Pour parler de dépendance il faut en réalité parler d’une psychopathologie évolutive. D’une certaine manière la dépendance nous vient, d’une chose un peu bête, notre premier sevrage… notre première dépendance… Certains chercheurs parlent d’un trouble qui serait post-adolescence et/ou jeune adulte. Mais finalement, si l’on y réfléchit bien avec cette nouvelle idée que la dépendance serait une maladie, il y aurait donc quelque chose qui cloche. Et si cette chose qui cloche, était notre schéma interne face au plaisir, notre capacité à gérer la frustration ? A faire face à la tentation ? A faire face au plaisir ? A la capacité de dire non ? A notre capacité de prendre une décision?… Après tout une personne sujette à l’addiction semble avoir une incapacité dans tous les domaines cités plus haut.
Du coup, nous devons parler de l’évolution de la relation entre la mère (ou le substitut, mais pour des raisons pratiques nous dirons toujours mère) et l’enfant. C’est auprès de Winnicott l’un des premiers grands pédopsychiatres et psychanalystes, que la compréhension du rôle et de l’échange entre la mère et l’enfant se fait.
Ce dernier distingue donc trois phases plus ou moins importantes pour, ce que l’on nomme, la maturation du bébé. Ces trois phases sont une forme de modification essentielle au bon fonctionnement de l’appareil psychique.
1) Phase 1 ou dépendance absolue
Le bébé vient de naitre, il est donc totalement dépendant des soins maternels. Si la mère ne répond pas l’enfant souffre, souffrance qui est à mille lieues de notre entendement d’adulte. Imaginez vous mourir de faim dans une montagne et n’avoir qu’à manger : votre collègue… vous souffrirez ! Cette période représente les 5 premier mois de la vie. A cette période l’enfant n’est pas une personne (oui c’est un raccourci), il est ce que l’on appelle en fusion. Vous touchez la mère, le bébé pleure… D’une certaine manière il continu à être le parasite qu’il était avant sa naissance. D’un point de vu purement scientifique c’est à ça que correspond votre bébé.
La fusion permet aussi à la mère de comprendre de manière « instinctive » le besoin de l’enfant et d’y répondre le plus rapidement possible. Cette réponse de la mère se fait aussi en rapport à notre capacité au mimétisme, plus nous avons de capacités de lire, inconsciemment, les émotions de l’autre plus vite nous pouvons y répondre.
2) Phase 2 ou la dépendance relative
Cette phase va du 6e mois jusqu’à la fin de la première année. C’est pendant ce temps que l’enfant va devoir apprendre une part de la frustration. De cet apprentissage, l’enfant va commencer et devoir «s’individuer». C’est-à-dire devenir un être « séparé » de sa mère. Ils sont donc deux personnes distinctes : « elle ne comprend pas forcement mes signaux, il faut que j’utilise autre chose… » On parle ici d’une compréhension de la part de l’enfant, vis-à-vis de la mère et de ses réponses. C’est-à-dire que l’enfant prend conscience que la mère ne répond plus ou pas de manière magique. On parlera de la mise en place d’une « relation objectale » dans le sens ou la mère devient un autre objet. Soit un objet différent de lui même. Si elle est différente de moi alors il faut que je trouve le bon signal pour qu’elle réponde.
Le temps de réponse ou les réponses inadéquates, ce que l’on va appeler en psychologie « les carences d’adaptation mineures » sont, donc d’une certaine manière, nécessaires au bon développement de l’enfant. C’est aussi à ce moment qu’un schéma sera intégré comme quoi, nous pouvons maitriser certaines choses et que d’autres ne pourront pas être maitrisées. De son coté, la mère doit aussi accepter qu’elle ne peut pas «tout», ce qui veut dire qu’elle va devoir abandonner l’idée d’être une mère parfaite. Le risque de ne pas faire ce chemin là est d’empêcher l’enfant de devenir « in(un)-dépendant ». Puisque pendant ce stade l’enfant comprend ou envisage, qu’il est effectivement dépendant.
3) Phase 3 ou l’indépendance.
C’est vers le début de la deuxième année que l’enfant commence à s’autonomiser, ou il doit faire face à l’environnement, ou il peut faire face… il marche, il peut donc découvrir le monde. Parallèlement à cela, alors qu’il devient indépendant des parents ou de la mère, il devient dépendant du monde social, des nouvelles règles.
On comprend aisément comment le rôle des parents et de la relation peut avoir un impact sur notre appréhension du monde. Un enfant qui a toujours été dans ce que l’on peut appeler le « principe de plaisir » fera tout pour rester dans le principe de plaisir ou d’éviter le déplaisir. Du coup il fera ce qu’il faut pour rester dépendant jamais séparé de l’autre pour éviter la souffrance. Finalement un part de la réflexion se tourne sur l’idée que l’addiction, c’est de rester proche de l’autre et de la sensation qu’il avait quand il était enfant.
Reparlons de notre cerveau, que se passe-t-il quand il est question de dépendance ?
Une partie de la dépendance est ciblée dans le système qui gère les récompenses. De manière intéressante il faut savoir que ce système est programmé dès l’enfance et cela en fonction des expériences précoces de (tenez vous) : « plaisir et déplaisir » corporel (à croire que les psychanalystes racontent vraiment n’importe quoi parfois…ou pas ? ). De même que c’est aussi lié aux expériences émotionnelles que fera le bébé vis-à-vis de la qualité du maternage et au développement de ce que l’on appelle le lien d’attachement : sécure ou insécure. Ce système va permettre à tout un chacun d’apprendre et de reconnaître ce qui est bon ou mauvais pour soi, ce qui peut être dangereux… Et donc à 4 ans il est plus facile de reconnaitre comme mauvais : les chiens méchants que la cocaïne. C’est peut être pour ça que vous avez peur des chiens mais pas de la drogue…
« Ce qui va tout foutre en l’air » …
(excusez mon langage) c’est la dopamine… on va souvent vous en parler de ce neuromédiateur, parce qu’il est super important. Certaines drogues vont activées directement le système de récompense du cerveau, en faisant augmenter la concentration de dopamine. D’ailleurs Parkinson est lié à la régulation de la dopamine, et la schizophrénie aussi… et ça bloque trop et ça délire… enfin ça dépend de la zone… mais c’est un autre sujet.
Alors la dopamine est mêlée dans ce que l’on nomme en neurobiologie « l’auto-administration du stimulus : naturel ou non » (non = drogue).
D’ailleurs pour la petite histoire, des expériences ont été faites sur les souris avec la drogue et/ou du sucre. Elles devaient s’auto-administrées une dose. Sachez que les souris préfèrent le sucre et se laissent mourir pour s’injecter le sucre, que manger ou bien dormir. De la même manière pour la stimulation du système de récompense, c’est la même chose pour la dopamine, elles préfèrent la stimulation à la vie.
Après tout cela vous aurez donc compris que nous ne sommes pas des êtres égaux dans la vie… D’ailleurs sinon tout le monde serait champion olympique… Et bien pour les drogues c’est la même, ne vous posez pas la question, certains ne vont pas être attirés et d’autres ne devront pas être attirés.
Il faut savoir de manière générale que c’est pendant l’adolescence qu’il est le plus difficile de dire non, parce que c’est pendant cette période que l’on apprend à faire ses propres choix ou à prendre ses propres décisions. Et que les zones de contrôles sont en train de se terminer (et oui votre cerveau ne l’était pas…). Pour faire cela on a tendance à remettre le monde entier en question donc, à vouloir essayer… après tout pourquoi pas… NON ! Dites NON !
Les signes pouvant passer pour prédictifs de la vulnérabilité
- Un besoin de recherche de sensations
- Un besoin de nouveauté
- Mauvaise appréciation du danger
- Labilité
- Un niveau élevé d’activités comportementales associées à de faibles capacités attentionnelles (ce n’est plus très vrai avec les nouvelles drogues de compétences)
- Faible estime de soi
- Une auto dépréciation
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Difficulté à faire face aux événements
On s’arrête là…