériences passées et se projeter dans le futur (au travers d’un état de conscience appelé la conscience autonoétique, voir Wheeler et al. 1997 ) »[2]. Cette dernière définition laisserait à penser une capacité du soi plus malléable, expliquant qu’il peut y avoir des changements et des modifications sans affecter le soi dans son intégralité. Cette idée en particulier ouvre de belles perspectives pour les psychothérapies.

 

Capacité d’autorégulation

 

Pour terminer sur cette notion de soi, il nous faut faire une escale au concept d’autorégulation qui stone-balanceest considérée comme un aspect distinct, de ce que l’on appelle, le tempérament humain. Et il peut être défini comme une capacité à moduler de manière active l’excitation et les émotions (Derryberry & Rothbart 1988).Pourtant face à certaines situations, comme il l’a été présenté auparavant (l’angoisse deviendrait importante), cette capacité d’autorégulation, pourrait donc se voir altérée (Bowen 1978). Face à des situations dites anxiogènes, le travail de différenciation ne pourrait donc plus s’effectuer normalement. Il y aurait donc ici un hyper ou hypo-fonctionnement de la régulation du soi.

 

bibliographie

 

Eustache Marie-Loup, « Mémoire et identité dans la phénoménologie d’Edmund Husserl : liens avec les conceptions des neurosciences cognitives », Revue de neuropsychologie 2/2010 (Volume 2) , p. 157-170
URL : www.cairn.info/revue-de-neuropsychologie-2010-2-page-157.htm.
DOI : 10.3917/rne.022.0157.

Eustache ML. Le concept de rétention chez E. Husserl : une mémoire constitutive aux sources de la mémoire de travail. Rev Neuropsychol 2009 ; 1 : 321-31.

Husserl E. Sur la phénoménologie de la conscience intime du temps, Partie B. 1893-1917. Traduction française par J.F. Pestureau. Grenoble : Éditions Jérôme Million, 2003.

[1] Miermont J. Pour une théorie de l’esprit, cognition, passion, communication. Résonnances 1997 ; 10-11 : 64-71.

[2] Martial Van der Linden « Une approche cognitive du fonctionnement de la mémoire épisodique et de la mémoire autobiographique », Cliniques méditerranéennes 1/2003 (no 67), p. 53-66. URL : www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2003-1-page-53.htm. DOI : 10.3917/cm.067.0053.

 

Je les aime pareil… Vraiment ?

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Souvent j’entends les parents dire :  » mais je les aime pareil, je ne comprends pas pourquoi ? » Peut-on vraiment aimer ces enfants de la même manière ? Et que veut dire cette phrase qui semble si anodine ?

Que dit un parent à l’enfant quand il lui dit qu’il est aimé comme son frère ou sa soeur ?

Nb : Pour expliquer l’idée, ici, nous prendrons un exemple inventé certes mais tiré de l’expérience que j’ai pu avoir en consultation parent/enfant. Attention c’est un exemple parmi tant d’autres, c’est une approche, et ce n’est pas la seule possible.

 

Vision du parent

 

Pour un parent, il est important de dire à ses enfants qu’il ne fait pas de distinction. Il n’en aime pas un plus que l’autre. Il ne fait pas de différence ni de préférence. Pour certains adultes, l’amour se sépare, il se divise ou encore, se rajoute. Mais c’est souvent à part égale. Tout le monde recevra à juste titre ce qui lui est dû.

Est-ce vraiment possible d’aimer plusieurs personnes de la même manière ? Et si l’éventualité existe, comment faire ? Prenons un exemple un peu extrapolé, si oui, la polygamie ne devrait pas tant poser de problèmes, et pourtant ce n’est pas le cas, dans le monde occidental, c’est moralement répréhensible et juridiquement interdit. Alors comment peut-on aimer également plusieurs personnes ?  Puis ces personnes sont-elles identiques ?

maman-enfantsEt si cette idée était un biais moral, dont l’on ne peut pas vraiment prendre conscience sous peine de se culpabiliser. Découvrir que l’on ne peut aimer nos enfants de la même manière, serait pour les parents, un crime moral dont l’esprit ne peut s’accommoder. Il y a bien évidemment des réponses à comment l’esprit s’arrange de ce biais, l’individualité est niée, les enfants sont pareils. les parents les réduisent à l’état de « même ». Jacques devient pareil qu’Henri, ce sont « mes enfants ». Ils deviennent pareils pour le bien de l’esprit. Puis quand on questionne les parents :

 

  • vous leurs faites autant de câlins à l’un comme à l’autre ?
  • Oui, oui…
  • vous êtes sûr ?
  • non pas vraiment, Jacques me demande plus qu’Henri, mais Henri n’en a pas besoin…
  • Vraiment ? comment pouvez-vous le savoir…

 

Comment un parent peut vraiment savoir quelle dose de câlins un enfant a besoin ? Certains répondent bien vite, « parce que je le sais, je le connais ». C’est évidemment pour un parent. Mais une fois en consultation les enfants s’ouvrent, parlent, et font montre de leurs différences. A ce moment là, les choses ne sont plus aussi évidentes, parce qu’à la base, déjà pas elles ne l’étaient pas. Ils ne veulent pas forcément le demander, et effectivement ils n’en veulent pas forcément. Par exemple la demande d’attention pour Henri est différente, moins fusionnelle ou tout simplement différente. Les parents, par souci d’égalité, ont eux même réduit les enfants à des égaux, à des semblables.


Nb: souvent en consultation, avec l’apparition d’un tiers, des questions qui semblent évidentes sont posées. Et des deux cotés, parents comme enfants, se rendent compte que rien n’est évident. Ou ce qu’il l’est l’un ne l’est pas pour l’autre… (l’autre ici c’est l’enfant)


En rendant les enfant égaux, les parents en oublient une règle simple, chaque enfant est différent. A partir de là, il est plus logique de comprendre que son mode de communication ou simplement d’interaction sera lui aussi distinct. Jacques demande beaucoup de proximité, de câlins. Henri, lui préfère les moments d’échange dans des activités ou il est avec un parent à la fois. Le contact physique ne lui est pas automatiquement nécessaire. Et ces parents se sont rendu compte qu’il n’en demande plus, et par conséquence, ils ne lui en donnent plus. Ils ont construit leur propre hypothèse sur la construction et la personnalité de leur enfant, sans vraiment lui demander ou réussir à le comprendre.

C’est l’un des messages que Dolto a essayé de transmettre : le parent agit sur l’enfant mais, l’enfant agit aussi sur le parent. La communication n’est pas unilatérale mais bilatérale, chacun impacte l’autre.

 

Vision de l’enfant

 

unknownReprenons l’exemple de Jacques et de Henri qui sont deux petits garçons que l’on peut dire imaginaires.

Jacques demande beaucoup de câlins et d’attention, il est demandeur. Alors qu’Henri lui est plus calme, plus silencieux. D’ailleurs ils ont, tout de suite, eu un caractère bien différent, et cela des les premiers mois. Jacques pleurait beaucoup alors qu’Henri non. Henri n’aimait pas le bruit alors que Jacques en avait besoin pour dormir… En somme des enfants différents.

Comment comprennent-ils cette phrase : « on vous aime pareil » ? L’un comme l’autre comprennent qu’ils sont semblables, qu’ils n’ont donc rien de spécial, d’après les mots des parents.

 

Le premier enfant

 

Pour Jacques, qui est le premier, cela peut être très mal vécu. Souvent quand un deuxième bébé arrive l’enfant se demande ce qu’il a fait, et plus encore ce qu’il a fait de mal pour que les parents en fassent un second ? Plus l’enfant est jeune plus le raisonnement va être archaïque : en bon comme en mauvais, assez comme pas assez. Ex : Si les parents font un nouvel enfant c’est qu’il n’a pas été suffisamment… quoi ?

L’enfant trouvera quelque chose à mettre à la fin de cette phrase. Combien d’enfant nous demande en consultation de psychologie, pourquoi les parents ont « besoin » de faire un deuxième enfant. Cela vient souvent inscrire une faille dans l’image que l’enfant se fait de lui même. L’imperfection se tatoue dans leurs esprits, malgré toutes les explications bienveillantes que leurs apporteront les boy-830706_1920parents. Le premier perd donc ce qui le rendait spécial, et en plus, les parents eux même lui disent :  « nous vous aimerons pareil ». Comment est-ce possible, puisqu’ils ne peuvent pas concevoir cela ?   Expliquons nous : un enfant n’aime pas pareil ses parents. Dans un premier temps, il aimera toujours plus celui qui est le donneur d’affection, celui qu’il voit plus, celui qui est le plus présent. Donc, si lui ne peut aimer deux personnes de façon identique,  il ne peut pas concevoir que vous vous puissiez d’une certaine manière le faire.

Question : si votre femme ou votre mari vous dit cela comment réagissez vous ? « chéri(e) je vous aimerais pareil… avec mon amant ou ma maitresse…

Réponse : mal ,très mal, je suppose… alors pourquoi espérez vous qu’un enfant fasse autrement ? il ne peut pas… Et on le voit avec Jacques, il demande beaucoup d’affection, pour se rassurer, pour être rassurer. La peur peut s’apaiser, mais la marque elle restera. Pourquoi seriez vous différents de votre enfant ou vous de lui ?

 

Le second enfant

 

Pour Henri c’est différent, il a toujours connu Jacques son frère. Du coup il a toujours connu le partage des parents. Il a, d’ailleurs, intégré différemment le partage de l’attention. Puis il a compris que son frère avait besoin beaucoup de câlins. Mais contrairement à lui, il n’en demande pas. Il observe que l’autre en a, et pas lui. Pourquoi, ne le comprend-t-il pas ?

jalousie-familleUn observateur neutre pourra voir qu’il est difficile pour lui de s’exprimer, puisqu’à chaque fois qu’il le fait, Jacques vient et prend toute la place. Alors Henri a finalement arrêté rapidement de demander. Il a appris à jouer seul dans sa chambre, sans faire de bruit. Ces parent le félicitent de son comportement, Henri est content que ses parents le remarquent, mais il a un manque. Ce manque qu’on le veuille ou non, l’enfant y trouvera une ou des réponse(s) pour le combler parce que la nature n’aime pas le vide. Ex : Ce frère qui prend plus de place, le rend jaloux, ces parents ne l’aiment pas suffisamment, alors il fait encore plus d’efforts pour être calme, pour être encore plus félicité… Les choses empirent, les parents expliquent qu’ils aiment leurs enfants pareil. Mais rien n’est pareil, Jacques lui se conduit comme un bébé, Henri ne comprend pas, il grandit dans un biais de perception.
 

Discusion

 

the-mother-1505055_1920Cet exemple peut être inversé, et il n’est pas catégorique, il y a bien d’autres scénarios possibles. Mais présenté comme cela, il est plus facile de comprendre, que nos enfants ne sont pas pareils. Tout simplement parce qu’ils ne sont pas arrivés au même moment, et parce qu’ils ont des caractéristiques spécifiques.  Nous ne pouvons pas leur donner exactement la même chose, l’expérience étant déjà là, nous ne pouvons l’oublier. Cela veut dire que nos réactions avec le second seront forcément différentes d’avec le premier. L’éducation et l’amour ne seront pas exactement les mêmes, simplement parce que les enfants sont des êtres distincts. Alors que vous avez répété mille fois quelque chose à l’un il faudra qu’une fois à l’autre. Cela marque la différence, pour l’un, l’importance de cette chose sera flagrante, pour l’autre, non…

 

Proposition pour dire les choses autrement

 

Une fois un parent m’a dit :  » j’ai rajouté un nouvel amour pour aimer le second. Je ne pouvais pas partager « . C’est une jolie idée que celle-ci. Rajouter un nouvel amour, créer quelque chose à partir de rien, pour donner une nouvelle place à un nouvel être. Cette idée peut, peut-être permettre à l’enfant de se construire ses représentations différemment. Il pourra comparer comme il le veut, mais ça restera deux amours différents parce que deux personnes différentes. L’amour, lui, ne peut plus être comparé. Du coup, l’enfant reste à une place individuelle, à la sienne. Il n’a plus à s’inquiéter de l’amour qu’on lui porte. Et les parents eux mêmes, pourront percevoir leurs enfants comme différents… et de l’impact qu’ils ont sur eux…

Tout simplement, parce que nous avons tous tendance à oublier que, l’interaction est dualité…

 

Nous sommes tous pareils, mais pas comme vous le pensez !

Il est étrange, à chaque nouvelle consultation, de se rendre compte que l’on a oublié pour certains d’entre nous, qu’il était essentiel de se sentir unique. Etre unique aujourd’hui semble êtrepeas-580333_1920 le maître mot de la survie de tout un chacun. Pourquoi semble-t-il primordial dans la société occidentale d’être un être unique ? Pourquoi être différent est-t-il si important ?

Bon nombre de mes patients se défendent, se débattent avec le besoin d’être différents. Pourquoi ? Combien de fois, ai-je pu entendre « j’ai tout essayé avec moi ça ne marche pas ! » ou encore « Vous ne pouvez pas comprendre… » ou  » pourquoi voulez vous toujours tout ramener à ma mère/père… »

 

Quand on fait de longues études pour comprendre l’être humain et son âme, on peut oublier ce besoin d’être différent. Parfois il m’arrive même de penser et de dire que je ne ressens plus le besoin d’être différent des autres ou, d’avoir besoin que les autres soient différents de moi. Il nous arrive pour certains d’entre nosupport-990335_1920us, d’accepter un fait élémentaire de l’existence, nous appartenons tous à la même société et, c’est une donnée de base pour la compréhension de notre âme. Un fait capital pour comprendre, finalement, que nous sommes différents, c’est que nous  sommes tous semblables.

 

Cette idée, me semble-t-il, doit être d’abord critiquée pour que je puisse vous apporter une réponse sur ce que j’ai dis précédemment !

 

Dans un premier temps, il semble évident que nous sommes tous différents et, la science, notre nouveau dieu actuel nous a apporté la réponse. L’ADN est la preuve irréfutable, c’est la carte identitaire de l’affirmation biologique, comme quoi nous sommes, bel et bien, uniques. Il n’y a pas deux codes génétiques identiques. Enfin, pour l’instant, cela est un fait posé.

 

bienvenuejpg1601-c70d5Mais est-ce que cette donnée est suffisante pour démontrer que nous sommes uniques ? Est-ce une véritable affirmation pour dire que nous sommes tous différents ? Ne sommes-nous donc que le résultat de ce constat biologique ? Cette carte d’identité biologique est-elle la preuve véritable qu’il nous faut ? Si oui cela nous réduit tous à notre biologie. Chaque être sur terre pourrait donc être réduit à ce code. Bienvenus à GATTACA ! Que nous reste-t-il donc pour vivre ? Quel espace avons nous entre la réalisation d’un potentiel et la réalisation d’un avenir tracé dans le biologique ? Aucun !

Le piège, c’est, parfois, ce désir irréaliste de différences, il nous entraine dans des contrées dangereuses de l’âme. Un désir qui s’empare de nous et nous fait oublier la réalité. Cette réalité qui est dans tous les signes de tous les jours, qu’à force de voir, nous les avons relégués à des automatismes.

 

Dans la société occidentale, qui peut dire qu’il ne connait pas les contes de Perrault ou de Grimm ? Qui peut dire qu’il ne s’arrête pas au feu rouge ? ou qu’il n’est pas socialement correct de manger du chien ou du chat ? Qui peut dire qu’il ne sait pas qu’au moment de rencontrer quelqu’un, on doit dire « bonjour » et au moment de se quitter on doit dire « au revoir » ? N’avons nous pas finalement les mêmes codes ? N’avons nous pas, tous ou pour la plupart, été à l’école jusqu’à l’âge de 16 ans ? voulu passer le brevet, le bac ? perdre notre virginité ? N’avons nous, pour la plupart, pas tous, eu des parents ou des substituts (aimants ou non) ?

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Voilà une idée qui nous rend, d’un seul coup, un petit peu plus semblables les uns les autres ? Mais alors pourquoi tant de patients en consultation résistent ? Pourquoi avoir besoin de vous ( ou nous) défendre ? Bien évidemment que pendant mes années d’études, j’ai eu la réponse à cette question, et après, avec l’expérience du terrain. Mais à quoi cela me sert-il d’avoir cette réponse ? Non, plutôt à quoi vous sert-il que nous, psychologues, psychothérapeutes ou autres, ayons la réponse ?

Rappelons ces phrases essentielles que certains patients formulent :

  • Le patient : « je sais où vous voulez en venir »
  • Psy : » où ça ? »
  • Le patient :  » vous voulez que je parle de ma mère »
  • psy : « c’est vous qui le dites… »
  • Le patient :  » vous me manipulez »
  • psy : « à quoi cela me servirait-il de vous manipuler, quel serait mon but ? »
  • silence, plusieurs minutes…
  • Le patient : « à rien…je ne sais pas… »

L’ordinateur ne peut fonctionner seul, il faut une personne qui l’active, soit une personne qui a un but. Quand vous vous mettez devant votre écran, même si c’est pour passer le temps, vous vous y mettez avec le but de passer le temps. Maintenant disons que vous voulez utiliser un traitement de texte, pour écrire. Votre but sera d’écrire quelque chose, et pour cela, vous allez avoir besoin d’un logiciel. Ce logiciel vous l’avez déjà installé en amont, le jour où vous avez acheté l’ordinateur. Que vous vouliez écrire un roman, un article, une correspondance… que sais-je, vous allez toujours (ou la plupart du temps) utiliser le même logiciel, par exemple : Word  ? Et bien d’une certaine manière, l’être humain fonctionne pareillement. Expliquons-nous :

  • l’Homme qui allume l’ordinateur : c’est l’inconscient
  • le désir d’écrire : la pulsion
  • l’ordinateur : c’est votre esprit
  • le logiciel : les schèmes ou l’expérience que vous avez enregistrés en amont
  • ce que vous voulez écrire roman, article… : ce sont les nouvelles expériences que vous faites – nouvelles relations…

 

Pourquoi en psychologie nous avons cette tendance à vouloir remonter dans les profondeurs pour expliquer ce qui vous arrive aujourd’hui ? Tout simplement parce que vous êtes la somme de vos confused-880735_1920expériences passées. Ni plus ni moins, et je ne connais aucun être humain qui soit différent, aucun être humain qui peut échapper à cette règle. Disons que c’est une règle universelle, la société c’est avant tout une histoire de groupe et le premier groupe auquel nous sommes tous confrontés, c’est la famille. Et dans la famille le premier groupe c’est les parents.

 

Si cet article doit vous apporter une révélation, c’est que d’une certaine manière nous sommes tous semblables, mais pas de la manière dont vous vous l’imaginez. Qu’on le veuille ou pas, nous faisons tous partis d’une société et nous subissons de manière consciente et inconsciente ces règles, ces lois et donc son autorité

Dossier trouble du sommeil chez l’enfant : article 1

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La peur du noir qu’est-ce c’est ? Vous êtes vous déjà demandé ce qu’était vraiment la peur tout simplement avant celle du noir ? Et ensuite ce qu’était cette peur pour l’enfant ?

 

 

Selon le Larousse, la peur c’est :

  • Sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace (souvent dans avoir, faire peur) ; cette émotion éprouvée dans certaines situations : Trembler de peur.
  • Appréhension, crainte devant un danger, qui pousse à fuir ou à éviter cette situation : La peur du ridicule.
  • Crainte que quelque chose, considéré comme dangereux, pénible ou regrettable, se produise (surtout dans avoir peur) : Les médecins ont peur qu’il s’agisse d’une pneumonie.
  • Crainte du jugement, des réactions de quelqu’un, qui fait qu’on adapte son comportement, qu’on obéit à certaines consignes : Elle a plus peur de son grand frère que de son père.

La peur est un mécanisme de défense instinctif, c’est phénoménologique. Cela veut dire que c’est un mécanisme ancré dans nos gènes. Pour certains scientifiques, cela remonterait à l’origine de nos  ancêtres les plus lointains, où l’homme n’était pas le maitre du monde. La peur est donc un3075388569_1_5_BCil2xnA mécanisme de défense qui se met en place quand on pense avoir identifié un danger. Lorsque que la peur nous envahit, nous avons des automatismes physiques qui se mettent en place. Par exemple : accélération de la respiration et du coeur, tremblements, les muscles se tendent parce qu’ils se préparent à l’action, et l’attention s’aiguise. Tout cela se passe donc en premier lieu dans le cerveau  qui a 2 objectifs : mobiliser les ressources et évaluer la situation, deux objectifs pour deux zones différentes de notre cerveau :

  1. La première c’est celle que l’on appelle « thalamus » : est chargé de dispatcher les informations sensorielles.
  2.  Puis quand un danger est détecté par nos sens, un message est adressé par le thalamus à « l’agmidale ». C’est une réponse en oui /non. Si la réponse est oui, alors le corps se met en alerte. Cela se traduit par un mécanisme de défense appelé : combat/fuite. Différentes hormones du stress vont être produites pour faciliter nos réactions.

En même temps la nature du danger va être analysée, tout simplement parce qu’il faut savoir s’il faut maintenir l’état de vigilance ou revenir à un état dit normal ou calme.  Ce sont  2 autres parties du cerveau qui s’occupent de ce travail :

  1. « le cortex sensoriel » qui va attribuer un sens à ce que l’on a pu percevoir comme menace et
  2. « l’hippocampe » qui lui, va venir replacer cette menace dans un contexte. Pour faire ça, il va falloir au cerveau, réaliser des comparaisons avec les différentes expériences qu’il a déjà vécues.

Grâce à cette mécanique bien huilée depuis des millénaires, le cerveau va pouvoir prendre la décision de maintenir l’état de vigilance aussi longtemps que nécéssaire ou revenir au calme.

Nous découvrons ici que l’expérience va permettre de traiter l’information de la menace. Ce qui veut dire que plus nous avons eu d’expériences, plus nous pouvons traiter rapidement l’information et permettre au corps de revenir à un état normal. Revenir à un état dit d’homéostasie est important, parce que celui de vigilance demande beaucoup de ressources et épuise très rapidement les capacités du corps humain. Nous avons tous fait l’expérience d’avoir une frayeur et, d’être épuisé juste après, comme si l’on avait couru le marathon de Paris. Alors essayez d’imaginer ce que peut ressentir un bébé ou un enfant quand il est face à ce que lui identifie comme une menace. Maintenant demandez vous quelle expérience celui-ci a déjà vécu pour stopper l’état de baby-1231442_1920vigilance ? Ca y est vous commencer à voir où je veux en venir ?

Un bébé n’a aucune expérience de peur pour ainsi dire, avant ça naissance. C’est après quand il fait la découverte des sensations qui proviennent de son corps : comme la faim. C’est ici la première perturbation que l’enfant va ressentir, perturbation qui veut dire plusieurs choses :

  1. il va falloir être nourri
  2. il va falloir que quelqu’un me nourrisse

Comme nous l’expliquerons dans un autre article, dans un premier temps les parents sont énormément dans une réaction immédiate, pour ne pas laisser souffrir l’enfant. Puis au fur et à mesure de votre épuisement, du temps va se mettre entre le pleur et la satisfaction. Cela va produire deux choses :

  1. la peur que l’on ne soit pas nourri
  2. mais aussi et surtout, l’idée que ce qui nous nourrit, est différent de nous. Cette idée est un concept des plus importants pour l’avenir de votre enfant.

Tous parents, normalement bons, cherchent à rassurer son enfant, verbalisent ce qui se passe, ce qu’il ressent. Pourtant tous les enfants n’intériorisent pas l’expérience de la même manière. Là aussi il y a un point important que les parents se doivent de prendre en compte, tous les enfants sont différents. l’expérience de séparation ne sera donc pas intériorisé de la même manière par tous. Cette séparation va mettre une première distance entre soi et, nous dirons, « l’objet ».baby-1270030_1920 Pourquoi l’objet ? Parce que dans un premier temps il n’a pas de nom. Pour l’enfant, le parent, qui nourrit, n’est qu’une chose qui le regarde et qu’il regarde, qui lui apporte ce dont il a besoin. Plus exactement qui obéit à ses ordres, qui satisfait ses besoins. Puis avec votre aide, il y aura une seconde séparation le jour où, il vous nommera papa ou maman, mama, ou baba… Vous êtes une chose nommable, donc différente de lui. Vous devenez la chose qu’il peut appeler, mais vous devenez aussi l’objet qui pourrait, ne pas répondre à son appel. Vous devenez un objet de peur. Puis au fur et à mesure ce n’est plus vous, l’objet de peur, mais la séparation, le vide qu’il peut y avoir entre lui et vous.

 

Conclusion :

Revenons à la peur du noir, qui est, comme nous l’avons dit, une perte de repères, un vide qu’il faut remplir. Ce vide, qu’il doit remplir, c’est l’espace qu’il y a entre vous et lui. Il reconnait dans le noir ce moment angoissant ou vous pourriez ne pas répondre à son appel. Quand votre enfant a grandi, ce n’est plus pour la faim qu’il a peur du vide, souvent les enfants parlent d’une chose qui pourrait surgir du noir. Cette chose est une mentalisation de l’imaginaire, une réponse intuitive du danger qui pourrait se cacher dans le noir. Une chose qui vient remplir le vide. Une mentalisation qui vient comme une réponse lui permettre de nommer ce qui lui fait peur, être séparé de vous.

Bibliographie :

  • Parot, F. (1995). L’homme qui rêve. Paris : PUF.
  • Luis Alvarez, Bernard Golse,  La psychiatrie du bébé, 2e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages. ISBN : 9782130621508
    Lien : <http://www.cairn.info/la-psychiatrie-du-bebe–9782130621508.htm>
  • A. Bridoux, C. Monaca. Sommeil normal et neurobiologie. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 – n° 1 – janvier-février-mars 2010

Lien pour aller plus loin sur le sommeil :

 

Dossier trouble du sommeil chez l’enfant : Article 3

la peur du Noir

« La couleur noire absorbe tout, la nuit noire, tout est absorbé... » Voilà ce que me dit un enfant pendant une consultation. Il vient me voir parce qu’il a une peur terrible du noir et des monstresmonstre-cie-pika qui se cachent dans l’obscurité et qui pourraient l’emporter, « mais où ? » lui demandai-je. Il ne sait pas « où vont les couleurs ? Où qu’il va le bleu du ciel ? » me demande-t-il de manière tellement pertinente pour un enfant de 5 ans. Comment répondre à ça ? en lui disant nulle part, ce qui serait tout aussi angoissant que partout ailleurs finalement. Puisque ce « nulle part » le rendrait tout aussi impuissant que ce « partout » où il pourrait être entrainé. Puis vient la question d’après, mais qui voudrait t’entrainer dans cette obscurité ? Il ne sait pas, il a peur que quelque chose surgisse, et me lance comme ça, sans conviction comme si j’allai me moquer de ce qu’il dit, « les montres qui se cachent dans le noir, comme dans le dessin animé « Monstres et compagnie« .

 

Dans cet échange il y a presque toutes les réponses à ce que peut être la peur du noir. Il a peur , il a un  » Sentiment d’angoisse éprouvé en présence (ou à la pensée) d’un danger réel ou supposé, d’une menace » (Larousse). Et pour lui cette menace viendrait du noir ou, de ce qui pourrait dans un deuxième temps s’y trouver.

 

Alors comme beaucoup d’autres articles, je pourrais reprendre l’idée de la perte des repères. Parce qu’il est évident que le monde, pendant la journée, est un monde que l’on connait, sur la gauche il y a l’armoire et je vois ce qu’il y a dessus, à droite le placard et je vois ce qu’il y a dedans. Mais est-ce vraiment nécéssaire d’expliquer ça ?  Ou vaut-il mieux reprendre ce qui se passe et, comment cela se passe pour lui ?

 

Dans un précédent article, j’explique que l’enfant est assailli de nouvelles sensations à partir de la naissance. Et facteur important, à prendre véritablement en compte, c’est que ces sensations nouvelles apparaissent sans prévenir : la faim, la soif, la fatigue, le froid, le chaud… Ce sont dans un premier temps que des sensations désagréables. Avoir faim, pour un adulte, c’est déjà pas drôle mais imaginez pour un enfant, ce creux qui vous dévore, et que vous ne savez pas ce que c’est ? Tout cela n’est pas très rythmé au début. Et comment voudriez vous que ça le soit ? Votre enfant était relié à une batterie qui l’alimentait h24. Mais avec le temps, votre enfant va se mettre comme chaque être au monde au diapason, le jour et la nuit vont venir donner le tempo dans son monde, comme dans le votre. Tout cela c’est un peu les repères dont on parle en psychologie. C’est donc d’abord le temps, qui va venir puis, quand il sera réglé, c’est l’espace qui va venir être questionné. Est-ce que le monde à l’extérieur est aussi amovible que celui à l’intérieur ?


Rappel : Un des grands principes de la vie est, que l’on ne peut pas avoir peur de tout, en même temps. Essayez, si, vous avez peur des araignées et des abeilles, de vous mettre proche des deux. Inévitablement, vous vous préoccuperez plus de l’une ou de l’autre. Pour l’enfant c’est pareil, il ne peut pas avoir vraiment peur du monde extérieur tant qu’il a peur de son monde interne.


 

papa-bebe-miroir2Pour répondre à cette question, l’enfant va commencer par découvrir, petit à petit, ce monde au travers de votre regard. Il va vérifier en vous regardant s’il n’est pas en danger, puis dans vos mots. Puis vient indubitablement, le moment des histoires, ce moment est un moment extrêmement prolifique pour votre enfant. Parce qu’il va lui permettre de trouver des réponses à ce qui provoque de l’angoisse chez lui. N’oubliez pas qu’il n’a pas encore les mots pour parler des émotions qu’il ressent à l’intérieur de lui, ou commence tout juste. Il vient à peine d’obtenir ceux qui lui permettent de comprendre les sensations.

Nous avons aussi dit qu’il commence à se confronter à la frustration d’être impuissant à commander ce monde. Et ce monde est-il comme lui vivant ? Si oui, est-ce qu’il pourrait lui faire du mal ? le monde extérieur devient donc potentiellement dangereux, puis on est seul face à ce monde rempli
girl-535251_1920 de dangers la nuit. Des dangers sans nom, mais il faudra les nommer ces choses. Il faut les nommer, parce que donner un nom aux choses, permet de récupérer un peu de pouvoir sur celles-ci. Les cris n’ont plus fonctionné, puis il a commencé à vous appeler maman ou papa et vous avez recommencé à venir à lui. La nuit est donc devenue le berceau d’un nouveau monde, celui de son imaginaire. L’imaginaire de l’enfant est la fabrique industrielle de rationalisation abscons. Cela veut dire qu’avec le peu de connaissance qu’il a, en sa possession, il va trouver des réponses à toutes les questions qu’il se pose.

 

Pour terminer :

Votre enfant ne contrôle plus ce qu’il se passe, parce qu’il ne le voit pas. Ce n’est pas comme pendant la journée ou, il peut vous appeler ou simplement vous regarder pour se rassurer. La nuit, Il est impuissant et cela le réveille, ou provoque de l’angoisse. Cette angoisse se formule souvent de cette manière : est-ce que maman ou papa va arriver assez vite s’il y a un problème ? Et si le loup venait ? (nous verrons pourquoi, dans un futur article, les contes sont importants) D’une certaine manière, convoquer dans l’imaginaire de l’enfant, le loup vient ici remplir le vide que l’absence des parents a laissé. Il vient dans le fantasme représenter la vengeance contre ces méchants parents qui l’ont abandonné seul dans le noir. Et si ce fantasme vient s’élaborer, c’est peut-être tout simplement, parce que la première règle que l’on apprend aux enfants, est de : ne pas partir avec un inconnu. Qu’est-ce que fait l’inconnu si ce n’est : kidnapper et donc de le séparer. Le loup vient aussi faire en sorte que l’enfant ne soit plus seul.

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La peur du noir, n’est pas une peur simple, c’est la peur d’être seul et d’être impuissant dans cette grande chambre. Le monde des rêves, chez l’enfant, est peuplé de monstres.  Combien de fois vous êtes vous réveillé la nuit, avec la boule au ventre, les larmes aux yeux sans savoir pourquoi ? en tant qu’adulte, vous rationalisez rapidement ce qu’il vous arrive, mais un enfant de 3 ans, qui a un vocabulaire de 500 mots, pensez-vous qu’il le puisse aussi rapidement ?

Bibliographie

  • Parot, F. (1995). L’homme qui rêve. Paris : PUF.
  • Luis Alvarez, Bernard Golse,  La psychiatrie du bébé, 2e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2013, 128 pages. ISBN : 9782130621508
    Lien : <http://www.cairn.info/la-psychiatrie-du-bebe–9782130621508.htm>
  • A. Bridoux, C. Monaca. Sommeil normal et neurobiologie. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 – n° 1 – janvier-février-mars 2010

Lien pour aller plus loin sur le sommeil :

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